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Retour à la case prison de Hama Amadou : l’ art d’aller au charbon pour s’attirer les grâces de l’adversaire

 La posture subite de Hama Amadou d’accepter de purger sa peine après tant de dilatoire amène plus d’un républicain à se dire ‘’tout ça pour ça’’. Pour les observateurs avertis le message de Hama Amadou est très vite décodé : un calcul très intéressé pour obtenir une grâce présidentielle voire une amnistie comme le ressassent ses partisans.  Cette posture de Hama rappelle bien l’expression « aller à Canossa », employée pour la première fois par Bismarck, une formule idiomatique pour désigner le fait de s’agenouiller devant son adversaire. Décryptage d’une opération intéressée d’un homme qui a tenté de ternir la justice nigérienne.

 

Très tôt le matin du lundi 17 novembre 2019, Hama Amadou flanqué de son avocat s’est rendu à la justice nigérienne qui, immédiatement, l’a conduit à la prison civile de Filingué  près de 200 km de Niamey. Son emprisonnement constitue certainement l’épilogue d’une affaire politico-judiciaire qui a trop duré (près de 7 ans) et a fait couler beaucoup d’encre.  Venu au Niger suite au décès de sa mère, il a bénéficié de 48 heures pour faire son deuil. Dans le cadre de ce deuil, il a appelé au calme ses militants via ses plus proches de la trempe de Soumana Sanda et consorts.

Après s’être recueilli sur la tombe de sa dite mère, il a rejoint son domicile où il reçut toute une gamme de leaders politiques de la majorité et de l’opposition, des acteurs de tout bord de la société civile et de simples citoyens qui ont tenu à lui témoigner toute leur compassion dans la pure tradition africaine.

Le retour de Hama Amadou au bercail a permis, certainement, aux nigériens de comprendre le vrai sens du jeu politique et de la démocratie. C’est une bonne leçon pour ceux qui ne comprennent pas encore qu’il n’y a pas d’ennemis en politique mais seulement des adversaires qui savent se faire des gentillesses.

Ce retour est aussi la fin d’une cavale en dehors du pays qui l’a vu naître et devenir ce qu’il est aujourd’hui. Un pays qui lui a tout donné non pas la France où il est allé, en France où il peut être bousculé sans que celui qui le bouscule ne sache qui il est. Là-bas où il a vécu son exil, il était presque un anonyme alors qu’ici au Niger, un grand nombre de concitoyens lui vouent un assez grand culte empreint d’amour.

Ce culte qui lui est rendu par les militants du parti politique qu’il dirigeait jusqu’à une date récente est l’une des causes, il faut bien le dire, de tous les dérapages par lui commis et qui l’ont conduit à vouloir se subtiliser des mains de la justice. Dans une vingtaine de personnes concernées, seul Hama a cru être au-dessus de la loi. Pourtant c’est connu en République, nul ne doit se prévaloir de ses propres turpitudes.

Justement, il a aussi ses principes propres à lui qui l’ont souvent trompé et conduit sur des chemins peu recommandables, chemins qui consistent à traiter chaque adversité sous l’angle de la politique.

Hama Amadou est certes assez prétentieux, mais cela n’est guère suffisant pour lui permettre de participer au jeu démocratique sans heurt avec la justice en tenant compte de toutes les casseroles bruyantes qui lui sont reprochées.

L’on se rappelle que c’est en raison des calculs politiques très osés que, suite à une motion de censure, la chute en 2007 du gouvernement dont il était le chef, a été imparable. Pourtant il était un Premier Ministre tout puissant, qui s’est permis de réduire le Président de l’époque, Tandja Mamadou, à jouer le second rôle sous la 5ème République.

Il s’est même trouvé en situation de fuite hors du Niger mais sans trop s’y éloigner comme ce fut le cas sous la 7ème République, pendant que l’affaire des bébés importés du Nigéria éclatait. Ladite affaire a été révélée premièrement par la presse avant que les services de la police ne se mettent à enquêter et que la justice en ouvre un dossier.

Son implication ne faisant l’ombre d’aucun doute, il dut se résoudre à fuir le pays pour éviter la prison comme plusieurs autres complices de l’affaire y comprise son épouse.

Au cours de sa fuite en France, il a pris les services d’un certain nombre d’avocats qui l’ont défendu en misant sur le dilatoire qui consiste à faire croire à l’opinion que c’est une affaire politique.

Hama Amadou, de la France où était et dans les pays où il passait, a mis en branle toute une communication qui faisait de lui une victime du régime du Président Issoufou qui, selon lui, veut l’empêcher d’être candidat aux élections de 2016 d’abord, et de 2021 ensuite.

A tous les stades du procès concernant cette affaire dans laquelle il est impliqué, il a été débouté et sa culpabilité lui a été signifiée par une condamnation d’un an de prison ferme.

Ne s’avouant pas vaincu pour autant, il a fallu que la Cour Constitutionnelle prenne l’Arrêt n° 04/CC/ME du 19 juin 2018 pour qu’il perde son statut de député au bénéfice de son suppléant Garba Hima.

Mais bien avant ça, tous les citoyens nigériens se rappellent comment il a su tendre l’atmosphère politique au Niger avant et après les élections de 2016, élections auxquelles il a participé depuis une cellule de prison à Filingué/

Il aurait, aussi, usé de tous les moyens pour faire tomber le régime du Président Issoufou comme, certainement, ce qui lui est reproché le plus : les tentatives d’insurrections via la société civile acquise à sa cause.

Toute l’opposition politique, sous son influence, n’a pas su reconnaître la victoire du Président Issoufou au sortir des élections de 2016 et les députés issus de ses rangs ont malencontreusement boycotté les sièges qui leur reviennent à l’Assemblée Nationale. Il a fallu plusieurs mois après la déclaration des résultats définitifs desdites élections pour que les citoyens, ébahis, les virent rejoindre en catimini leurs sièges à la Représentation Nationale.

Un retour d’exil opportuniste…

Le retour de Hama Amadou au Niger, après plusieurs années d’exil, procède de ce scénario-là. Bien sûr, le décès de sa mère en est pour beaucoup, mais c’est après avoir constaté qu’aucune issue n’est possible face à sa condamnation qu’il s’est fait accompagner pour remettre les pieds sur le sol natal. En effet, toutes les voies de recours à lui offertes, ont été épuisées, au plan national comme au plan sous régional. Le dernier acte de cette saga politico-judiciaire fut certainement le dernier Arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO.

Mais avant d’en arriver là, il est important de rappeler que c’est en seconde fois qu’il saisissait la Cour de la CEDEAO après que celle-ci, par ordonnance No ECW/CCJ/ADD/09/15 du Lundi 14 Décembre 2015, ait rejeté ses « demandes d’admission à la procédure accélérée et de prise de mesures provisoires ». L’approche des présidentielles de 2016 avait, en réalité, motivé ce recours d’urgence auprès de l’institution judiciaire sous-régionale.

Maintenant, pour mettre fin à toute la polémique portant sur l’affaire des bébés importés du Nigéria, dans l’Arrêt No ECW/CCJ/JUG/31/19, celle-ci dit ce qui suit : « statuant publiquement, contradictoirement en matière de violation des droits de l’homme en premier et dernier ressort ; se déclare incompétente pour connaître de toutes les questions soulevées par le requérant concernant les décisions des juridictions nationales ; se déclare compétente pour statuer sur le surplus de la requête ; constate que le litige oppose les mêmes parties ayant les mêmes qualités, pour la même cause et pour le même objet ; dit qu’il y a autorité de la chose jugée ; dit en conséquence que la requête de Hama Amadou est irrecevable ; reçoit la défenderesse en sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ; l’y dit cependant mal fondée ; l’en déboute ; dit que chaque partie supporte ses propres dépens ».

Avec cet arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO, il n’y a plus aucune voie de recours parce que l’affaire a été tranchée et est au point de l’autorité de la chose jugée. Et qui dit autorité de la chose jugée, dit que le litige qu’une décision de justice a tranché ne peut plus être porté encore devant la justice. En ceci, Hama Amadou a exploité toutes les voies de recours et partout il a été débouté.

La Cour de la CEDEAO a aussi dit que sa demande des dommages et intérêts s’élevant à 3 milliards 280 millions de Francs Cfa est mal fondée et l’en déboute. Il lui revient aussi de prendre en charge de ses dépens, soit 200 millions de Francs Cfa qu’il réclame au titre des frais d’exposition de son dossier auprès de la Cour.

Maintenant que cette juridiction régionale l’ait débouté, le dilatoire qui consiste à dire que l’affaire des bébés importés est une affaire politique prend fin et Hama Amadou l’a si bien compris.

D’où son retour au pays ne se résume pas au seul deuil de sa mère décédée quelques jours plutôt, mais dans le seul but de purger sa peine de prison en espérant, par ricochet, les bonnes grâces de ses adversaires politiques. Une leçon pour ceux qui ne comprennent pas encore que nul n’est au dessus de la loi.

Il ne reste plus qu’aux militants et sympathisants de boire à la coupe de la sagesse et endurer cette épreuve qui frappe leur leader dans la sérénité. A eux d’être capables de tourner une page politique qui est à son terme et se résoudre à choisir un autre étalon qui va conduire le bateau Lumana ou ce qui en reste sur les chemins de la victoire aux différents scrutins qui s’approchent. Vouloir s’éterniser dans la posture paresseuse d’une éventuelle grâce ou amnistie pourrait être périlleux. Et s’il n’y a ni grâce ni amnistie ?

Bassirou Baki  Edir