Lors du Conseil des Ministres du 14 août dernier, le gouvernement a adopté une mesure importante en faveur des PME/PMI, dont le développement au Niger se heurte à de nombreux obstacles de nature exogène et endogène.
Pour les problèmes de nature exogène, deux ont retenu notre attention. Premièrement, il s’agit particulièrement de la question monétaire qui limite la compétitivité-prix de nos Etats, et par ricochet celle de nos entreprises de manière générale, en raison de l’arrimage du FCFA avec l’Euro qui reste une monnaie forte. Or, celle-ci agit comme une taxe à l’exportation et une subvention à l’importation. Ce qui expliquerait le fait que les prix des produits importés sont souvent plus abordables que ceux fabriqués localement. L’adoption d’une monnaie prenant en compte les réalités locales devrait permettre de corriger cette anomalie. D’où l’intérêt de tout mettre en œuvre pour concrétiser le projet de la monnaie unique : l’Eco. Deuxièmement, la ratification d’accords commerciaux consacrant l’entrée du Niger dans la mondialisation réelle, malgré ses faibles structurelles, avec comme l’une des conséquence la dégradation chronique du solde commercial du pays depuis plusieurs années. A titre d’illustration, la dégradation du déficit commercial entre 2017 et 2018 résulte, selon la BCEAO, « de la hausse des importations (+131.706 millions), conjuguée à une baisse des exportations (-33.625 millions). En effet, les importations ont augmenté de 11,6%, tirées principalement par les achats des biens d’équipement et intermédiaires ainsi que ceux des produits alimentaires ».
Pour inverser la tendance, il faudra, d’une part, poursuivre de la mise en œuvre des politiques visant le renforcement et la diversification de l’offre locale de produits alimentaires, des biens manufacturés et ceux destinés à l’exportation. D’autre part, en raison des engagements du pays au niveau communautaire, il faudra convaincre les partenaires de la nécessite de changer les règles actuelles qui protègent moins les producteurs locaux face à leurs concurrents étrangers.
Concernant les problèmes de nature endogène, il s’agit essentiellement de l’accès au financement, à la lenteur administrative, en passant par la faiblesse de la production d’électricité.
Avec le « Fonds National d’Appui aux Petites et Moyennes Entreprises et Petites et Moyennes Industries (FONAP), qui vise à « la recherche et la mobilisation des ressources destinées au financement des PME/PMI, la facilitation de l’accès au crédit bancaire », le gouvernement entend apporter des réponses à la problématique de financement des PME/PMI. On peut s’en féliciter. Cependant, si le FONAP affiche des objectifs ambitieux, la prudence reste de mise quant à son application effective à l’image de nombreuses mesures prises depuis 2010 pour améliorer le climat des affaires. Selon la Banque Africaine de Développement (2018), « sur le plan pratique, certaines mesures, telles que celles relatives au marché du travail peinent à trouver une application effective du fait de la force des centrales syndicales nigériennes ». Cette situation nuit en partie à l’attractivité de l’économie nigérienne. L’une des conséquences est que le Niger reste de loin le pays où les patrons africains souhaitent investir en 2020, selon le « Focus sur l’Index d’Attractivité des Investissements en Afrique 2020 », contrairement à la Côte d’Ivoire ou le Sénégal.
D’où la nécessité de créer les conditions optimales d’un dialogue social constructif qui consacrera l’efficacité au cœur du fonctionnement de l’administration et des entreprises du pays. D’autant plus que la mise en place efficace du FONAP devra sans doute permettre de soutenir la création et le développement des PME diversifiées sectoriellement et constituant, par ailleurs, un enjeu crucial pour le Niger. Il faudra, à présent aller, plus loin en :
- Continuant à établir un contexte politique et culturel favorable à l’entrepreneuriat ;
- Créant des pôles de compétitivité dans les différentes du pays qui favoriseraient la création de nombreux emplois ;
- Investissant massivement dans le capital humain pour doter les entreprises du pays de la main d’œuvre compétente ;
- Continuer à améliorer les infrastructures ;
- Soutenant la conversion des secteurs en déclin et miser sur les secteurs d’avenir, l’industrie du futur ;
- Favoriser la concurrence pour inciter les PME/PMI à produire le meilleur d’elles-mêmes en termes d’innovation et de produits et services ;
Parallèlement, d’autres acteurs, à l’images des banques et des citoyens, ont aussi un rôle important à jouer pour soutenir les PME/PMI.
Pour les banques, il s’agit notamment d’apporter des solutions de financements avantageuses. Ce qui est loin d’être le cas actuellement puisque le taux d’intérêt moyen des crédits accordés aux entreprises privées du secteur privé est de 8,603% contre 6,47% dans l’UEMOA ; le taux d’intérêt moyen des crédits accordés aux entreprises privées du secteur privé est de 8,745% contre 8,176% dans l’UEMOA.
Quant aux citoyens, leur soutien aux PME/PMI doit se traduire par la préférence pour les produits fabriqués localement par rapport à leurs concurrents étrangers pour leur permettre de mieux surmonter la crise actuelle. Sachant qu’il existe plusieurs enjeux, cinq (5) en occurrence, autour de la consommation des produits locaux, de surcroit avec la fermeture des frontières :
– Economique : Consommer local contribue à dynamiser l’économie du pays par la sauvegarde des emplois et des filières de production, et donc à réduire le chômage. Ce geste simple pourrait générer quelques points de croissance pour le pays.
– Écologique : L’importation de biens a un coût écologique important et mobilise beaucoup d’énergie (carburants…), puisque les produits parcourent de milliers de kilomètres via les différentes voies de transport (terrestre, maritime ou aérienne) avant de nous parvenir. Or, les moyens de transport émettent beaucoup de CO2, un des facteurs polluants de l’atmosphère et qui accroît l’effet de serre, lequel est à l’origine du réchauffement climatique.
– Sanitaire : Ce point concerne surtout les aliments soumis à la « chaîne de froid ». La notion de chaîne du froid est un principe d’hygiène selon lequel un produit est refroidi puis maintenu à une température basse pour pouvoir être conservé. Le fait de réfrigérer les aliments permet d’éviter le développement des bactéries mais, également, de conserver les qualités gustatives de l’aliment. La rupture de la chaîne de froid, pendant le transport, peut donc favoriser le développement de bactéries et accroître le risque d’intoxication alimentaire. Les personnes ayant peu de défenses immunitaires (bébés, femmes enceintes, personnes malades ou personnes âgées) peuvent en subir de graves conséquences allant jusqu’à la mort.
– Culturel : En achetant des produits importés, à l’instar des habits qui ne reflètent pas souvent les réalités locales, on perd partiellement de son identité, laquelle se manifestant à travers ses productions artisanales voire industrielles. Et personne ne souhaiterait perdre de son identité. D’où la nécessité d’acheter et porter des habits confectionnés localement.
– Géopolitique : Les crises diplomatique et sanitaire nous ont enseigné que nous vivons dans un monde de chantages, instable. Vos alliés d’aujourd’hui peuvent être vos ennemis de demain. Or, l’accroissement de notre déficit commercial met en évidence notre forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Aujourd’hui, les produits importés transitent souvent par le Bénin, le Togo… Une crise diplomatique avec un de ces pays pourrait mettre en difficulté le pays. D’où l’intérêt de consommer local et accroitre la production du pays.
Si les soutiens et mesures évoqués ci-dessus sont nécessaires, ils restent néanmoins insuffisants pour rendre les PME/PMI performantes et faire d’elles le socle de l’économie d’un pays. D’où l’importance pour celles-ci de :
- Repenser leur gouvernance ;
- Investir intelligemment dans la modernisation des leurs équipements pour gagner compétitivité-prix notamment ;
- Recourir au digital pour mieux satisfaire les nouveaux besoins de la clientèle ;
Ainsi, on pourrait améliorer la contribution des PME/PMI de manière significative à la croissance économique et à la transformation de l’économie nigérienne.
Adamou Louché Ibrahim, analyste économique