« Le vandalisme a pour unique finalité d’aboutir à une insurrection et une déstabilisation des institutions », déclare Kalla Ankourao

Monsieur Kalla Ankourao, ancien ministre, ancien député est présentement Secrétaire Général adjoint du PNDS Tarayya. Dans l’entretien qui suit, il analyse la situation sociopolitique du pays et apprécie l’attribution du prix Mo Ibrahim au Président Issoufou Mahamadou.

Niger Inter Hebdo : La commission électorale nationale indépendante (CENI) a déclaré Mohamed Bazoum vainqueur avec 55, 75% contre 44,25% pour son challenger Mahamane Ousmane. Quel commentaire vous inspire ces résultats ?

Kalla Ankourao : Evidemment je ne peux que me réjouir de cette victoire nette, au regard du suffrage obtenu par le Candidat Bazoum Mohamed 55.75 % contre et 44.25% pour le candidat  Mahamane Ousmane. Rappelez-vous c’est avec des taux comparables que Mahamane Ousmane a battu Tandja Mamadou en 1993, que Tandja Mamadou a battu Mahamadou Issoufou en 1999, que Mahamadou Issoufou a battu Seyni Oumarou en 2011.  Par conséquent cette fois encore la stabilité de l’électorat a prévalu.

Certes, nous avons misé sur un score plus élevé pour Bazoum, compte tenu du potentiel dont il était crédité, qui était de 67%, contre seulement 33% pour Mahamane Ousmane. Mais c’était sans compter avec la campagne ordurière planifiée et menée, par nos adversaires sans le moindre souci pour la cohésion nationale, et les fraudes massives qu’ils avaient organisées, comme en témoignent les chiffres que nous dévoilons plus loin.

En rappel, aux élections municipales le PNDS de Bazoum Mohamed a eu 1799 sièges et le RDR de Mahamane Ousmane 20 sièges.

Aux élections législatives, le PNDS de Bazoum Mohamed a eu 79 députés et le RDR de Mahamane Ousmane 7 députés.

Aux élections présidentielles 1er tour le candidat Mohamed Bazoum soutenu par quelques alliés a eu 39, 33 % alors que Mahamane Ousmane soutenu par Hama Amadou n’a eu que 17, 99 %.

En dépit de tous ces chiffres qui parlent d’eux-mêmes, de la relative stabilité de l’électorat reconnue par tous, de l’acceptation implicite des résultats des scrutins municipal, législatif et présidentiel 1er tour. Mahamane Ousmane proclame partout qu’on lui a volé sa « victoire » parce que n’ayant été crédité que de 44% au second tour contre 56% obtenus par le candidat Bazoum Mohamed, lui qui a bénéficié au second tour du soutien des deux grand partis, à savoir le MNSD Nassara et le MPR Jamhuriya. Mahaman Ousmane jouit-il encore de sa lucidité légendaire ? Il est permis d’en douter ?

Niger Inter Hebdo : Mahamane Ousmane s’est autoproclamé vainqueur avec 50, 30%. Selon vous est-ce une attitude de mauvais perdant ou bien du dilatoire de la part d’un ancien chef d’Etat qui est censé savoir qu’on ne saurait être juge et partie ?

Kalla Ankourao : J’hésite beaucoup à qualifier le comportement du président Mahamane Ousmane à l’occasion de ce second tour. En s’autoproclamant vainqueur, il commet déjà un acte inédit dans l’histoire des élections au Niger et une violation flagrante de la loi de la République, lui qui a été le premier de ce pays à profiter des bienfaits de la démocratie. Ce choix de stratégie de Mahamane Ousmane est inexplicable et frise l’ingratitude vis-à-vis du peuple nigérien. Surtout qu’aux élections de 1996, le Front pour la Restauration et la Défense de la Démocratie (FRDD) lui a proposé de le proclamer vainqueur sur la base des résultats réels et vérifiés à partir des procès-verbaux, mais il a opposé une fin de non-recevoir, prétextant que c’est contraire à la loi électorale. Pourquoi le fait-il cette fois ci alors que les mêmes dispositions en la matière sont en vigueur? La seule différence est que cette fois il subit des pressions plus fortes qu’en 1996 de la part de ses alliés.

Je ne voudrais pas insister sur la fraude mais quand j’écoute ceux qui s’en plaignent, j’ai comme l’impression que c’est le voleur qui crie au voleur. Voyez-vous tout le monde est d’accord sur une certaine stabilité de l’électorat nigérien y compris l’opposition. Les progressions en termes de suffrages des électeurs sont faibles d’une élection à une autre.  Dès lors, comment nos adversaires peuvent-ils expliquer qu’entre les deux tours, les suffrages obtenus par leur candidat dans certaines régions et communes, soient multipliés par 10, 20 et même 60, alors que le taux de participation a baissé et que seul le suffrage de Kiishin Kassa s’est ajouté ?

Le statisticien économiste Mahamane Ousmane devrait être totalement perturbé par ces anomalies grossières. Suite à une exploitation rapide des résultats globaux, j’ai pu découvrir que dans

130 communes sur les 266, soit près de la moitié, le taux de report pour le candidat Mahamane Ousmane dépasse 200%. J’ai même relevé une dizaine de cas de report supérieurs à 1000 %  en faveur de Mahamane Ousmane. C’est le cas  par exemple des  communes de :

  • Albarkaram /Damagaram Takaya : taux de participation 147%, report de 1194%
  • Alakos/ Gouré : taux de participation 212%, report de 4074%
  • Zermou /Mirriah : taux de participation 140%, report de 2389%
  • Falanko /Tanout : taux de participation 506%, report de 6495%
  • Tenhya /Tanout : taux de participation 144%, report de 1428%
  • Arrondissement 5/ Zinder : taux de participation 151%, report de 2367%

Il s’agit là de véritables exploits dont seul le statisticien Mahamane Ousmane a le secret et au vue des quels, Timia qui n’a réalisé que 103% de participation fait une pâle prestation.

Niger Inter Hebdo : Après la proclamation des résultats par la CENI, des actes de vandalisme sur des personnes, des biens publics et privés ont été perpétrés à Niamey. Comment expliquez-vous cette guérilla urbaine qui serait une réaction contre une présumée fraude électorale ?

Kalla Ankourao : Je regrette profondément cette violence post-électorale inédite dans notre pays. Rien, absolument rien dans la conduite de notre processus électoral ne peut justifier cet extrémisme. Nous avons été à l’opposition pendant vingt ans et avons subi toute sorte d’injustice, mais malgré cela il ne nous est arrivé à aucun moment de brûler nos villes, de nous attaquer à des leaders des partis au pouvoir, d’organiser des assassinats etc…

Même quand en 1996, le Président Baré a dissous la CENI en vue de proclamer les résultats qui le donnent vainqueur, les manifestations n’ont jamais visé des responsables politiques et leurs biens, le pillage des banques, encore moins la destruction du patrimoine national.

En vérité, à regarder de plus près, on se rend compte que les motivations de ceux qui poussent au vandalisme n’ont rien à voir avec une hypothétique fraude. Le vandalisme a pour unique finalité d’aboutir à une insurrection et une déstabilisation des institutions. Mais plusieurs observateurs pensent que le candidat Mahamane Ousmane n’approuve pas totalement cette option, même si par ailleurs, il n’a jamais condamné ces actes de vandalisme. Jusqu’à quand ? Puisque tout le monde sait qu’il subit d’énormes pressions de la part de la frange la plus radicale de la CAP 20-21.

Niger Inter Hebdo : Le slogan de l’opposition Cap 20-21 c’est ‘’Tchandji dole’’ autrement dit le changement par tous les moyens. N’est-ce pas une contradiction avec les principes démocratiques qui voudraient que la dévolution du pouvoir passe nécessairement par les urnes et non par la violence ?

Kalla Ankourao : Il faut se rappeler qu’à la création du CDS Rahama, ce parti, alors présidé par Mahamane Ousmane, a connu la gloire du fait, entre autres, de son slogan « Tchandji Dolé ». Il me semble que, ici également, le même Mahamane Ousmane cette fois à la tête du RDR a voulu utiliser, pour sa campagne, ce slogan dont il connait les effets en termes de mobilisation. Si c’est le cas, on peut comprendre qu’il ne s’agit nullement d’une option délibérée d’imposer l’alternance par la force.

Cependant, nous sommes conscients que la CAP 20-21 compte en son sein des responsables de partis politiques qui ne sont nullement convaincus que la démocratie doit être l’unique mode d’accession au pouvoir. Ceux-là caressent en permanence l’idée de reprendre par tous les moyens le pouvoir. Pour eux, « Tchandji Dolé » est un mot d’ordre qu’il convient d’exécuter. C’est ce rêve, doublé d’une certaine obsession, qui leur fait perdre la raison. Peine perdue, car en trente ans le Niger a eu le temps de tourner définitivement la page de la dictature.

Niger Inter Hebdo : Le Président Issoufou vient d’être le récipiendaire du prix Mo Ibrahim pour la gouvernance d’excellence en Afrique. Pour avoir cheminé ensemble depuis des décennies au sein du PNDS Tarayya avec le Président Issoufou Mahamadou, quel est votre sentiment sur cette consécration ?

Kalla Ankourao : Je connais le Président Issoufou depuis les bancs du lycée et à travers la lutte syndicale estudiantine. Il a une vision claire du sacrifice qu’il est toujours prêt à consentir pour les causes nobles. Pendant les dix ans qu’il a passé à la tête du pays, il ne manque aucune occasion de rappeler qu’il est venu au pouvoir pour travailler pour les populations. Le souci de l’excellence est une autre constance en lui. Le travail ne l’effraie jamais, encore moins les situations difficiles. C’est toutes ces convictions et ces qualités qui lui ont permis d’engranger les succès que l’on connait et qui ont  pour nom : la signature de la montagne de la table, l’aboutissement du processus de la création  de la ZLECAF, les succès diplomatiques majeurs, la lutte contre le terrorisme et la maitrise de  la sécurité, la réduction significative de la pauvreté , l’équipement extraordinaire du pays en infrastructures, le maintien d’un  taux remarquable de croissance du produit intérieur brut, l’organisation d’élections libres  et transparentes , le respect de la constitution et de ses engagements, la résilience de l’économie aux chocs endogènes et exogènes, etc…  Au regard de tout ce bilan, pour quel intérêt le comité du prix Mo Ibrahim serait-il complaisant comme certains détracteurs veulent l’insinuer, dans l’attribution de ce prix au Président Issoufou Mahamadou ?

Mo Ibrahim a eu raison de qualifier le Président Issoufou de dirigeant exceptionnel qui a œuvré sans relâche pour son peuple, pour son pays et pour sa région. Pourquoi s’exprimerait-il ainsi s’il n’en était pas convaincu. Après tout il joue sa crédibilité.

En vérité cette distinction dérange ceux qui ont été au pouvoir avant lui au cours des 30 ans de l’ère démocratique et qui n’ont quasiment rien fait pour notre peuple et pour notre pays, en tout cas rien que l’histoire ait pu retenir. Elle résonne comme un véritable camouflet à l’encontre de tous ces opposants, incapables de discernement et d’un minimum d’objectivité, qui s’entêtent, malgré l’évidence, à ternir vaille que vaille l’image du président Issoufou et de son régime.

Niger Inter Hebdo : Vous avez été également Ministre des Affaires étrangères du Président Issoufou, avez-vous un témoignage sur le style diplomatique d’Issoufou et ses rapports avec les autres leaders au plan africain et mondial ?

Kalla Ankourao : Le Président Issoufou a une boussole en matière de diplomatie ; c’est le souci constant de sortir le Niger de l’anonymat, une détermination à assurer la paix et la sécurité et à engager le pays sur la voie du développement.

C’est à ces fins qu’il a décidé d’élargir la carte diplomatique du Niger malgré l’insuffisance des ressources. Une douzaine de nouvelles représentations diplomatiques ont ouvert leurs portes à Niamey, principalement les pays de l’Europe du Nord. Conséquemment, notre pays a ouvert une dizaine de nouvelles ambassades, notamment vers les pays du BRICS et l’Afrique. Les succès diplomatiques du Président Issoufou sont largement dus à son style. Il privilégie les contacts directs à tous les niveaux et les raffermissements des relations individuelles. Le Président Issoufou Mahamadou est toujours disponible pour assurer les tâches que lui confient ses pairs africains qui ont découvert en lui un Président dévoué à la cause africaine, mais qui ne fait nullement mystère de ses convictions démocratiques. Sa maitrise des dossiers et sa vision ont fait de lui un interlocuteur privilégié sur les questions de sécurité et de développement. C’est tout cela qui lui a valu les succès que l’on connait au plan régional et international.

Propos recueilli par Abdoul Aziz Moussa.