Editorial : Quid du sens de l’Etat au Niger ?

En cette fin d’année, cet espace aurait pu être consacré à la célébration des prouesses ou bonnes pratiques de nos célébrités dans tous les domaines. Mais la persistance de certaines tares ou antivaleurs dans notre pays nous oblige à ne pas lâcher prise.

Le Niger organise une table ronde à Paris dans le cadre du Plan de développement économique et social (PDES) à l’endroit de ses partenaires techniques et financiers pour mobiliser des fonds, c’est le moment choisi par quelques-uns pour engager une polémique inutile pour décourager les bonnes volontés.

Le Niger via le CNESS (Centre National d’Etudes Stratégiques et de Sécurité) organise un forum sur la sécurité où tout le monde est censé contribuer librement pour assoir une stratégie commune sur notre sécurité, c’est la chaise vide et la médisance côté Opposition politique. Pourtant nul doute que nos petites querelles politiciennes ont leurs limites objectives en matière de sécurité. Le terrorisme ne fait pas de quartier.

Le président de la République inaugure le marché Dolé à Zinder, certains leaders politiques de la région et non des moindres ont préféré bouder l’événement comme si le but de la politique n’était pas le salut public ou le bien-être de ceux au nom desquels on se bat !

Une loi de finances en examen, certains avaient trouvé cela comme une aubaine pour instrumentaliser la religion pour assouvir leurs desseins sournois. Le comble c’est quand certains hommes politiques ou acteurs de la société civile avaient délibérément opté pour la désinformation et la manipulation pour diffamer ou médire. Après notre factchecking, nous pouvons affirmer que le Niger n’a pas fait de cadeaux fiscaux volontairement aux compagnies de téléphonie mais plutôt était tenu de se conformer aux normes de l’UEMOA où toutes ces taxes (TATTIE et TOURTEL) n’étaient plus perçues par les Etats membres. Tout comme, par contre, la taxe d’habitation est encaissée partout dans cet espace communautaire sauf au Niger. L’autre vérité crue, c’est que la pression fiscale passe de 13% au Niger alors qu’elle est de 19% dans les autres pays de la zone UEMOA.

L’on comprend aisément que les compagnies de téléphonie considérées comme des sangsues par l’opinion n’aient pas bonne presse. Et dire aux citoyens que l’Etat a délibérément accordé des cadeaux fiscaux à Orange, Airtel ou MOOV cela reviendrait à mettre de l’huile sur le feu tant les prestations de ces sociétés sont désolantes.

A la vérité, la question fiscale est une véritable bombe à retardement dans notre pays. C’est un tabou. Une vérité qui dérange. Pourtant il faut le dire tout net : le Niger d’aujourd’hui ne pourra pas se passer d’une fiscalité à la hauteur de ses défis de développement. Ceux qui soutiennent le contraire mentent aux autres et à eux-mêmes car tôt ou tard on les verra à l’œuvre. La continuité de l’Etat n’est pas un vain mot.

Il y a par contre ce devoir indéniable de veille citoyenne pour une juste et exacte allocation des ressources dans la mise en œuvre de la loi de finances. Ce rôle est dévolu aux parlementaires, à la société civile et même à certains démembrements de l’Etat pour freiner le détournement des deniers publics. Si l’Assemblée consent l’impôt, il lui revient également le contrôle de l’usage qu’il en sera fait conformément à la loi. Le président de l’Assemblée nationale S.E Tinni Ousseini l’a si bien rappelé à ses collègues députés à la clôture de la session budgétaire. Ainsi avec l’appui de la société civile, les députés doivent obliger le gouvernement à tenir ses engagements. La répartition des rôles est ainsi faite ‘’aux sources de la démocratie libérale’’, comme dirait l’autre.

Sur tout un autre plan, en observant la gouvernance du Niger, on se rend à l’évidence que les gouvernants jettent souvent de l’argent par la fenêtre au fil de  l’avènement des régimes  et/ou  des ministres à la tête des départements. Chaque régime qui s’installe change des cadres de leurs postes au gré des obédiences politiques ou de l’humeur du ministre entrant sans tenir  compte souvent de l’expérience acquise  des uns et des autres.

Un ancien ministre, très conscient de l’acuité de ce problème nous a confié : «Au Niger chaque ministre ou cadre nommé va avec ses projets » ! Pourtant il va sans dire que l’Etat c’est une continuité. Mais chez nous on assiste à la reprise systématique des choses ce qui retarde l’administration et par ricochet le pays.

A un atelier, un cadre du ministère de la santé  dit avoir vu défilé 11 ministres et il est le 7ème  Directeur au niveau de ce démembrement stratégique du ministère qui a accusé un énorme retard à cause des changements inconséquents au niveau de sa direction. Cette pratique à un cout pour l’Etat. Les partenaires techniques et financiers jettent souvent l’éponge de sorte que le pays rate des projets entiers à cause de ces mauvaises pratiques.

On a vu l’ex président Barack Obama confier des responsabilités aux républicains même à des postes régaliens. On nous dira qu’Obama a le sens de l’empathie et un sens très élevé de l’Etat ce qui semble manqué à son successeur. On nous dira également que sous nos cieux le manque de civisme fait de nous plus des saboteurs (perpétuels) que des citoyens pour confier certaines tâches aux adversaires ou opposants politiques. Et même quand ça arrive sans l’aval du parti, le cadre consentant pourrait écoper de la foudre du directoire de sa formation politique y compris l’exclusion pure et simple.

Il nous faut changer de paradigmes au Niger. Du moins, cet esprit rétrograde qui  nous tire toujours vers le bas, il urge de s’en départir. Le pays a besoin d’une forte opinion publique. Il n’y a rien à redire. Mais celle-ci ne se décrète pas. Elle ne doit surtout pas être dans une posture hors la loi … ou contre productive.

EMS

Nigerinter Magazine N ° 007  de décembre 2017