La délocalisation de 10 individus dont 3 mâles et 7 femelles de girafes de Kouré à Dakoro fait polémique tout comme la Convention entre le ministère de l’environnement et l’Ong Noé sur la délégation de la gestion de la réserve Termit-Tin-touma. Pour éclairer la lanterne de nos lecteurs, nous avons rencontré le Colonel Samaila Sahailou, Directeur National de la Faune, de la Chasse, des Parcs et des Réserves à la Direction Générale des Eaux et Forêts (DGEF) au ministère de l’Environnement, de la Salubrité Urbaine et du Développement Durable. Il est ingénieur des Eaux et Forêts, aménagiste de la faune et des aires protégées. Il fut également conservateur du Parc W.
D’emblée, le Directeur National de la Faune, de la Chasse, des Parcs et des Réserves a bien voulu nous rappeler le processus qui a abouti à la prise des deux décisions sujettes à polémique par manque de communication, a-t-il reconnu. En substance, dans les deux cas, il est question de la gestion durable de nos ressources naturelles dans une optique de développement durable, nous a confié le Colonel Samaila Sahailou. Dans cette perspective de gestion durable malgré les efforts de l’Etat à travers l’amélioration de l’effectif du personnel, l’élaboration des outils de gestion et la mise en place des unités de gestion, notre pays a beaucoup perdu en termes de biodiversité. Face aux problématiques majeures liées à la conservation du réseau d’aires protégées à savoir la persistance du braconnage, trafic de la faune sauvage, les effets du changement climatique et le manque de financement durable le ministère de l’environnement a envisagé un certain nombre de mesures après études et larges concertations des experts et acteurs locaux.
De la translocation des girafes de Kouré à Gadbedji
Selon le Colonel Samaila Sahailou, l’Etat et ses partenaires ont consenti assez d’efforts pour la préservation des girafes de Kouré à travers la mise en œuvre de plusieurs projets et initiatives dont le Projet Purnko, Ecopas et PAPE. C’est vers les années 1984 que ces girafes venues du Mali ont trouvé refuge dans la zone de Kouré ou les conditions étaient réunies notamment la tranquillité et les ressources alimentaires. Entre 1995/96 on dénombrait moins d’une cinquantaine d’individus (46 têtes). Aujourd’hui la zone girafe compte une population de girafes de plus 600 individus. Ce qui constitue une évolution considérable de la population mais des menaces croissantes pèsent sur l’espèce et son habitat. La zone n’étant pas une aire protégée, la croissance démographique, la progression du front agricole, la naissance des conflits (exploitation des récoltes et autres produits issus des jardins dans le dallol…), la dispersion des girafes dans les zones reculées et à risque et les risques de maladies qui peuvent décimées cette population des girafes sont autant des préoccupations qui ont amener les autorités nigériennes avec l’appui des experts à réfléchir des possibilités ou alternatives pour préserver la girafe, nous a confié le Directeur National de la Faune, de la Chasse, des Parcs et des Réserves. Les réflexions sur le sujet de translocation ont donc commencé en 2006 à travers un atelier « L’Atelier International sur l’élaboration d’une Stratégie de Conservation à long terme de la Girafe au Niger tenu à Niamey du 22 au 24 Novembre 2006 au Palais de congrès organisé par le programme ECOPAS, Financement UE. Par la suite un autre atelier international a été organisé en 2008 avec l’appui du programme ECOPAS (Ecosystèmes partagés en Afrique Sub-sahélienne) et qui s’est porté sur : la définition du PHVA (Population And Habitat Viability assessment) de la population de girafe en septembre 2018 à Niamey.
En 2015, une étude de faisabilité de la translocation de girafes a été diligentée et menée par un expert international sous financement de l’Union Européenne.
Toujours courant l’année 2015, un atelier sur le plan de conservation de la girafe au Niger a été organisé par le Programme d’Appui aux Parcs de l’Entente.
Toutes les rencontres ont jugé nécessaire de procéder à la translocation des girafes.
Et pour ce faire, le Parc W était envisagé un moment pour héberger ces populations de girafes. C’est finalement au total onze (11) sites potentiels qui ont été ciblés dont celui de Gadbedji constitue un site idéal au regard de son statut de zone protégée et certains facteurs comme l’eau et les ressources alimentaires. Ce site a été choisi au regard de son statut de conservation pour la réintroduction de 10 individus (moins deux ans) de girafes dont 7 femelles et 3 mâles.. ‘’La méthode de transport obéit aux normes en la matière car ce sont des experts notamment américains et français très rompus à cette tâche qui nous ont toujours accompagné dans ce processus’’, renseigne le Colonel Samaila Sahailou. L’objectif de cette opération vise essentiellement la gestion durable de l’espèce. Même si il y a déficit de communication au plan national, le colonel nous a avoué qu’il a été organisé des missions d’information et de sensibilisation notamment sur les enjeux liés à la conservation des girafes, sur les objectifs visés par la translocation et sur les techniques de la translocation à Kouré comme à Dakoro pour amener les populations à comprendre l’importance de cette opération soutenue par l’ONG Giraffer Conservation Fund (GCF) et Sahara Conservation Fund (SCF) partenaires de longues dates..
En ce qui concerne la polémique engendrée par cette opération, pour le Directeur de la faune du Niger toute innovation en matière de conservation au Niger suscite des inquiétudes cependant au regard des dispositions prises en amont en termes de surveillance et implication des acteurs au niveau du site d’accueil nous espérons des résultats concluants..
Quid des 100 000 km2 de la zone Termit-Tin Touma ?
A cette question le Colonel Samaila Sahailou nous a confié : « Il est plutôt question de la délégation de gestion de la réserve Termit-Tin Touma à l’ONG Noé et non d’un bradage de notre souveraineté ou d’une partie de notre territoire comme l’ont écrit certains de vos confrères ». Et comme pour la préservation de la girafe de Kouré, l’Etat du Niger a également consenti d’énormes efforts pour la protection de nos réserves, a-t-il précisé. Et face au grand braconnage, la progression du front agricole, l’accroissement de la population, les besoins en terres, viandes et poissons il importe de ‘’revoir nos modèles de gestion’’, a expliqué le Directeur National de la Faune, de la Chasse, des Parcs et des Réserves. Dans ce sens, selon lui, il faudrait penser à des modèles de gestion qui vont dans le sens du financement durable de nos aires protégées.
Selon le Colonel Samaila Sahailou, à la différence du Bénin qui dispose de la Fondation Ouest-africaine et l’Office sur les aires protégées au Burkina Faso, le Niger est en train d’adhérer à ce mécanisme de financement durable. C’est pourquoi le Niger a opté également pour une gestion durable de ses réserves. Et dans ce sens, le Niger n’est pas le premier pays a adopté une délégation de gestion de ses réserves. African Park gère plus 14 aires protégées en Afrique sous forme de délégation de gestion. Au Bénin au vu de la problématique liée à la gestion de la réserve de la Pendjari, African Park Network a été sollicité pour assurer la gestion de cette entité écologique.
A propos du processus de délégation de gestion de la réserve Termit-Tin Touma proprement dit, selon notre interlocuteur, il y avait en amont l’initiative des populations locales des régions d’Agadez, Diffa et Zinder à travers la réunion de leur Conseil consultatif tenue à Niamey en aout 2017. Il s’agit pour cette initiative de renforcer l’efficacité de la gestion de la réserve à travers la surveillance nationale et régionale ; le développement des activités de valorisation des ressources naturelles le suivi écologique, le renforcement de l’effectif du personnel, le renforcement de la capacités des acteurs, la mise en place des infrastructures adéquates de surveillances, la promotion des activités développement local(hydraulique, éducation, santé, emplois des jeunes, etc.).
Il faut dire que l’ONG Noé a déjà fait ses preuves au niveau de cette réserve avec divers appuis par le passé et dont les résultats sont appréciables notamment dans le domaine de suivi écologique, de la surveillance, de l’éducation environnementale et actions sociales. Et avant d’aboutir à la signature de la Convention entre le Ministère de l’Environnement et Noé, le processus a suivi les étapes suivantes : Accord de principe du conseil consultatif réuni le 17 août 2017 à Niamey ; Mission de haut niveau conduite par le ministre de l’environnement au Parc de Zakouma (Tchad), mise en place d’un comité technique chargé d’élaborer le projet d’accord de partenariat, identification d’un consultant (juriste) chargé de définir le cadre juridique et enfin organisation de l’atelier de validation du cadre juridique à Zinder le 29 septembre 2018 en présence des membres du conseil consultatif. En ce qui concerne les clauses de l’accord de partenariat, le personnel est constitué des agents de l’administration mis à la disposition de Noé. Le Conseil d’administration (CA) est présidé par un cadre du ministère de l’environnement qui dirige les réunions du CA. Les missions de supervision sont assurées périodiquement par le ministère de l’environnement pour s’assurer de la réalisation du plan d’investissement, a expliqué le Directeur National de la Faune, de la Chasse, des Parcs et des Réserves. Et selon lui, entre autres précautions, ‘’l’ONG Noé a également signé une Convention avec African Park qui a une longue expertise dans ce domaine. Tout est mis en place dans ce cadre de partenariat pour préserver les intérêts du Niger’’, a renchéri le Colonel Samaila.
Aujourd’hui, au Tchad le Parc de Zakouma est bien géré avec une importante diversité. Là-bas on peut voir une diversité d’espèces qui prolifèrent mais qui ont disparues ou très menacées au Niger à savoir la girafe, l’Autruche, le damalisque, la tortue sulcata, le redunca et une concentration des oiseaux migrateurs et afrotropicaux tant les conditions de sécurité et protection sont réunies. Et c’est grâce à ce genre de partenariat qu’ils ont obtenu un tel résultat, soutient le Directeur national des réserves.
‘’On le voit, le partenariat avec l’ONG n’a rien d’une vente ou d’un bradage de notre patrimoine. Il est tout simplement question de la gestion durable de nos réserves face aux défis actuels’’, a martelé le Colonel Samaila Sahailou.
Elh. Mahamadou Souleymne