Rencontre : Mme Fatima KARADJA à propos du MAEP-Niger

« Concernant le MAEP au Niger au stade actuel des choses, je peux dire que toutes les conditions sont réunies pour un exercice de qualité», déclare Mme Fatima KARADJA

Mme Fatima KARADJA est membre du Panel des Eminentes Personnalités du Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs (MAEP). Cette universitaire algérienne (diplômée en psychologie sociale) aguerrie dans le travail du changement social au niveau national et international est chargée de conduire l’évaluation de la République du Niger au titre du MAEP Continental. Dans cet entretien, elle nous renseigne sur le MAEP en tant que tel et apprécie le début de ce processus au Niger.

 Niger Inter : En tant qu’expert comment définissez-vous le MAEP ?

 Mme Fatima KARADJA : Le MAEP  (Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs)  est né de la volonté des Leaders Africains qui ont constaté  que  le millénaire  écoulé n’a pas apporté le développement attendu sur le continent Africain et que, de ce fait il fallait que l’Afrique s’approprie son devenir en définissant elle-même ses priorités. Pour cela la bonne gouvernance s’affirme comme un pré requis fondamental. C’est ainsi que le 09 Mars 2003 la déclaration d’Abuja a créé le MAEP, en tant qu’instrument d’évaluation de la gouvernance en vue de rattraper  le retard cumulé et améliorer, à terme, les conditions de vie des populations, par une bonne gouvernance permettant  la croissance économique, l’intégration sous régionale  et continentale et le développement durable.

Niger Inter : Il y a les rapports du PNUD, de Transparency International, l’indice Mo Ibrahim entre autres pour mesurer la gouvernance au plan international et africain. D’aucuns se demandent si le MAEP n’est pas un instrument de plus. Qu’est-ce qui constitue selon vous l’originalité du MAEP ?

Mme Fatima KARADJA : le MAEP est un instrument inédit et spécifique en ce sens où il est conçu par les Africains pour  les Africains ; il se distingue par son caractère d’adhésion volontaire et dénué de conditionnalité, il ne comporte aucune sanction, si ce n’est l’appréciation et les recommandations des pairs. Il se fonde sur les valeurs authentiquement africaines de partage, de respect et de solidarité. C’est une initiative africaine dont l’originalité réside dans son adhésion volontaire d’une part et l’absence de conditionnalité d’autre part

  • Le MAEP est constitué de :
  • Structures Nationales :

* un Point Focal,

* un Secrétariat Permanent,

*une Commission Nationale de Gouvernance (CNG)

  • Structures continentales :

* le Forum des chefs d’Etats et de gouvernement

*le  Comité des Points  Focaux

* le PANEL des Eminentes personnalités

* le Secrétariat continental.

A mon avis ce n’est pas un mécanisme de plus. Les rapports d’autres organismes, sont pris en compte dans l’étape initiale qu’est l’autoévaluation. Le PNUD, la CEA, la BAD et la fondation Mo Ibrahim sont les partenaires stratégiques du MAEP. La valeur ajoutée de l’évaluation MAEP c’est que ce sont les citoyens eux-mêmes qui en sont les artisans de l’évaluation. Il revient également d’identifier les défis et les mesures correctives.

Niger Inter : quels sont les principaux centres d’intérêt du MAEP ?

 Mme Fatima KARADJA : Le MAEP s’articule autour de 4 thématiques :

  • Gouvernance politique, démocratie et droit de l’homme.
  • Gouvernance économique
  • Gouvernance d’entreprise
  • Développement socio-économique. Ces quatre thématiques seront explorées au moyen d’un questionnaire qui a été validé au niveau continental.

Niger Inter : Pouvez-vous nous dire brièvement quelles sont les principales étapes pour une évaluation effective d’un pays par le MAEP et quels en sont les intérêts ?

Mme Fatima KARADJA : L’évaluation par le MAEP s’exécute en 2 phases complémentaires :

  • La 1ère est celle de l’autoévaluation.
  • La 2ème: l’évaluation externe par des consultants africains du MAEP.

Le MAEP présente deux intérêts majeurs :

  • L’inclusivité et la participation, il s’inscrit en ligne droite dans l’acte constitutif de l’Union africaine ; il s’ouvre à tous les citoyens à travers toutes les parties prenantes représentant tous les segments de la société (les parlementaires, la société civile, les jeunes, les femmes, les opérateurs économiques, la chefferie traditionnelle, les associations religieuses, les medias privés et publiques… etc.) pour un débat sur l’évaluation des politiques publiques et les reformes susceptibles de les améliorer.

Ainsi au niveau du pays, il offre une plateforme de participation citoyenne à l’évaluation des politiques publiques et pour la proposition des réformes nécessaires pour relever les défis identifiés. Ce mécanisme repose sur 2 principes de validité.

  • L’intégrité du processus
  • La compétence technique

 Cette étape se traduit par un rapport d’autoévaluation et d’un plan d’action y afférent. Ceci se fait sous l’égide de la CNG (Commission nationale de la gouvernance) avec l’assistance des ITR (Institut Technique de Recherche) après dissémination et validation la plus large possible. L’étape suivante consiste en une évaluation effectuée par les experts du MAEP, qui se traduit par un rapport d’évaluation pays suivi de recommandations après identifications des atouts, des défis et, éventuellement, des bonnes pratiques.

Niger Inter : A l’ouverture de l’atelier de formation des membres de la Commission nationale de gouvernance (CNG) du MAEP-Niger vous avez déclaré que l’adhésion du Niger au MAEP est en soi ‘’un acte de bonne gouvernance et de transparence’’, pouvez-vous préciser votre pensée ?

 Mme Fatima KARADJA : Je considère que l’adhésion en elle-même est un signe de bonne gouvernance, en ce sens par cet acte le chef de l’état consent à se soumettre à l’évaluation de la qualité de sa gouvernance par ses propres citoyens et ensuite par ses pairs.

Niger Inter : En tant qu’éminente personnalité en charge du MAEP-Niger quelle est votre appréciation sur le processus d’auto-évaluation du Niger ?

Mme Fatima KARADJA : Concernant le MAEP au Niger au stade actuel des choses, je peux dire que toutes les conditions sont réunies pour un exercice de qualité.

  • Les structures nationales sont mises en place et opérationnelles.
  • La CNG est diverse et inclusive dans sa composition.
  • Le mémorandum d’entente entre le Niger et le MAEP a été signé le 22/01/2018.
  • La feuille de route a été adoptée après discussion, par l’ensemble des participants.

Celle-ci retrace les différentes étapes et la programmation des activités propres à chacune d’elles pour la mise en œuvre du processus

Niger Inter : Quel est votre sentiment sur le processus d’autoévaluation du Niger ?

 Mme Fatima KARADJA : Lors de la mission de soutien, j’ai pu apprécier l’implication des hautes autorités du pays ainsi que l’engagement enthousiaste des représentants des structures Nationales. A l’issue de l’atelier de formation, j’ai pu constater l’appropriation des outils de performance et la maitrise du processus par les membres de la CNG et les représentants régionaux. Pour toutes ces raisons, je suis rassurée quant à la qualité de l’exercice et sa conformité avec l’esprit et la lettre des fondements du MAEP.

Niger Inter : Avez-vous un message à l’endroit des Nigériens pour la réussite du MAEP-Niger ?

Mme Fatima KARADJA : Mon conseil aux Nigériens c’est de leur demander de conserver la dynamique de cet élan initial, au cours de tout le processus, car, in fine, le principal bénéficiaire sera le Niger Etat et Nation.

Réalisée par Elh. Mahamadou Souleymane