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Enquête : le visage de la prostitution juvénile à Niamey

Il faut du tout pour faire un monde, dit-on. Le vieux métier du monde illustre bien cette assertion. Si dans une approche fonctionnaliste on comprend bien que la société est un tout complexe, le souci des bonnes mœurs ne cesse quant à lui de préoccuper les hommes. Il y a quelques années, sur ce chapitre des mœurs, à Niamey c’était l’invasion des prostituées expatriées qui était mal vu ou l’érection des bistrots réputés être  des lieux de la débauche. Aujourd’hui, il y a d’autres phénomènes plus ou moins nouveaux qu’il faudrait que la police des mœurs prenne en charge pour le bien de la société. La prostitution des mineurs est un problème assez criard qui mérite à ce qu’on s’y penche sérieusement. Le dernier Conseil des ministres vient de prendre des mesures pour y remédier. Enquête.

Elles sont mignonnes, ravissantes et innocentes à la fois. On les retrouve dans certaines artères de la capitale, autour des cabarets et alentours de certains hôtels. Lorsqu’on entend certains noctambules dénoncer les travers de notre société sur les virées nocturnes de nos filles et sœurs, on a l’impression qu’ils racontent des bobards.

Mais à l’épreuve des faits, il n’y a rien d’abusif. C’est réel. La nuit, tous les chats sont gris, dit-on.  Ces petites filles jonchent les ruelles. Elles sont mêmes provocatrices  et libertines entremêlées avec certaines de leurs aînées plus aguerries sur ce terrain à hauts risques.

En plus de leur jeune âge, certaines de ces adolescentes sont des élèves. Ce fait nous l’avons vérifié sur le terrain et avec la police. Et c’est en cela qu’il urge de faire quelque chose. Notre société est en danger. Si on n’y prend garde, le risque d’un effet d’entrainement est réel. Ces mauvaises pratiques de ces petites novices qui s’exposent aux caprices et vices de leurs charmeurs en dépit de leur statut pourraient avoir l’effet d’une bombe dans la société. En effet, avec les petits sous qu’elles collectent dans cette tortueuse voie, ces demoiselles pourraient détourner leurs camarades de classe ou de quartier. Dans cette première partie de notre enquête, nous partageons avec vous chers lecteurs le témoignage de notre virée d’un week-end au cœur de la prostitution juvénile à Niamey.

Elève et prostituée…

‘’Je m’appelle F.A élève en classe de 5ème au CEG Losso Goungou’’, nous confie cette donzelle de 15 ans rencontrée vers l’échangeur Mali Béro devant le portail d’une taverne de la place vers 20 heures. Elle fait partie d’un groupe d’autres filles de différents gabarits, les unes plus séduisantes que les autres. Habillées en mini jupes, avec toutes ces babioles et autres décolletés des prostituées à la Hollywood pour attirer le premier venu de ces hommes dont la maladie s’appelle addiction sexuelle. Et on les voit qui sur sa moto, qui dans sa voiture à la recherche du fruit défendu.

Mademoiselle F.A qui ne voudrait pas perdre du temps pour certainement rafler le maximum de ‘’passes’’ cette nuit, nous a dit tout de go que ‘’le lit d’hôtel c’est 10.000f et moi 5000f’’ ! A notre question de savoir si l’hôtel ne peut pas revoir sa facture à la baisse du moment où c’est juste un laps temps à passer, F.A nous a rétorqué  qu’elle peut prendre 3000f mais le tarif du gérant de l’hôtel est strict. C’est à prendre ou à laisser !

 R.H, à peine la quinzaine, a abandonné quant à elle l’école en classe de CM2. Nous l’avons rencontrée dans un groupe de ces ‘’petites travailleuses du sexe’’ en train de vadrouiller aux alentours du village chinois. Ce coin est tristement célèbre à telle enseigne que la police l’a formellement interdit à ces princesses de nuit. Malgré tout elles passent outre cette interdiction, elles continuent d’occuper ces lieux même si selon certains témoignages c’est justement les incessantes rafles de la police qui expliquent leur présence massive sur le boulevard Mali Béro.

C’est aux environs du villageois chinois que nous apprenons qu’il y a dans cette zone une kyrielle d’hôtels ou disons-le de maisons de passe qui perçoivent 5000f à 10000f  bien connues par ces péripatéticiennes. D’aucuns renseignent également sur les maisons closes de fortune pour les clients à petite bourse.

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 Dès ce vendredi soir, notre sortie nous a permis de nous faire notre petite idée que certains prétendus hôtels exploiteraient la misère de ces filles. Il pourrait exister une complicité entre elles et les tenants de ces lieux. Ce qui frappe de prime abord, la fille vous annonce le prix de l’hôtel avant de songer à ses propres intérêts. Perçoivent-elles des commissions ? Quel deal y-a-t-il entre elles et ces maisons closes d’un genre nouveau ? On peut comprendre qu’il y a déjà gagnant-gagnant puisque le client paie les deux services à savoir ‘’l’hôtel’’ comme elles disent et la fille. Il y a lieu que le ministère du tourisme revoit le cahier des charges de certains de ces hôtels créés à l’emporte-pièce en ce sens qu’ils encouragent ces mineures à la débauche. La police dispose des éléments pour motiver cette perspective qui est loin d’être une vue de l’esprit. D’ailleurs la disponibilité de ces maisons closes (pardon hôtels) fait que ces filles ne sont même pas motivées par les avances du client qui voudrait les amener chez lui ou ailleurs. Elles préfèrent vagabonder dans les environs de ces hôtels comme en territoire conquis. Une fille nous a confié qu’elles préfèrent amener leurs clients dans ces ‘’hôtels’’ pour des raisons de sécurité et aussi gagner du temps…économiquement parlant. Mais elles peuvent suivre le client lorsque ce dernier paie l’équivalent de ce qu’elles estiment récolter toute la nuit. Cependant, les filles de rue ne mettent pas leurs œufs dans le même panier. Certaines sont accompagnées  par ‘’somebody’’, des gaillards ou leurs petits copains. Une autre dimension du problème qui frise le proxénétisme. Une responsabilité à partager avec les tenants des hôtels. Selon un confrère, ces compagnons des filles de joie constituent souvent un gang très dangereux. Ils droguent ces filles pour mieux atteindre leur objectif. Les filles ont souvent mission de détecter un client fortuné pour le jeter en pâture. Beaucoup de victimes à la recherche du passe-temps  ont été appâtés par  ces filles, témoigne un policier. Une autre face cachée de l’insécurité dans nos villes à prendre très au sérieux.

C’est à Lacouroussou, vers le rond-point église que nous avons découvert ce qu’on pourrait appeler ‘’rue princesse’’ où une cohorte de prostituées expatriées font la pluie et le beau temps. Parmi ces femmes de tout âge, on remarque également la présence des filles mineures mais aussi des garçons mineurs avec cigarettes au bec venus s’initier à la vie adulte. Même à Lacouroussou réputé être une ‘’poudrière’’ à prostituées, cette rue est assez singulière.  Il urge là aussi de s’occuper du sort des plus jeunes d’entre nous qui fréquentent cette jungle.

La police des mœurs veille mais à quoi bon ?

Ce samedi soir notre tandem avait vraiment de la chance. Nous faisons le même combat avec la police, comme qui dirait. En effet, vers minuit, sur le boulevard Mali Béro, nous avons rencontré la police en train de rafler des prostituées. Profitant de cette circonstance, nous nous sommes présentés aux policiers. Notre carte de presse faisant foi, le chef de l’équipe nous a demandé de les suivre au commissariat. Ce que nous avons fait. Les gardiens de paix avaient procédé au contrôle d’identité habituel des filles. Nous observons les agents faire leur boulot en attendant de parler à leur chef pour recueillir des informations sur la suite de la procédure pour ces filles arrêtées. Dans cette prise, parmi les filles raflées il y avait des élèves et même deux étudiantes !

Très impatients, nous avions demandé à l’officier principal quel sera le sort de ces filles capturées. Très calmement, il a commencé par nous rappeler que la loi n’a pas interdit la prostitution au Niger. Ce qui signifie que parmi ces filles, celles qui ont des papiers c’est-à-dire qui font des visites médicales régulières ne seront pas inquiétées. Le commissaire a déploré également le manque de moyens par la police des mœurs pour sévir. En effet, selon lui, la police des mœurs aurait souhaité avoir un bureau ou une représentation dans chaque commissariat mais cette demande reste sans suite. Les commissariats périphériques envoient les filles en cas de rafle au commissariat central.

 Comment Madame Boubacar Hadiza, directrice de la police des mœurs gère les dossiers de ces filles notamment les mineures ? Que font les ONGs et associations religieuses face à cette dépravation des mœurs ? Quel impact aura la décision du Conseil des ministres qui vient d’accorder pleins pouvoirs aux ministères de la population et de l’intérieur à lutter contre ce fléau ?  (A suivre).

 

Elh. M. Souleymane et Abdoul Aziz Moussa