M. Adamou Namata ancien SG de la CDS Rahama et ancien DG de la Sonidep

Cohabitation à la nigérienne : Témoignage d’Adamou Namata, ex DG de la Sonidep

Monsieur Adamou Namata, ancien ministre et député national sous la mandature sortante, fut Directeur Général de la Société nigérienne de pétrole sous la cohabitation de 1995. Il fait partie des 21 Directeurs généraux des sociétés chassés manu militari par un décret illégal de Hama Amadou, Premier ministre de la cohabitation. Namata fut également le seul DG indemnisé pour avoir fait le recours nécessaire et dans les délais.

En 1995, j’étais le Secrétaire Général national du parti de la « Convention Démocratique et Sociale » en abrégé CDS-RAHAMA, parti présidé par M. Mahamane Ousmane alors Président de la République.

J’étais également Directeur Général de la Société Nigérienne de Pétrole (SONIDEP), poste auquel j’avais été nommé juste au sortir de la Conférence Nationale Souveraine sous la transition dirigée par le Premier Ministre Cheiffou AMADOU.

Ces deux positions me plaçaient tout naturellement au cœur de la tourmente politique de l’époque.

Le régime de la cohabitation est la pire des situations qui puisse arriver à un Etat surtout dans nos pays ou les Institutions ne sont pas encore fortes. Celui que nous avons vécu en 1995 était synonyme de tensions politiques, d’instabilité institutionnelle, d’exclusion, d’insécurité permanente pour les acteurs politiques n’appartenant pas à la majorité (harcèlement, acharnement et menaces de toutes sortes).

Nous avons vécu personnellement dans notre chaire toutes ces situations à travers :

  • Des filatures la nuit comme le jour ;
  • Une cascade de missions d’audit et de contrôle de ma gestion de la SONIDEP ;

En tant que secrétaire général du parti du Président de la République je constituais une cible privilégiée par laquelle le gouvernement du Premier Ministre Hama Amadou a cru devoir passer pour affaiblir le Président Mahamane Ousmane en vue d’écourter son mandat. Nostalgiques qu’ils sont de l’ordre ancien, les pontes du régime de la cohabitation, pensaient tout naturellement que M. Mahamane Ousmane et son parti sont financés par la SONIDEP dirigée par le Secrétaire général du CDS –RAHAMA que j’étais.

C’est ainsi que j’ai été le seul Directeur Général d’une société d’Etat à l’époque dont la gestion fut l’objet de cinq missions d’investigation la même année. Outre les contrôles annuels des comptes faits par les commissaires aux comptes, nous avions eu droit à :

  • la mission d’investigation de la chambre des comptes de la Cour suprême en 1995 : son rapport qui fut rendu public n’a relevé aucune anomalie dans notre gestion.
  • L’audit du cabinet international Ernest and Young  en 1995 : non seulement cet audit n’a relevé aucune anomalie dans notre gestion, mais il nous a même exprimé son satisfecit.
  • La mission de la Commission nationale chargée d’établir l’état des lieux. Créée par Arrêté du Premier Ministre Hama Amadou n°15 du 15 mars 1995, cette Commission était chargée selon l’article 2 de l’Arrêté suscité, d’établir un état des lieux de l’Etat ». Placée sous la présidence de l’Inspecteur Djibir Abdoua Mamadou, elle était composée d’une trentaine de personnes. Dans les faits, elle a été essentiellement orientée sur la SONIDEP et plus précisément sur nos trois années de gestion. En vue d’accomplir cette besogne, l’équipe choisie pour la SONIDEP était composée de :
  • Mme Hambaly Rahamou, Inspectrice principale du Trésor ;
  • Mr Hama AMADOU, Inspecteur Central du Trésor ;
  • Mr KANE Adamou, Inspecteur des Finances.

Cette mission à rebondissement s’est étalée du 09 mai à fin septembre 1995. Cette durée hors norme de la mission était motivée par l’objectif assigné à M. KANE Adamou et son équipe, de tout faire « pour coller quelque chose à NAMATA ». Selon les révélations du journal le FLIC n° 27 du 28 septembre 1995, le fils d’un haut responsable du gouvernement par ailleurs agent de la SONIDEP recruté par le DG NAMATA,  l’a approché pour en finir avec NAMATA et casser ainsi son mythe de bon gestionnaire.

Déjà, le 7 juin 1995, ce haut responsable du gouvernement alors ministre de tutelle de la SONIDEP et membre influent du parti MNSD, nous a dit au cours d’une audience qu’il nous accordée en compagnie de deux de nos collaborateurs en l’occurrence M. KATZENFORT et M. Idrissa Moussa que :

  • le rapport d’audit mené par le cabinet international ERNEST and YOUNG et qui n’a rien reproché à ma gestion ne lui est pas opposable. Il peut cependant sans servir. ;
  • il m’a reproché de ne pas jouer le jeu ;
  • il a affirmé qu’ils ont une majorité que nous devons accepter ;
  • que s’il y a une guerre civile dans ce pays, c’est vous qui serez les perdants (je me suis demandé nous qui ?).
  • Une mission de contrôle menée par l’inspecteur Tankari NOGA ;
  • L’intervention du Comité chargé du suivi et du traitement des résultats des travaux de la Commission nationale et du Comité technique chargés d’établir l’état des lieux. Ce Comité a été créée par Décret n°96-072/PCSN du 21 mars 1996 et a été placé sous la présidence du Colonel Youssoufa Mamadou Maiga, Haut commandant de la Gendarmerie nationale et Vice-Président du Conseil National du Salut National.

C’est vous dire que nous avions subi des pressions morales de toutes sortes sous la cohabitation de 1995.

A partir de cette expérience, en tant qu’homme politique qui connait humblement les acteurs politiques et notre contexte nigérien, je pense que le régime de cohabitation c’est la pire catastrophe pour un pays en ce sens qu’il est synonyme de tension au niveau national, risque de guerre civile, d’instabilité des institutions et d’insécurité des acteurs politiques (harcèlements, acharnement et menaces). Et le pire c’est le blocage de l’appareil d’Etat dans la mesure où il est presque impossible pour le Président de la République et le Premier Ministre de regarder dans la même direction quelle que soit la gravité de la situation, les uns et autres ont tendance à mettre en avant la politique politicienne au détriment de l’intérêt général. A mon humble avis, il va falloir repenser notre système politique en tenant compte de la réalité et surtout du contexte nigérien où les acteurs n’ont pas encore suffisamment de culture républicaine et démocratique.

Adamou Namata, ancien DG de la Sonidep sous la cohabitation

 

Niger Inter Hebdo N°005