Depuis un certain temps les riverains du fleuve Niger sont sur le qui-vive. Avec les dernières précipitations la menace devient une réalité mettant les victimes et les autorités dans le désarroi. En l’espace d’une décennie c’est trois ou quatre fois qu’on assiste à cette situation qui n’est pas prête de s’arrêter aussi longtemps que des mesures vigoureuses conséquentes durables ne sont pas prises. Voici donc une modeste contribution durable qui peut épargner le pays et les riverains des coûts renouvelés.
La question est de savoir si des réflexions sur les causes réelles de ce phénomène et ses solutions sont à jour. Dans ce cadre, nous devons nous convaincre que l’inondation du fleuve Niger ne découle pas de l’abondance de pluies. L’examen attentif des séries statiques longues de précipitations disponibles à la Direction de la météorologie nationale peut le confirmer. Cette Direction qui dispose des données scientifiques extrêmement édifiantes sur la question peut aider à murir des réflexions sérieuses pour trouver des solutions à ce problème.
En attendant des réponses scientifiques intéressons-nous à certaines causes empiriques visibles.
- La déforestation
Depuis quelques années la zone nigérienne du Liptako Gourma naguère très boisée subit une importante déforestation qui a dénudé son sol déjà extrêmement fragile et réduit fortement sa capacité d’absorption. La moindre pluie qui tombe dévale les pentes entrainant un ravinement général qui alimente le fleuve après avoir charrié d’importantes quantités de sol. C’est ce qui donne une eau bouilleuse appelée « Hari kiray ».
- Le développement des infrastructures économiques et de l’habitat
Autrefois la vallée du fleuve été une vaste plaine inondable qui étale une grande quantité d’eau de pluie et de crue du fleuve. Avec le développement des aménagements hydroagricoles commencé depuis la colonisation au Mali et depuis l’indépendance au Niger a eu pour effet, l’endiguement des grands espaces d’épandage fluviales.
Aux aménagements hydro-agricoles s’ajoute une occupation anarchique des zones inondables par l’habitat aussi bien dans les zones rurales qu’urbaines et cela sans aucun encadrement technique et environnemental. En conséquence on assiste au resserrement du lit du fleuve. Le résultat c’est que la moindre crue entraine d’importantes inondations et des dégâts chez les occupants. Un adage dit « l’eau n’abandonne jamais son chemin »
- L’envasement du lit mineur du Fleuve
Les riverains du fleuve connaissent ce qu’ils appellent« tsum » (la prononciation n’est pas garantie) ces parties profondes du fleuve par endroit qui servaient de réserves d’eau pour le fleuve et de gite aux animaux aquatiques en particulier les plus gros (hippopotames, crocodiles, lamantins et gros poissons). Le ravinement des berges et les apports des cours d’eau envasent progressivement le lit mineur du fleuve et accroit considérablement sa violence.
Des axes de solutions
Parmi des axes de solution en appui aux lourds travaux de génie civil il importe de renforcer et d’organiser d’importants travaux de génie rural à savoir
- Défense et restauration des sols et conservation des eaux du sol et du sous- sol (D.R.S-C.E.S.S). Ces travaux en cours depuis l’indépendance doivent s’intensifier et s’étendre à l’ensemble du bassin versant du fleuve constitué par l’ensemble de la zone du Liptako. Ces travaux doivent se concevoir de manière systémique en visant à la fois les terres agricoles et la protection de la vallée du fleuve. En retenant l’eau à son point de chute on réduit le ruissellement et donc l’exportation de sols régénérant ainsi sa capacité de rétention et sa fertilité. Toutes les techniques de CESS DRS doivent être mises à contribution pour réussir. Le reboisement par plantation, régénération naturelle et mise en défense doit prendre une place essentielle dans les travaux. Il en est de même des mini et micros retenues d’eau et des seuils d’épandage partout où il est possible le long des cours d’eaux.
C’est assurément une tâche titanique mais réalisable et facilité avec la prise de conscience et l’appui des populations.
- La modernisation de l’irrigation. Les moyens techniques actuels permettent d’irriguer des terres relativement éloignées du point d’eau. Il faut donc investiguer toutes les possibilités permettant de lâcher- prise sur les vallées inondées du fleuve pour rattraper les pertes enregistrées sur la biodiversité et les conséquences de la décrue rapide du fleuve. L’une des raisons mises en avant dans toute tentative de réforme de la production agricole dans la vallée du fleuve est la nécessité de maintenir la riziculture. Cette inquiétude s’estompe avec les progrès enregistrés dans la riziculture et qui met en évidence que le riz peut réussir en irrigation d’appoint sur des terres sèches appropriées comme l’indique le riz sur les plateaux dans beaucoup de pays. Application rigoureuses des textes en matière de gestion de l’espace territorial en faisant assurer les contrevenants leur responsabilité.
Abdou Maidagi