« En ce qui concerne notre parti le PNDS, le pire qui puisse nous arriver c’est de commencer à douter des vertus de la cohésion, de la solidarité entre camarades et de la discipline, ces valeurs qui ont caractérisé la vie de notre parti et qui nous ont toujours permis de réussir là où les autres échouent», déclare M. Kalla Ankouraou SGA du PNDS.
Kalla Ankourao est Secrétaire Général adjoint du Parti Nigérien pour la Démocratie et le socialisme (PNDS) Tarayya. Dans cet entretien, il donne son point de vue sur des questions brûlantes d’actualité comme l’élection du député de la circonscription de Maradi, l’Uraniumgate, la Haute Cour de justice, la liberté d’expression et l’élection d’Emmanuel Macron en France.
Niger Inter : Le Collège électoral pour l’élection du député de la circonscription de Maradi vient enfin d’être convoqué. Il faudrait plus de deux milliards pour organiser ce scrutin que d’aucuns considèrent comme onéreux pour le pays. Avez-vous manqué de mécanisme pour éviter au pays ce gouffre d’argent pour l’élection d’un seul député ?
Kalla Ankourao: Evidement, l’opinion publique a raison de s’inquiéter ; car dépenser par ces temps, deux à trois milliards pour l’élection d’un seul député comme l’indique l’estimation de la CENI parait embarrassant aux yeux de tout citoyen. Il faut rappeler ici en ce qui concerne la circonscription ordinaire de Maradi qu’il est question de remplacer un député titulaire démissionnaire alors que son suppléant est décédé. Pour ce faire, nous avons cherché des mécanismes qui pourraient nous éviter de retourner aux urnes. On avait envisagé plusieurs scénarios et l’Assemblée nationale a soumis à la Cour Constitutionnelle des propositions concrètes. Malheureusement, la Cour a dit qu’il fallait organiser l’élection partielle pour respecter la Constitution et les lois électorales. A partir de ce moment, le gouvernement n’a eu d’autre choix que de convoquer le collège électoral.
Niger Inter : Vous parlez justement des propositions concrètes du parlement soumises à la Cour Constitutionnelle. De quoi s’agit-il ?
Kalla Ankourao: Oui, un des scénarios auxquels nous avons pensé consistait à demander au groupe parlementaire auquel le poste libéré appartenait de procéder simplement au remplacement de ce député. Cela suppose évidemment qu’on puisse modifier la loi pour prévoir qu’en cas de vacance d’un poste, la liste qui est concernée désigne un remplaçant parmi les autres candidats restant sur la même liste. Mais la Cour constitutionnelle a rétorqué que nul ne peut siéger à l’Assemblée s’il n’a été proclamé élu par cette institution. Ce cas de figure a donc été abandonné. D’autres alternatives envisagées pour surmonter cette difficulté n’ont pas fait fortune. C’est vous dire qu’au niveau du PNDS et du gouvernement, le souci d’économie a prévalu jusqu’au bout, en cherchant la possibilité de procéder autrement que par le recours aux urnes ; bien évidemment dans le respect des lois et règlements de la République.
Niger Inter : L’affaire dite ‘’uraniumgate’’ défraie également la chronique. En tant que SGA du PNDS quelle est votre lecture et au-delà la lecture du parti de cette affaire ?
Kalla Ankourao : Le PNDS et la Mouvance pour la Renaissance du Niger (MRN) avaient dégagé en son temps leur position sur cette affaire qui, par la volonté d’une certaine presse aux ordres, continue à faire couler beaucoup d’encre. C’est à mon sens une affaire bien simple que l’opposition a voulu de manière opportuniste, amplifier à dessein. Evidemment, c’est de bonne guerre que l’opposition veuille faire feu de tout bois, l’objectif poursuivi étant de ternir l’image du Niger et des principaux responsables de ce pays. Sa cible, c’est d’une part une certaine opinion extérieure qui prend comme monnaie comptant toute déclaration d’une opposition ; et d’autre part une frange de ses partisans profondément sectaire et incapable de discernement dont la seule mission et de croire à tout ce qui est dit par le chef. Pour les citoyens de bonne foi, il a suffi simplement de lire l’article de Jeune Afrique ‘’Areva, le Niger et l’affaire ‘’Uraniumgate’’ à travers lequel ce journal, qu’on ne peut soupçonner d’être de connivence avec le pouvoir actuel, a reconstitué les faits, laquelle reconstitution ne contredit en rien la version des faits relatée par le ministre Hassoumi Massoudou quand il a expliqué sans ambages ce qui s’est exactement passé. Il y a eu également le rapport de la Commission d’enquête parlementaire à la demande de l’opposition politique. Je rappelle que ce n’est pas la première fois au Niger qu’une commission d’enquête parlementaire a été mise en place. Et on n’a pas l’habitude de suspecter le travail d’une commission d’enquête parlementaire du moment où celle-ci est composée de toutes les sensibilités et qu’elle soumet son rapport à la plénière qui, en dernière instance, décide de la conduite à tenir face au rapport. Mais, pour le cas d’espèce j’ai constaté avec mes concitoyens que notre opposition n’a même pas attendu d’épuiser le débat au sein du parlement pour rendre public un rapport parallèle. Faute d’arguments pour tenir un vrai débat face à leurs collègues, les députés de l’opposition ont déserté honteusement les lieux. En tant qu’ancien parlementaire et ancien président d’une commission d’enquête parlementaire, je pense que cette attitude des députés de l’opposition n’est rien d’autre qu’un dévoiement du travail parlementaire. Ce qui traduit une dérive dangereuse pour la crédibilité de cette institution. Mais je ne suis pas surpris car comme je le disais tantôt nos adversaires n’étaient pas motivés par la manifestation de la vérité mais ils voulaient plutôt profiter de l’opportunité pour manipuler l’opinion. Et le procédé est bien connu : ils ont pensé qu’il suffisait de crier que Massoudou a transféré 200 milliards pour décrédibiliser le régime.
Niger Inter : La répartition des postes à la Haute Cour de justice fait polémique. L’opposition estime que le poste qu’occupe le MNSD Nassara lui revient de droit du moment où ce parti n’appartient plus à l’opposition parlementaire. Quelle est votre appréciation de cette situation ?
Kalla Ankourao : Je n’ai pas une autre appréciation en dehors des dispositions de la loi. En effet, la loi dit que la Haute Cour de justice doit être mise en place à la première Session de la législature. Ce qui fut fait puisque la présente Cour a été mise en place au cours de la première Session de la présente Assemblée nationale. Et pour mémoire, à l’occasion de la mise en place de cette Haute Cour de justice nous avons fait droit à la requête de l’opposition parlementaire de l’époque dans la désignation des membres de la Cour. Mais la loi est stricte : elle dispose qu’une fois élus les membres de la Haute Cour de justice sont inamovibles pendant toute la durée de la législature. Aujourd’hui l’opposition nous demande purement et simplement de violer la loi. Ils savent que ce n’est pas possible. Mais nous les comprenons, ils cherchent des subterfuges pour amuser la galerie. Et comble du dilatoire, ils cherchent avec l’affaire dite ‘’uraniumgate’’ à bloquer l’institution parlementaire. Mais en l’état actuel des textes qui régissent la Haute Cour de justice, je peux affirmer que cette polémique de l’opposition parlementaire est un non-événement.
Niger Inter : la manifestation de la société civile du 10 avril dernier a été interdite. La société civile voulait dénoncer l’impunité et l’injustice dans le pays. Le PNDS avait pourtant pendant sa traversée du désert organisé assez de manifestations comme moyens d’expression démocratique. Comment expliquez-vous cette interdiction à la société civile de manifester ?
Kalla Ankourao: Les manifestations sur la voie publique est un droit reconnu par la Constitution. Mais il faut également admettre que ce droit est bien encadré par la loi. Les autorités compétentes ont à plusieurs reprises laissé l’opposition politique et la société civile manifester ; mais les rares fois que les pouvoirs publics ont estimé que le moment n’est pas favorable, certains ont voulu en faire un drame. Notre parti est fortement attaché aux principes démocratiques notamment la liberté d’expression et de manifestation. Et pendant nos 20 ans d’opposition nous avons vu certaines de nos déclarations de manifestations autorisées et d’autres interdites. Et même lorsque nous savons que les arguments du pouvoir sont fallacieux, nous avons toujours cherché des voies légales de recours pour continuer notre lutte démocratiquement. Je pense que le reproche qui est fait au pouvoir actuel est un faux procès car, il est de notoriété publique que les hommes et les femmes qui sont actuellement à la tête de ce pays tiennent absolument au respect des libertés fondamentales, dont la liberté d’expression et de manifestation.
En vérité, l’opposition, hantée par le désespoir, a voulu faire scandale en profitant de la tenue à Niamey de la 60ième session de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, pour programmer en catimini une marche en sachant pertinemment que ces genres de manifestation ne sont plus autorisés les jours ouvrables. L’essentiel pour eux était de provoquer l’interdiction et de faire croire aux participants à cette 60ième session que le droit de manifestation n’existe pas au Niger. Ils oublient qu’ils ont à faire à des personnes très avisées sur la situation des droits de l’Homme dans chaque pays africain.
Niger Inter : justement en ce qui concerne la liberté d’expression, aujourd’hui il y a le journaliste Baba Alpha en prison, le 10 avril dernier un cameraman a été molesté par la police. Selon le dernier classement 2017 de Reporters Sans Frontières notre pays passe de 52ème à 61ème soit un recul de 9 points. Que répondez-vous à ceux qui estiment que la liberté de la presse est en péril au Niger ?
Kalla Ankourao: je suis très étonné d’entendre de telles allégations. Alors que c’est un fait, notre pays fait partie, en Afrique et dans le monde, des pays qui respectent le plus la liberté de la presse. Nos adversaires peuvent dire ce qu’ils veulent mais la réalité est têtue : la presse est libre au Niger. C’est vérifiable par tout le monde. Il suffit de lire la presse écrite nigérienne, écouter et regarder les programmes des radios et télévisions pour s’en convaincre. Malgré les insultes et diffamations au quotidien, le président de la République tient son engagement de ne jamais porter plainte contre un journaliste. Engagement d’ailleurs qu’il a matérialisé par la signature de la Montagne de la Table. Et c’est justement de cette largesse du président de la République que nos adversaires, qui sont loin d’être des modèles en matière de respect de liberté de la presse, voudraient user et abuser pour semer la chienlit dans le pays. Le cas de Baba Alpha qu’ils mettent en avant est pour nous un épiphénomène dans la mesure où c’est établi par la justice que ce journaliste a fait du faux et usage du faux. Je rappelle à nos détracteurs que pendant des années le même Baba Alpha a eu à proférer toutes sortes d’insultes et diffamations contre le régime sans être inquiété. Mais s’agissant des délits autres que les délits par voie de presse, nous sommes très attachés au principe selon lequel nul n’est au-dessus de la loi. Je suivais récemment un débat sur RFI, pendant qu’un béninois se réjouissait de la place de 82ème occupé par son pays un nigérien dans le même débat et en dépit de notre place de 62ème, avait voulu peindre en noir la situation de son pays en matière de liberté de la presse. L’animateur était obligé de reprendre notre compatriote en dénonçant son manque d’objectivité et d’amour pour son pays. Je dirais que même si le rapport de Reporters Sans Frontières a constaté le recul au Niger, il n’en demeure pas moins que notre pays reste parmi les 10 premiers en Afrique en matière de liberté de la presse. Ce résultat mérite qu’on s’en réjouisse tout en s’efforçant de faire toujours mieux.
S’agissant de l’interpellation de Baba Alpha, à ce que je sache le fait d’être journaliste n’est pas synonyme d’impunité. C’est de l’amalgame fait à dessein et de manière éhontée que de répandre l’idée selon laquelle traduire ce garçon en justice pour faux et usage de faux constitue une atteinte à la liberté d’expression. Ils sont nombreux ceux qui ont choisi de passer le plus clair de leur temps à insulter les personnalités de ce pays et à inciter à la haine ethnique, mais leur usage de la liberté d’expression ou de presse ne les a jamais conduits en prison. Par contre, si des citoyens, à l’instar de Baba Alpha, font des choses qui les placent en porte-à-faux par rapport à la loi, ils doivent les assumer et non crier qu’ils sont journalistes.
Niger Inter : L’élection d’Emmanuel Macron a fait dire à une certaine opinion nigérienne que le président Issoufou et le PNDS seraient en perte de vitesse avec le départ de François Hollande. Avez-vous une réaction ?
Niger Inter: C’est vrai que l’ascension fulgurante de Macron en France est une surprise pour tout le monde. Mais, je ne vois aucune relation de cause à effet, entre l’élection de Macron et la situation du PNDS et du Président Issoufou. François HOLLANDE est incontestablement un ami du PNDS et du Président Issoufou. Mais il n’était pas au pouvoir en France quand le PNDS a gagné les élections en 2011 au Niger. En vertu de quelle logique alors le PNDS et Issoufou seraient en perte de vitesse parce que tout simplement HOLLANDE se retire de l’Elysée à la fin de son mandat ? Ceci dit, nous ne pouvons pas nier notre désolation au vu de la déconfiture des partis traditionnels, à gauche comme à droite en France, parce que nous croyons profondément à l’importance des partis politiques dans la vie de tout pays qui se veut démocratique.
Niger Inter : comment, en tant que socialiste, expliquez-vous la déliquescence du parti socialiste français ?
Kalla Ankourao: Nous n’avons pas de raison de commenter ou d’apprécier les problèmes internes à un parti ami. La situation actuelle du parti socialiste français doit être la préoccupation des responsables et des militants de ce parti et nous sommes convaincus qu’ils ont la maturité nécessaire pour s’en occuper. Cependant, nous avons en mémoire des situations comme celle du Bénin où des candidats sans parti politique ont créé la surprise en remportant les élections face à des candidats des partis politiques. Heureusement que ça reste encore des cas isolés. Néanmoins, les partis politiques doivent de plus en plus faire attention et restés en tout temps très proches des populations et soucieux de leurs intérêts.
Niger Inter : Que répondez-vous à ceux qui parlent déjà de division ou de lutte de positionnement au PNDS ?
Niger Inter: En ce qui concerne notre parti, nous avons toujours déjoué les pronostics de déchirement dont rêvent nos adversaires depuis plus de 20 ans. Souvenez-vous, qu’est-ce qu’ils n’ont pas prédit en terme de catastrophe pour notre parti à l’occasion du congrès de décembre 2012 ? Et pourtant c’est dans une atmosphère totalement sereine et sans aucun déchirement que notre congrès s’est tenu. Notre secret ? C’est la cohésion, la solidarité, l’engagement pour la cause commune et le don de soi qui relèguent au second plan toute manifestation d’ambition personnelle. Par conséquent, en ce qui concerne notre parti, le pire qui puisse nous arriver c’est de commencer à douter des vertus de la cohésion, de la solidarité entre camarades et de la discipline, ces valeurs qui ont caractérisé la vie de notre parti et qui nous ont toujours permis de réussir là où les autres échouent.
Propos recueillis par Elh. Mahamadou Souleymane