Tribune : Robert Mugabe, de la libération nationale à la tragédie nationale

Il n’y a pas de doute que Robert Mugabe, alias Bob a marqué l’histoire de l’Afrique en général et de l’ancienne Rhodésie devenue Zimbabwe le 18 avril 1980 en particulier. Un Etat devenu indépendant après s’être libéré du joug de la colonisation britannique par une lutte de libération nationale. Il était à la tête de l’Union nationale africaine du Zimbabwe (ZANU) avec comme compagnon de lutte Joshua Nkomo, chef de l’Union populaire africaine du Zimbabwe (ZAPU). Après s’être débarassé de Joshua, les deux mouvements rivaux fusionnent pour devenir Zanu-Front patriotique.

Ses camarades et lui ont courageusement et dignement lutté pour la libération nationale de leur pays. C’est tout naturellement et logiquement que ses camarades de lutte et le peuple zimbabwéen ont accepté de le voir à la tête du pays nouvellement indépendant. L’homme est cultivé, intelligent, charismatique et fin stratège.

Les puissances occidentales et leurs alliés ont usé de tous les stratagèmes et complots pour défaire Bob et ses camarades, mais ces derniers sont toujours restés inébranlables. Ils jouissaient du soutien de leur peuple qui savait d’où il venait et où il allait et à l’époque Bob a toujours été conscient que son peuple lui faisait confiance.

Seulement, on a beau être un héros de libération nationale, il ne faut surtout pas oublier que la victoire sur le colonisateur et l’oppresseur a été possible grâce aux autres camarades de lutte et le vaillant peuple zimbabwéen. Plus les puissances étrangères cherchaient à déstabiliser son régime, plus Mugabe le durcissait et son entourage opportuniste le rendait impopulaire à l’intérieur.

Au fil du temps, il a fini par s’éloigner de ceux qui ont fait sa gloire et sa légitimité pour se rapprocher d’un clan de parvenus qui en réalité n’ont jamais connu les souffrances et les sacrifices des dures années de libération nationale et qui sans vergogne ont subtilement créé les conditions de la confiscation de cette légitimité en utilisant un Bob vieux et fatigué.

Finalement, ses camarades de lutte ont décidé de rectifier à leur manière la dérive croissante. Ni l’opposition politique ni les assauts extérieurs n’ont eu raison de Bob, mais les contradictions et le rapport des forces intra-système ont fini par prouver que Bob a atteint ses limites et qu’il ne peut pas diriger de manière absolutiste ad vitam æternam.

Reconnaissons quand même que Bob et ses camarades ont à un moment donné de l’histoire rendu au Zimbabwe sa fierté. Beaucoup ont encore en mémoire la célèbre chanson engagée de Bob Marley intitulée « Zimbabwe » qu’il a chanté à l’occasion de la proclamation de l’indépendance.

Quant à sa femme Grace et son entourage communément appelé le G40, ceux par qui la tragédie est arrivée, ils finiront par admettre que les bonnes choses ont toujours une fin. Cependant, nombreux sont les patriotes africains qui n’ont pas voulu de la fin dans laquelle ils ont conduit Bob le héros.

Aucun régime politique ne peut substituer la démocratie. Notre continent ne doit pas continuer d’assister à des telles tragédies. Quel que soit le terme utilisé, ce qui vient de se passer au Zimbabwe est regrettable. L’usage de la force et de la violence doit être à jamais banni. L’alternance démocratique doit être le moyen de la conquête et de l’exercice du pouvoir.

Abdourahaman ZAKARIA