Dr Adamou Issoufou titulaire d’un doctorat de droit public. Enseignant-chercheur à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop

Décryptage : L’éligibilité à l’épreuve de la condamnation pénale au Niger

Dr Adamou Issoufou est un nigérien titulaire d’un doctorat de droit public. Enseignant-chercheur à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop (Dakar), il enseigne le droit constitutionnel, le droit des finances publiques et le droit des marchés publics. Il décrypte ici les conditions d’éligibilité aux plus hautes fonctions de l’Etat à l’épreuve des lois et règlements de la République. Un sujet d’actualité au Niger et ailleurs en Afrique.

De la vision positive et égalitariste de l’homme, il se dégage une présomption d’aptitude à l’exercice du pouvoir par tous les hommes. Le style impersonnel introduit, illustré par l’emploi de pronoms indéfinis dans les différentes formules constitutionnelles, en donne la confirmation. En matière d’élection présidentielle, par exemple, certaines de ces formules peuvent être rappelées à juste titre: « Tout candidat à la présidence de la République … » (Art. 28 de la Constitution du Sénégal), « Tout candidat aux fonctions de président de la République… » (Art. 31 de la Constitution du Mali),  « Nul ne peut être candidat aux fonctions de président de la République … » (Art. 44 de la Constitution du Bénin), « Nul n’est éligible à la présidence de la République … » (Art. 47 de la Constitution du Niger).  Mais, dans un régime démocratique fondé sur des élections concurrentielles, l’accession au pouvoir est encadrée par des règles de fond et des règles de forme. La possibilité de solliciter le suffrage des citoyens est ainsi soumise à des conditions définies par la Constitution et les lois électorales. En conséquence, l’éligibilité, c’est-à-dire, «  la situation juridique de celui qui remplit les conditions légales pour se porter candidat à une élection déterminée » (Olivier Duhamel et Yves Meny, Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF 1992, p. 391), répond à des conditions précises tenant, d’une part, à des critères personnels par lesquels le candidat est assujetti à des exigences d’aptitudes physiques et intellectuelles (la majorité présidentielle, la capacité intellectuelle), de citoyenneté (la nationalité, la jouissance des droits civils et  politiques, le domicile ou la résidence, l’inscription sur les listes électorales, la conformité avec la législation fiscale) et, d’autre part, à des critères politiques (investiture par un parti politique légalement constitué ou le parrainage par une liste d’électeurs pour les candidatures indépendantes, déclaration sur l’honneur attestant la conformité avec certaines dispositions juridiques, dépôt du cautionnement fixé).

Le principe de la liberté de candidature à l’élection présidentielle est ainsi affirmé de manière redondante dans les différentes Constitutions, consacrant ainsi la présomption non moins relative reconnue à chaque citoyen d’exercer la magistrature suprême sur la base d’une volonté démocratiquement exprimée par les électeurs.  En réalité, l’aménagement de conditions fait que tout le monde ne peut pas être candidat. C’est en cela qu’il semble intéressant de revenir sur les éléments de droit et de fait susceptibles d’entacher la validité de la candidature à une élection en général et à l’élection  présidentielle en particulier à travers un bref rappel des causes d’inéligibilité consacrées par notre droit positif.

Pour Serge Guinchard et Gabriel Montagnier, l’inéligibilité est une « situation qui entraine l’incapacité d’être élu » (Lexiques des termes juridiques, Paris, Dalloz 25e édition 2017,  p.1119).Quant à Thierry Débard, il  l’analyse comme la « situation d’une personne qui ne peut être élue, soit parce qu’elle ne remplit pas les conditions générales de l’électorat soit, parce qu’ayant la capacité électorale, elle ne remplit pas celles qui lui permettraient d’être candidate » (Dictionnaire de droit constitutionnel, Ellipses, 2e édition 2007p.226). En un mot, l’inéligibilité s’analyse comme une limitation à l’exercice de la liberté électorale. Elle ne se présume pas, elle  doit être expressément prévue par un texte et interprété de façon restrictive.

Au Niger, la question de l’éligibilité ou de l’inéligibilité semble se focaliser sur deux points essentiels. Il s’agit de la question de la nationalité d’origine en rapport avec l’article 47 de la Constitution (nous y reviendrons un peu plus tard), d’une part, et de la perte des droits civils et politiques consécutive à une condamnation pénale devenue définitive, d’autre part.

Sur ce dernier point, objet de notre réflexion, il convient de se poser la question suivante : dans quelle mesure une telle condamnation est de nature à entrainer l’inéligibilité d’un citoyen nigérien ?

Le passage en revue des dispositions pertinentes du Code pénal et du code électoral en vigueur permet de dresser deux constats majeurs : un double régime d’inéligibilité tiré du premier texte (I) et un régime spécial d’inéligibilité consacré par le second (II).

  1. Un double régime d’inéligibilité tiré de la loi pénale

L’article 12 du Code pénal précise utilement que la non inscription sur la liste électorale ou la radiation de cette liste ainsi que l’inéligibilité sont des peines communes aux matières criminelles et correctionnelles. La lecture des autres dispositions de ce code permet de distinguer les cas d’inéligibilité imposés par le législateur (A) de ceux  soumis à l’appréciation souveraine du juge de fond (B).

  1. Une inéligibilité de plein droit voulue par le législateur

Au Niger, lorsque l’infraction commise est qualifiée de crime ou de délit, les articles 38 et 39 du Code pénal précisent que la peine principale encourue ou prononcée par le juge est automatiquement assortie d’une peine touchant au régime juridique de l’électorat et de l’éligibilité.

Cette peine complémentaire encourue de « plein droit », c’est-à-dire, sans qu’elle ne soit nécessairement prononcée par un juge consiste, tantôt dans la non inscription sur la liste électorale ou la radiation lorsque cette inscription a été déjà acquise, tantôt dans l’inéligibilité. Le régime juridique de cette inéligibilité varie selon la qualification de l’infraction retenue par le juge.

Ainsi, lorsque l’infraction est un crime, l’article 38 tiret 1du code pénal indique que la non inscription sur la liste électorale ou la radiation de cette liste et l’inéligibilité sont encourues de plein droit. Ainsi, dès que la condamnation prononcée est insusceptible de tout recours,  l’intéressé est automatiquement et définitivement privé de la jouissance de ses droits civiques et politiques, sous réserve, bien entendu, du recours aux articles 720 à 737 du Code de procédure pénale (CPP) relatifs à la réhabilitation ou à la procédure d’amnistie. En conséquence, le condamné ne peut être, ni électeur ni candidat à une élection. L’article 21 du même code parle de la dégradation civique qui consiste, entre autres, « dans la privation du droit de vote, d’élection, d’éligibilité et en général de tous droits civiques et politiques… »

Mais,  dans le cas où le juge retient la qualification de délit,  la privation de «  plein droit » de ces droits est tantôt permanente, tantôt temporaire.

La privation est définitive, (sous réserve des articles 720 à 730 du CPP), lorsque l’intéressé est condamné à une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à deux (2) mois. Dans cette hypothèse, peu importe que la peine privative de liberté soit avec ou sans sursis ou qu’elle soit assortie ou non d’une amende. L’essentiel est que le délit qui est à l’origine de la condamnation soit un vol, une escroquerie, un abus de confiance, un délit puni des peines de vol, une soustraction commise par un dépositaire de deniers publics, un faux témoignage, un faux certificat, une corruption et un trafic d’influence ou des attentats aux mœurs (Voir art. 38 tiret 2 du code pénal). Il s’agit des infractions qui mettent en cause l’intégrité morale et l’honorabilité du citoyen. La privation de ces droits est également automatique et définitive en cas de condamnation à plus de six (6) mois d’emprisonnement sans sursis ou à plus d’un (1) an avec sursis pour un délit autre ceux énumérés à l’article 38.

Elle est temporaire, c’est-à-dire, encourue de plein droit mais pour une période de cinq (5) ans lorsque la condamnation est prononcée dans l’un des cas de figure prévus à l’article 39 du code pénal :

  1. Pour un délit autre que l’un de ceux prévus à l’article 38 tiret 2 et lorsque la peine d’emprisonnement sans sursis est égale ou supérieure à deux (2) mois et inférieure ou égale à six (6) mois.
  2. Pour les mêmes délits :
  3. lorsque la peine d’emprisonnement avec sursis est comprise entre deux (2) et six (6) mois, c’est-à-dire, égale ou supérieure à deux (2) mois et inférieure ou égale à six (6) mois.
  4. lorsque la peine d’emprisonnement avec sursis est comprise entre six (6) mois et un (1) an, c’est-à-dire, égale ou supérieure à six (6) mois et inférieure ou égale à un (1) an.
  5. Pour un délit quelconque, lorsque l’intéressé est condamné à une amende sans sursis.

Après ces cas de privation automatique de droit vote et d’inéligibilité voulus par le législateur en raison de la sensibilité de la matière électorale, voyons les cas d’inéligibilité laissés à l’appréciation souveraine du juge de fond.

  1. Une inéligibilité décidée par le juge pénal

Le juge n’est pas un robot au comportement programmé. Il détient un pouvoir éminent le mettant dans les dispositions d’adapter sa sentence à la personne du délinquant compte tenu de la gravité de l’infraction et des circonstances de sa commission.  L’on peut rappeler, pour le besoin de l’analyse, deux dispositions du code pénal qui permettent de mettre en évidence l’étendue du pouvoir du juge en la matière.

En premier lieu, l’article 6 du Code pénal dispose que les peines en matière correctionnelle sont :

  1. L’emprisonnement d’une durée supérieure à trente (30) jours et inferieure à dix (10) ans, sauf cas de récidives ou autres où la loi aura déterminé d’autres limites ;
  2. L’amende ;
  3. L’interdiction à temps de certains droits civiques, civils ou de familles.

Ainsi, pour sanctionner un délit, le législateur pénal nigérien soumet à l’appréciation souveraine du juge trois types de peines : une peine privative de liberté, une peine pécuniaire et l’interdiction de jouissance de certains droits civiques, civils ou de familles. De ce fait, en fonction, entre autres, des éléments pertinents de l’espèce, le juge est en mesure de choisir souverainement la peine qui lui parait la plus appropriée. C’est en cela que l’on peut parler des peines optionnelles.  Il peut également, si les circonstances de l’espèce le justifient,  procéder au cumul de ces peines. En ce qui l’interdiction à temps de certains droits, le juge peut décider, par exemple,  de n’interdire que les droits civiques ou simplement les droits civils ou ceux touchant à la famille.

En second lieu, l’article 25 du Code pénal dispose que « pour une durée de deux ans au moins et de dix ans au plus, les tribunaux, jugeant correctionnellement, pourront, dans les cas prévus par la loi, interdire en tout ou en partie l’exercice des droits civiques, civils et de famille, … ».  L’allure rédactionnelle de la disposition indique que la privation des droits ainsi visée est une peine supplémentaire qui pourrait s’ajouter à la peine principale. Il appartient au juge et au regard des éléments de l’espèce, de choisir d’assortir ou non la peine principale de la privation totale ou partielle, soit des droits civiques, soit des droits civils, soit des droits de famille.

L’on retient que dans ces cas prévus aux articles 6 et 25 du Code pénal, l’inéligibilité consécutive à la perte des droits civiques et civils n’est pas automatique ; elle ne se présume pas ;  elle ne se déduit pas. Elle doit expressément être prononcée par le juge et apparaitre dans le dispositif de sa decision.

Après ces cas d’inéligibilité prévus par le droit commun, examinons ceux aménagés par le droit spécial des élections.

 

  1. Un régime spécial d’inéligibilité consacré par la loi électorale

La maxime latine specialia generalibus derogant  est bien connue des juristes. Elle renvoie à la règle selon laquelle les lois spéciales dérogent aux lois générales. En conséquence, lorsque deux lois peuvent s’appliquer à une situation juridique ou de fait, l’une spécifique et l’autre générale, c’est la loi spécifique qui doit être appliquée. Tel est le cas du rapport entre le code pénal (loi générale) et le code électoral porté par une loi spéciale à statut de loi organique.

Dans sa version en vigueur, le code électoral prévoit quatre (4) cas d’interdiction automatique à toute inscription sur la liste électorale. Parmi ces cas, celui se basant exclusivement sur la durée de la condamnation attire particulièrement notre attention (A). Ce choix souverain du législateur occulte, cependant,  un élément non moins important et qui tourne autour de la nature de l’infraction à l’origine de la condamnation (B).

  1. L’élément déterminant : le quantum de la peine

Dans son principe, le suffrage universel postule l’égalité des voix dès lors qu’il confère à chaque électeur le même pouvoir électoral. La notion d’électorat étant lié au caractère représentatif de la démocratie, il revient à la loi électorale de designer ceux d’entre les citoyens qui parleraient au nom de la nation et par conséquent, de restreindre le droit de suffrage à certaines catégories de citoyens. En effet, affirmer que le suffrage est universel ne signifie nullement que l’ensemble de la population exerce le droit de vote. Celui-ci n’est pas absolu et est soumis à des restrictions raisonnables. Il est opéré un choix sélectif entrainant la marginalisation de certaines franges de citoyens tout aussi concerné par le processus électoral. C’est dans ce sens que l’on comprend la définition d’un certain nombre de conditions à réunir pour prétendre à toute inscription sur une liste électorale. Dans tous les Etats démocratiques, c’est cette inscription qui conditionne, tant l’exercice du droit de vote que celui de se porter candidat à une élection quelconque. En d’autres termes, avant de pouvoir voter et d’être éligible, le citoyen doit s’inscrire sur la liste électorale. Or, cette inscription est rigoureusement encadrée par les différents codes électoraux du Niger. C’est pourquoi, ne peut s’inscrire sur la liste électorale qui veut.

Déjà en 1992, l’ordonnance n°92-43 du 22 août 1992 portant code électoral (J.O spécial n° 3 du 24 août 1992) disposait à son article 8 que « ne doivent pas être inscrits sur une liste électorale :

  • Les individus condamnés pour crime et non réhabilités ;
  • Les individus condamnés pour délit à une peine d’emprisonnement ferme égale ou supérieure à un (1) et non réhabilités ;
  • Ceux qui sont en état de contumace ;
  • Ceux qui sont déclarés en faillite et ayant fait l’objet d’une condamnation pour banqueroute frauduleuse et non réhabilités ;
  • Les internés et les interdits.

(…) ».

Ces motifs d’interdiction à toute inscription sur une liste électorale présents dans l’ordonnancement juridique du Niger depuis 1992 ont été repris, à l’identique, par l’article 8 de la loi organique n°2017-64 du 14 août 2017 portant Code Electoral du Niger modifiée et complétée par la loi 2019-38 du 18 juillet 2019 tout en éliminant le seul motif tiré de l’état de contumace.  En conséquence, la disposition du code électoral ainsi rappelée ne fait que réitérer une tradition juridique nigérienne en la matière. Elle réaffirme, en effet, l’obligation juridique d’exclusion reposant sur le constat que le comportement ou la situation d’un citoyen n’autorise pas qu’il puisse participer à l’expression de la volonté collective.

L’originalité de cette disposition se situe à ce niveau. Il a été précédemment montré qu’au regard du code pénal (texte général) que l’inéligibilité définitive ou temporaire est de plein droit dans certains cas (articles 38 et 39 du code pénal). Dans d’autres cas, elle doit, nécessairement et expressément, être prononcée par un juge pénal (tantôt à titre de peine optionnelle, tantôt à celui de peine complémentaire). Mais, aux termes de l’article 8 du code électoral (texte spécial), il suffit que l’individu écope d’une peine d’emprisonnement ferme d’au moins un (1) an ( à moins qu’il ne soit réhabilité) pour qu’il se voit automatiquement privé de son droit d’inscription sur la liste électorale et, donc de perdre son éligibilité. C’est tout le sens de la dérogation apportée par la règle spéciale contenue dans la loi organique portant code électoral à la règle générale contenue dans la loi portant code pénal.

Cette disposition du code électoral dont le caractère général et impersonnel ne saurait être sérieusement et raisonnablement contesté au regard de son histoire et de son ancrage dans la conscience collective des citoyens nigériens s’intéresse uniquement à la durée de la peine prononcée par le juge et aux modalités de son exécution.  En conséquence, dès lors que celle-ci est supérieure ou égale à un (1) an, qu’elle est devenue définitive et qu’elle n’est assortie d’aucun sursis,  la personne condamnée perd automatiquement et définitivement (sauf cas de réhabilitation) son droit à l’inscription sur une liste électorale. Mieux, c’est sa modification circonstancielle qui ferait perdre à la règle qui la contient son caractère général et impersonnel.

Pourtant, au regard du caractère immoral de certaines infractions, des peines d’emprisonnement moins lourdes pourraient valablement justifier une telle interdiction eu égard à l’importance de la fonction convoitée.

  1. L’élément occulté : le motif de la condamnation

Accéder aux fonctions de Président de la République, chef de l’Etat est la plus haute station de responsabilité qu’un citoyen pourrait occuper dans un Etat démocratique. C’est pourquoi, les conditions de validité d’une candidature à ce poste sont opportunément renforcées et diversifiées. Ainsi, au-delà des conditions juridiques classiques, l’article 47 alinéa 4 de la Constitution dispose que « nul n’est éligible à la Présidence de la République s’il ne jouit (…) d’une bonne moralité attestée par les services compétents ». De cette disposition de la Constitution,  il ressort que l’honorabilité et la moralité sont des critères déterminants pour occuper la fonction du chef de l’Etat. La charge présidentielle exige une certaine vertu morale.

A propos,  justement, de cette condition de moralité, il faut reconnaître qu’elle s’inspire de l’idéal type du citoyen civiquement vertueux. Cependant,  une ambiguïté altère la clarté d’un concept, certes,  juridiquement consacré mais trouvant son fondement dans les dédales du droit et de la morale. Même s’il ajoute à celle de la jouissance des droits civils et politiques, cette condition d’éligibilité souffre d’un manque de précisions car plusieurs acceptions de la bonne moralité sont admissibles et les modalités de son établissement restent imprécises. Il devient alors difficile de l’établir clairement. Cela rend plausible le recours légal à des règlements de comptes politiques. Les leçons de droit de la Cour suprême ivoirienne prononcée à l’occasion de la sélection des candidats à la présidentielle de 2000 pour argumenter l’exclusion de deux postulants sont assez révélatrices. Elle considère que : « La morale est au-delà du droit, puisque sa perception embrasse les rayonnages de l’éthique et de la conscience, si bien qu’elle est plus le reflet du subjectif collectif par rapport au comportement, à l’attitude, à la conduite qu’une simple résultante objective de l’action judiciaire … [Elle] ne saurait suivre les simples configurations des actions judiciaires, encore moins celles des résultats desdites actions parfois fonction uniquement des vicissitudes procédurales. » (Voir Arrêt n° E 001-2000 cité par S. BOLLE, « Etre de bonne moralité : la clause dangereuse », http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-etre-de-bonne-moralite-la-clause-dangereuse63842186. html, consulté le 20/08/2020).  

Formellement, la moralité est réduite à sa plus simple expression en considération de la jouissance des droits civils et politiques par la personne. C’est pour cette raison qu’en 2016, malgré certains attitudes et comportements « des présidentiables »,  ressortis dans l’enquête de moralité de la police, leurs candidatures ont été validées par la Cour constitutionnelle.

Pour donner tout son sens à cette condition de moralité et  la rendre beaucoup plus opérationnelle,  il convient d’étendre l’interdiction d’inscription sur la liste électorale à toute personne définitivement condamnée pour une affaire mettant en cause son intégrité morale et son honorabilité. Dans ce cas, peu importe la durée de la peine privative de liberté ou les modalités de son exécution. En conséquence, qu’elle soit supérieure ou inférieure à un (1) an, le plus important est que l’individu, ait été définitivement condamné pour une infraction mettant en cause les valeurs fondamentales de la société qui le rend indigne de la fonction du chef de l’Etat.

Pour éviter toute interprétation divergente, la loi portant code électoral pourrait utilement ajouter, à la liste des interdits, les personnes définitivement condamnées pour telle et telle infraction et énumérées, à ce niveau,  les infractions mettant en cause l’intégrité morale et l’honorabilité du citoyen-candidat.

L’idée est de mettre en exergue les dispositions de l’article 38 tiret 2 du Code pénal qui privilégient déjà le caractère immoral de l’infraction à la durée de la peine pour imposer la radiation ou l’interdiction d’inscription sur la liste électorale. Cette précision facilitera sans doute la tâche aux services chargés de conduire les enquêtes de moralité.

Conclusion

Est interdit d’inscription sur la liste électorale, définitivement ou temporairement selon le cas, tout citoyen nigérien condamné pour crime et délit au regard du code pénal. Il l’est également lorsque la durée de la condamnation ferme est supérieure ou égale à un (1) an au regard du code électoral. Le juge peut également décider de le priver de ses droits civiques et politiques dans les cas prévus ou permis par la loi.

Dans ces différents cas, comment détecter les citoyens se trouvant dans cette situation et les radier de la liste électorale ou refuser leur inscription sur ladite liste ?

La question n’est pas dépourvue de sens quant on sait que les citoyens se présentent devant la commission de recensement ou d’enrôlement munis simplement de leurs pièces d’identité sur lesquelles il n’a été fait mention d’aucune condamnation.

En dehors de quelques célébrités politiques et administratives sur lesquelles l’on constate une forte fixation et qui pourraient faire l’objet de dénonciation, beaucoup de personnes condamnées pourraient passer entre les mailles du filet. La solution la plus réaliste, à notre avis,  serait de disposer d’une administration judiciaire performante qui mettrait en place un fichier de casier judiciaire fiable.  En mettant ce fichier à la disposition de la CENI, celle-ci pourrait facilement extirper de la liste, tout citoyen se trouvant dans l’une ou l’autre des situations juridiques et judiciaires.

Adamou Issoufou

Faculté des sciences juridiques et politiques

Université Cheikh Anta Diop de Dakar

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