3 Questions à Dr Saidou Hangadoumbo

Dr Saidou Hangadoumbo est médecin et Consultant International en Santé Publique. Il répond ici à nos questions sur les mesures contre la pandémie de Coronavirus au Niger.

Niger Inter : Le Gouvernement a pris une batterie de mesures pour lutter contre la pandémie de Coronavirus. Quelle est votre réaction sur ces mesures ?

Dr Saidou Hangadoumbo : Les mesures de prévention sont toutes efficaces et restent la seule solution. Par conséquent, elles sont justifiées. Il n’y a pas d’autre solution. Ces mesures, à part le confinement, sont générales et ne sont pas spécifiques au COVID-19. Elles restent valables dans notre vie quotidienne. Malheureusement, les messages de sensibilisation n’ont pas été assez spécifiques au virus, à savoir, sa nature de flambée, de contamination facile, aggravation par des conditions préexistantes (diabète, VIH, immunodépression en générale), aggravation par l’exposition répétée aux infections (effet cumulatif de la charge virale).

D’autre part, il faut noter la psychose créée. La communication gouvernementale et celle de certaines parties prenantes ont été trop alarmistes. Il faut aussi ajouter certains problèmes de mise en œuvre et les conséquences économiques et sociales :

Au plan médical : parfois la mise en œuvre de certaines des mesures, a connu des difficultés. Il s’agit notamment du dépistage et de la gestion des cas suspects. Le secret médical n’a pas été strictement respecté car il y a eu trop de détails sur l’identité des personnes infectées et parfois, une chasse aux récalcitrants a été faite avec trop de bruit dans certains quartiers. Parfois, il y a eu trop de stigmatisation et de discrimination vis-à-vis des personnes infectées dépistées. Les droits et choix des patients ont été violés en donnant l’impression d’une ‘’séquestration’’ des personnes infectées. Il y a des détails trop techniques (approche trop médicale) sur lesquels, je ne voudrai pas revenir car ils risquent d’être incompris.

Sur le plan économique : les pertes sont énormes pour les transporteurs (bus, avions, taxi- brousse, mini bus, etc.) ; les commerces de toutes sortes, l’Etat lui-même, les ménages, les parents d’élèves, etc. L’atténuation de ces conséquences mérite une plus grande attention. Les mesures annoncées sont une goutte d’eau dans la mer.

Sur le plan social/anthropologique : les mariages, baptêmes, décès n’ont pas été faits selon les normes sociales.

D’aucuns pensent que le confinement n’est pas une mesure réaliste pour notre pays au regard de la faiblesse de notre tissu économique. Qu’en pensez-vous ?

Dr Saidou Hangadoumbo : Les mesures de prévention sont toutes efficaces et Le confinement limité dans l’espace (Niamey) était raisonnable. Il faut informer les personnes non averties que le confinement a des avantages médicaux et sociaux. Il réduit les infections initiales et l’exposition à des infections répétées qui augmente la charge virale. Les bienfaits du repos sont incalculables (amélioration de l’immunité, psychisme et mental). Pour les avantages sociaux, demander aux femmes et aux enfants leurs avis (rires).

Aussi, le couvre-feu est seulement nocturne et renforce le respect du confinement. Les deux induisent des conséquences économiques. Les autres régions du Niger, vont jouer leur partition sur le plan économique. Au bout de 3 semaines à un mois, une accalmie sera observée sur le plan épidémiologique afin de desserrer l’étau. Pour une décision éclairée, l’évaluation régulière de la situation est nécessaire.

 

Avez-vous un message à l’endroit de la population Nigérienne ?

Dr Saidou Hangadoumbo : Les mesures de prévention sont toutes efficaces et En réalité, j’ai quatre messages. Un premier à l’endroit des populations, un second destiné au personnel médical, un troisième à  nos FDS et un quatrième aux  autorités.

  1. Les inquiétudes et les réactions de la population sont légitimes. Cependant, elle doit faire un sacrifice pour l’intérêt général. Elles doivent observer les mesures préventives qui sont efficaces. Elles représentent la seule solution en face d’une maladie qui n’a ni traitement, ni vaccin.
  2. Le personnel médical doit continuer à travailler dans la sérénité qui le caractérise habituellement et respecter la déontologie et l’éthique professionnelle.
  3. Les FDS doivent faire respecter les décisions prises sans jamais tomber dans les abus et violation des droits de l’homme. Les populations déjà vulnérables n’ont pas besoin de stress supplémentaire.
  4. Le gouvernement doit tout faire pour évaluer régulièrement la situation afin de lever certaines mesures qui ne se justifieraient plus le plan santé publique. En effet, il faut trouver le juste milieu entre les avantages sanitaires et économiques, qui sont d’ailleurs intimement liés.

Propos recueillis par EMS