Le Ministre des Affaires Etrangères, de la Coopération, de l’Intégration Africaine et des Nigériens à l’Extérieur S.E.M KALLA ANKOURAO, président du Conseil des Ministres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) conduit une mission de « médiation » de l’institution sous régionale à Bamako. Cette mission qui séjourne dans la capitale du Mali depuis le jeudi 18 juin 2020 est dépêchée par le Président en exercice de la CEDEAO S.E.M ISSOUFOU MAHAMADOU en vue de rapprocher les points de vue du président Ibrahim Boubacar Keïta et l’opposition qui exige sa démission.
La mission se composait, outre S.E Kalla ANKOURAO, de Leurs Excellences MM Ally COULIBALY, Geoffrey ONYEAMA respectivement Ministre des Affaires Etrangères de la République de Côte d’Ivoire et de la République Fédérale du Nigéria ; de S.E.M Jean Claude Kassi BROU, président de la Commission de la CEDEAO et le Commissaire Affaires Politiques, Paix et Sécurité de la Commission M. Francis BEHANZIN.
« En tant que président en exercice de la CEDEAO, le président Issoufou (Mahamadou, ndlr) nous a chargés de nous rendre au Mali pour une médiation. Il y a l’opposition qui menace de faire une grande manifestation demain (vendredi, ndlr) pour exiger le départ du président actuel Ibrahim Boubacar Keïta qui était élu constitutionnellement il y a à peine deux ans », a déclaré à la presse nigérienne le ministre des affaires étrangères nigérian S.E Geoffrey Onyeama, au sortir d’une rencontre jeudi avec le président Issoufou Mahamadou, président en exercice de la CEDEAO.
Arrivée dans la matinée du 18 juin, la délégation de la CEDEA O s’est entretenue avec le Premier Ministre de la République du Mali S.E.M Boubou CISSE. Au cours de cette rencontre le Chef de la délégation S.E.M Kalla ANKOURAO a indiqué qu’ils sont en quête d’ « éclairages » qui puissent leur « permettre de jouer les bons offices » au vu du « regain de tension depuis la marche du 5 juin » car « le peuple malien a besoin de la paix et de la quiétude (…) les voisins du Mali en ont besoin ».
En réaction le Premier Ministre Boubou CISSE a fait la genèse de ce qui est désigné comme la crise politique malienne depuis la réélection du président IBK et les accords subséquents ayant consacré la signature d’un accord dit politique de gouvernance. Cet accord était le cahier de charge du gouvernement de large ouverture qui a été mis en place. Il a également rappelé leur disponibilité à discuter pour trouver une « solution » qui « peut politique » « mais elle doit se faire dans le respect de l’institution Président de la République ».
Ensuite, la délégation a rejoint son hôtel où les diplomates de la CEDEAO ont ouvert leur série d’entretiens avec le M5 RFP, mouvement politique né après la manifestation du vendredi 5 juin, regroupant des associations religieuses et des partis politiques de l’opposition, sous la conduite de l’imam Mahmoud Dicko. Ces derniers ont formé une délégation de 5 membres composée des ténors du mouvement.
Une heure durant, négociateurs et opposants politiques ont passé au crible la situation. Les uns ont cherché à mieux comprendre les doléances et revendications pendant que les seconds ont essayé de convaincre du bien-fondé de leur révolte.
« La CEDEAO n’est pas là en juge mais elle s’évertue à mieux comprendre pour trouver une solution politique », a expliqué à sa sortie, un observateur qui assisté aux échanges.
Les médiateurs sous régionaux ont entendu l’imam Dicko, figure emblématique de la contestation. « Les membres de la délégation de la CEDEAO sont venus nous écouter, nous demander les raisons qui nous motivent à demander la démission du président de la République ils veulent savoir su cela va aggraver la situation du pays. Nous avons argumenté avec ces documents que nous leur avons remis. Ils disent qu’ils ont pris bonne note de tout ce que nous leur avons dit. Notre démarche n’est pas contre IBK mais contre son régime », a déclaré, Issa Kaou Djim, le porte-parole de l’iman Mahmoud Dicko.
La délégation régionale s’est ensuite entretenue avec la majorité présidentielle. Bouclant la série de rencontres avec les acteurs maliens, la délégation de la CEDEAO a eu de longs échanges avec les membres du cadre d’actions, de médiation et de veille des confessions religieuses et organisations de la société civile.
La journée du jeudi s’est achevée sur une rencontre avec le Président de la République du Mali S.E.M Ibrahim Boubacar KEITA.
« Nous n’avons encore rien tiré comme conclusion. Nous sommes en train d’écouter toutes les parties et nous prenons le temps qu’il faut pour comprendre les problèmes qui ont contribué à la crispation de la situation », a confié à la presse le chef de la diplomatie nigérienne au sortir de leur audience avec le Président IBK.
« Nous allons ensuite procéder à un débriefing pour tirer les enseignements et revenir vers les parties avec des propositions qui vont tenir compte des recommandations du président de la République du Mali comme des suggestions des uns et des autres », a-t-il ajouté.
Le diplomate nigérien s’est déclaré optimiste pour une issue heureuse de la médiation de la CEDEAO, en disant qu’« à chaque fois que les gens acceptent de s’asseoir pour se parler, il y a toujours espoir de trouver des solutions ».
Le vendredi 19 juin 2020, la délégation de la CEDEAO a poursuivi les rencontres entamées la veille en recevant le Cadre de médiation nationale, le réseau des femmes parlementaires, les ambassadeurs de l’UE, La France et les USA à Bamako et la convergence des Forces Républicaines.
Cette démarche s’inscrit dans les efforts menés de toutes parts pour résoudre une situation qui suscite l’inquiétude tant le Mali, confronté à des défis sécuritaires, économiques et sociaux considérables, peut mal se permettre une escalade politique à l’issue incertaine.
Malgré cette médiation ouest-africaine, le grand rassemblement prévu ce vendredi a été maintenu. Toutefois, « nous avons obtenu des organisateurs l’assurance que le rassemblement se déroule conformément aux dispositifs législatifs et réglementaires en vigueur au Mali, c’est-à-dire bien encadré pour éviter tout débordement » selon le chef de la délégation de la CEDEAO.
Pour rappel, réunis au sein d’une structure dénommée «Mouvement du 5 juin», mené par l’influent imam Mahmoud Dicko, des partis politiques et organisations avaient organisé, le 5 juin courant, une imposante manifestation à Bamako pour réclamer le départ du président Ibrahim Boubacar Keita, réélu pour un deuxième mandat consécutif de cinq ans le 12 août 2018.
Une situation dont l’élément déclencheur a été l’arrêt de la cour constitutionnelle proclamant les résultats définitifs des élections législatives maliennes.
Au terme des rencontres, la mission a rendu publique un communiqué dans lequelle elle a pointé du doigt le rôle qu’a joué l’arrêt de la cour constitutionnelle dans la détérioration du climat politique malien. Elle a également insisté ce qui est une constante au niveau de la CEDEAO, « l’importance du respect des Institutions de la République et notamment des voies constitutionnelles pour l’accession au pouvoir ».
En outre, la mission a invité « le Gouvernement de la République du Mali à reconsidérer les résultats de toutes les circonscriptions ayant fait l’objet de révision par l’Arrêt de la Cour Constitutionnelle ». Ce qui ouvrirait la voie à l’organisation d’élections législatives partielles.
Mahamadou Mourtala Issa
C. Com/Cabinet/MAE/C/IA/NE
Bamako, du 18 au 20 juin 2020
COMMUNIQUE DE PRESSE
1. Sur instructions du Président en exercice de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), une délégation Ministérielle s’est rendue au Mali, du 18 au 20 juin 2020 pour une mission de bons offices dans le cadre de la situation socio politique du pays. Cette Mission s’inscrit dans le cadre des dispositions du Protocole Additionnel de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance.
2. La Mission ministérielle a été conduite par S.E.M. Kalla ANKOURAO, Ministre des Affaires Etrangères, de la Coopération, de l’Intégration Africaine et des Nigériens à l’Extérieur de la République du Niger, Président du Conseil des Ministres de la CEDEAO et comprenait S.E.M. Ally COULIBALY, Ministre des Affaires Etrangères de la République de Côte d’Ivoire et S.E.M. Geoffrey ONYEAMA, Ministre des Affaires Etrangères de la République Fédérale du Nigeria. S.E.M. Jean Claude Kassi BROU, Président de la Commission de la CEDEAO et le Commissaire Affaires Politiques, Paix et Sécurité, Monsieur Francis BEHANZIN, ont également participé à cette mission.
3. La Mission a bénéficié du soutien du Haut Représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel, S.E.M. Pierre BUYOYA et du Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies au Mali, S.E.M. Mahamat Saleh ANNADIF.
4. La mission intervient dans un contexte marqué essentiellement par la persistance de l’insécurité qui se manifeste par la récurrence des attaques terroristes et la crispation de la situation sociopolitique. Celle-ci a été principalement créée par l’Arrêt de la Cour Constitutionnelle sur les résultats des élections législatives de mars et avril 2020.
5. La CEDEAO voudrait d’abord présenter ses condoléances aux Autorités de la République du Mali et aux familles des soldats des Forces Armées et de Sécurité du Mali, décédés lors de l’attaque terroriste perpétré le 14 juin à Bouki-wèrè, dans le secteur de Diabali. La CEDEAO souhaite un prompt rétablissement aux blessés et s’incline devant la mémoire de toutes les victimes que connait le pays depuis quelques années.
6. La Mission réitère également le soutien et la solidarité de la CEDEAO au Gouvernement du Mali et à la famille de l’Honorable Soumaïla CISSE, Président de l’Union pour la République et de la Démocratie, Chef de file de l’Opposition, enlevé depuis le mois de mars 2020. Elle invite le Gouvernement malien à poursuivre les efforts pour obtenir, sans délai, sa libération.
7. Au cours de son séjour, la délégation ministérielle a été reçue en audience par le Président de la République du Mali, S.E.M. Ibrahim Boubacar KEITA et le Premier Ministre, Dr Boubou CISSE. Elle a aussi rencontré les représentants des organisations suivantes :
– le Mouvement du 5 juin – Rassemblement des Forces patriotiques ;
– l’Imam Mahamoud DICKO et sa délégation ;
– la Majorité présidentielle au Parlement (EPM) ;
– le Cadre d’actions, de médiation et de veille des confessions religieuses et des organisations de la société civile ;
– le Réseau des Femmes parlementaires ;
– la Convergence des Forces Républicaines.
En outre, la Mission a rencontré une délégation d’Ambassadeurs accrédités à Bamako (Union Européenne, France, Etats Unis d’Amérique).
8. La mission a noté la convergence de vues de tous les acteurs maliens sur les nombreux défis auxquels le Mali est confronté, notamment le défi sécuritaire, sanitaire (Covid-19) et économique et la nécessité d’œuvrer, de toute urgence, à sortir le pays de la situation actuelle. La mission a rappelé qu’il est donc important d’éviter une autre crise qui engendrerait des complications additionnelles.
9. Tout en rappelant les dispositions pertinentes du Protocole ci-dessus mentionné de la CEDEAO, la Mission invite toutes les parties prenantes à privilégier le dialogue et la concertation comme mode de règlement des différends. La CEDEAO est disposée à se porter garant du respect des décisions et recommandations précisées aux paragraphes 10 et 11 ci-dessous afin de trouver une issue à la crise qui préserve la paix et la stabilité du Mali et de la sous-région.
Dans ce contexte, la Mission rappelle l’importance du respect des Institutions de la République, fondement de la stabilité du pays.
10. La Mission note que l’Arrêt rendu par la Cour Constitutionnelle dans le cadre du contentieux des dernières élections législatives est à la base de la crispation socio –politique actuelle. Elle invite donc le Gouvernement de la République du Mali à reconsidérer les résultats de toutes les circonscriptions ayant fait l’objet de révision par l’Arrêt de la Cour Constitutionnelle. De nouvelles élections partielles pour les circonscriptions concernées devraient être organisées dans les meilleurs délais.
11. En outre, la Mission insiste spécifiquement sur la nécessité de :
a) œuvrer pour le rétablissement d’un climat de confiance renouvelée entre les parties maliennes ;
b) éviter la violence comme moyen de règlement de crise et privilégier le dialogue ;
c) préserver les Institutions de la République afin de maintenir la stabilité du pays et d’éviter le chaos institutionnel aux conséquences imprévisibles et désastreuses pour la paix et la stabilité du Mali et de la sous-région ;
d) mettre en place un Gouvernement consensuel d’union nationale tenant compte des recommandations du Dialogue National Inclusif ;
e) accélérer la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger ;
f) poursuivre résolument la mise en œuvre des conclusions du Dialogue National Inclusif ;
g) mettre en œuvre les reformes prévues concernant la Constitution et le Code électoral ; et
h) envisager une relecture des textes régissant la Cour Constitutionnelle .
12. Un mécanisme de suivi de la mise en œuvre des décisions et recommandations ci-dessus sera mis en place avec la participation de la Commission de la CEDEAO.
13. La délégation ministérielle exprime sa profonde gratitude aux Autorités et au Peuple Maliens pour l’accueil chaleureux réservé à la mission. Elle associe à ces remerciements et reconnaissance la Représentation de l’Union Africaine à Bamako et la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA) pour l’appui et toutes les facilités accordées à la Mission.
Fait à Bamako, le 19 juin 2020
S.E.M. Kalla ANKOURAO,
Président du Conseil des Ministres