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Tribune : Trump, un déshonneur américain

En donnant l’assaut au Capitole, siège du pouvoir législatif, des partisans fanatisés du président américain, Donald Trump, ont bravé les institutions de leur pays. Le quarante-cinquième locataire de la Maison Blanche, encore en poste une semaine, aura rabaissé les institutions américaines à un niveau jamais égalé. Ces violences résultent de son refus des résultats des élections présidentielles du 02 novembre 2020, qui ont donné Joe Biden vainqueur.  

Comme certains opposants africains, le président sortant américain, Donald Trump, a crié à la fraude, avant, pendant et après l’élection présidentielle du 02 novembre 2020. Bien que son rival démocrate, Joe Biden, ait été désigné vainqueur de la compétition, il continue de clamer son « désaccord » avec les résultats. Cette résistance dure donc depuis deux mois. Le pire allait survenir ce mercredi 6 janvier 2021. Ce jour-là, pendant que les membres du Congrès sont réunis dans le Capitole, siège de cette institution, pour officialiser, de manière solennelle, l’élection de Joe Biden, Donald Trump harangue ses partisans à la devanture du bâtiment. Il les incite à exprimer, haut et fort, leur refus des résultats. La police métropolitaine de Washington DC, capitale fédérale, ne prêtent pas une oreille attentive aux propos du président, pas plus qu’elle ne fait attention aux accoutrements et aux équipements de cette foule de partisans excités. Eh bien, elle a commis la pire des erreurs, dans sa politique du maintien de l’ordre.

L’Assaut

À peine leur idole a-t-elle quitté les lieux que ces milliers de fanatiques prennent d’assaut ce temple de la démocratie américaine. Après avoir brisé des vitres et repoussé les policiers de faction, plusieurs dizaines d’entre eux pénètrent dans le bâtiment. La charge est si violente que, dans la foulée, on enregistre, sur place, quatre morts, dont une soldate fan de Trump. Vingt-deux blessés sont évacués aux urgences médicales. Une cinquième personne mourra de ses blessures, quelques jours plus tard. Le Congrès des États-Unis est composé de deux organes législatifs : le Sénat, qui compte 100 élus, à raison de deux par État, puis la Chambre des représentants, dont les membres sont au nombre de 435. Ces 535 élus du peuple américain, laissés seuls face à cette horde, prennent peur, cherchent à se cacher sous leurs sièges. C’est la Garde nationale du district de Columbia, Washington, une milice, placée sous le commandement direct du président des États-Unis, qui a été déployée pour mettre les élus en lieu sûr. Pendant ce temps, quelques-uns des excités se prennent, fièrement, en photos, vite balancées sur les réseaux sociaux. Ils offraient à la justice des bâtons pour se faire battre car ils seront arrêtés, les jours suivants, sur la base de ces clichés… Sans compter que des milliers de caméras vidéo du Capitole filmaient la séquence macabre. Les scènes, qui tournent en boucle, sur les réseaux sociaux et des chaînes de télévision, entre autres, insufflent aux Américains une impression de chaos et d’irréalisme. À l’étranger, on semble rêver. Qui eut cru un tel spectacle possible aux États-Unis, transformés, en quelques minutes, en « République bananière » ?

Le choc est tel que l’on peine à qualifier l’acte. S’agit-il d’une tentative de coup-d’Etat ? Est-ce un putsch ? A-t-on assisté à une insurrection ? Était-ce une révolte violente ? La police fédérale et le département de la justice promettent des centaines d’inculpations pour crimes majeurs comme la sédition et la conspiration, passibles de peines allant jusqu’à vingt ans de prison. L’enquête tentaculaire est facilitée par les milliers de vidéos, parfois postées sur les réseaux sociaux par les auteurs d’infractions. Quant à Trump, la Chambre des représentants a approuvé, le 13 janvier, sa mise en accusation pour « incitation à l’insurrection ». S’il est reconnu coupable, il ne pourra, plus jamais, se présenter aux élections présidentielles, à l’avenir. Ce qu’il avait commencé à préparer… Donald Trump entrera dans l’histoire américaine comme le premier président mis deux fois en accusation par la Chambre des représentants.

Élu, en partie, grâce à son immense fortune, bâtie sur des bases mafieuses[i], Donald Trump aura tiré la démocratie américaine vers le bas, dirigeant le pays via le réseau social Twitter, humiliant les personnalités qui s’opposent à lui, violant les lois, et mentant sur presque tous les sujets. Il aura réussi à dompter le Parti républicain, qui n’a osé le défier, vraiment, qu’après l’assaut contre le Capitole. Le 20 janvier prochain, jour de la prestation de serment de son successeur Joe Biden, il quittera l’histoire par la porte honteuse. Trump, un déshonneur américain…

André Marie POUYA

Niger Inter Hebdo N°004

[i] Fabrizio CALVI, Un parrain à la Maison Blanche, Trump et le crime organisé, enquête explosive, Albin Michel, 2020, 394 pages.