Depuis quelques jours, la maison de Maimouna sise au quartier Soura Bildi ne désemplit pas. Voisins, parents, amis et connaissances se bousculent à son portillon pour la féliciter et surtout, voir de visu ce fils de retour, dont les médias locaux ont tant parlé.
Dehors sous un arbre, assis sur des chaises en plastique autour d’une théière, un groupe de jeunes gens s’esclaffent bruyamment à chaque fois que Bachir tente de gribouiller quelques phrases en Haoussa, sa langue maternelle dont il ne connait aucun mot. Cependant, il parle couramment le Zarma et c’est désormais l’un de ses cousins ayant fait un séjour à Niamey qui lui sert d’interprète, même pour communiquer avec sa mère et ses sœurs.
Une histoire pathétique
Il y’a quelques jours, le juge des mineurs près du tribunal de Maradi et un acteur de la société civile locale promenait dans les médias locaux, un jeune homme du nom de Moustaquimou, venu de Parakou au Bénin, en vue de l’aider à retrouver ses parents. Très vite, les radios privées se sont emparées de son histoire pathétique pour la relayer…
Une histoire qui remonte exactement à 25 ans. Un jour, un homme avec un enfant fait autostop à la sortie de Maradi. Un chauffeur de TLM béninois les prends jusqu’à Dosso. Pendant le trajet, l’enfant qui avait moins de 10 ans ne faisait que pleurer. Craignant que les lamentations de l’enfant qu’il a volé ne le compromettent, « le père ravisseur » prétexta aller lui acheter à manger et profita pour disparaitre dans la nature, laissant un enfant éploré au chauffeur. Celui-ci, après une longue attente, sans doute tout aussi tourmenté, au lieu de confier le môme aux autorités locales, a continué avec, jusqu’à Parakou. Là-bas, il le confia à un nigérien, un zarma, vendeur de pagnes et de friperies répondant au nom de Elh Issa. C’est lui qui l’avait élevé pendant 25 ans comme son propre fils. Moustaquimou grandit alors normalement comme un enfant de la famille, sans s’en rendre compte.
Jusqu’à ce jour fatidique. Pendant qu’il préparait activement son mariage, une bagarre l’oppose à l’un des ses « frères ». « Leur mère » ayant pris fait et cause pour son vrai fils, l’informa du « secret ». Celui-ci n’hésita pas à lui balancer la terrible vérité à la figure. C’est ainsi qu’il apprit qu’il n’était qu’un fils adoptif et mieux, qu’on ne connaissait même pas ses parents. Elh Issa son père adoptif passa aux aveux et confirma qu’il n’était pas son fils légitime. Un chauffeur béninois dont il a perdu les traces, le lui avait remis il y’a 25 ans, lui disant seulement qu’il les(le petit et son ravisseur) avait pris à Maradi.
Une situation qui l’a empêché de dormir pendant des jours, surtout qu’elle intervient à un moment où il veut se marier, un moment critique où l’on doit faire connaitre ses parents. C’est alors qu’il décida de refaire le chemin inverse, à la recherche de ses vrais parents, avec pour seul indice, Maradi.
Aussitôt arrivé à Maradi, il a été pris en charge par le juge des mineurs, assisté par un acteur de la Société civile. Quelques jours seulement après les communiqués et les interviews données par le juge, l’acteur de la société civile et lui-même, les premiers « présumés parents » commencent à se manifester. Les rencontres ont toujours eu lieu dans le bureau du juge. Mais un simple examen des preuves en leur possession, tel que l’âge de disparition de leur fils, les disqualifiaient.
« Le sang a parlé … »
Maimouna la cinquantaine bouclée, vendeuse de bouillie dans son quartier, était sortie ce jour-là pour faire quelques courses. Arrivée devant une échoppe, elle trouva un jeune homme en train d’écouter la radio avec son portable. Justement, un journaliste informait de l’arrivée à Maradi d’un jeune homme kidnappé il ya 25 ans. Son cœur bondit de sa cavité. Son sang ne mit qu’un quart de seconde pour faire le tour de son organisme. Une émotion particulière l’envahit. Cette nouvelle lui rappelle son fils Bachir, kidnappé sur son chemin de l’école coranique, il y’a exactement 25 ans. Son visage lui revint distinctement à l’esprit. Un petit garçon charmant et sympathique qu’elle adorait plus que tout, parce que c’était son premier garçon…
Arrivée à la maison, elle confia ses ressentiments à ses filles puis en informa les frères et parents de son mari décédé il ya 5 ans. Tous, en effet, l’encouragèrent à aller jusqu’au bout de ses appréhensions. Munie de l’acte de naissance de son fils disparu, elle frappa au bureau du juge des mineurs, un vendredi pour en savoir davantage. Mais la « confrontation » ne put avoir lieu le même jour, car Moustaquimou et son tuteur n’étaient pas joignables ce jour-là pour une raison inconnue. Le juge prit alors son numéro et lui promit de la rappeler dès que possible.
Le lundi matin vers 9h, elle reçut l’appel du juge des mineurs. Elle s’était déjà préparée pour la circonstance et ses trois filles l’accompagnèrent jusqu’au tribunal. Arrivée devant le bureau du juge, des vagues hésitations l’envahirent. Comment la rencontre va-t-elle se passer ? Qu’est-il devenu ? Quand elle y entra, elle trouva 3 personnes, le juge, l’acteur de la société civile et un jeune homme. A peine avait-elle croisé le regard de ce dernier, que son cœur commença à bondir de tous les côtés. Son instinct maternel lui remontait jusque dans les narines. Sa respiration haletait. Emue et confuse, elle ressortit promptement du bureau et alla s’effondrer dans les bras de ses filles en balbutiant : « C’est lui… c’est lui… »
Les premières émotions passées, l’acteur de la société civile l’aida à retourner dans le bureau. Elle se fit excuser auprès du juge de s’être laissé submerger par des émotions qui traduisaient selon elle que « son sang a parlé ». De son côté, le jeune Moustaquimou était aussi sous le coup de la même émotion. Cette femme ne l’avait pas laissé indifférent. Le juge demanda à Maimouna si elle avait une autre preuve que l’acte de naissance et les effusions d’émotions. Elle lui rapporta que son fils avait une grosse plaie sur le pied causée par une chute au moment de sa disparition. Le juge ordonna au jeune homme de retrousser les bas de son pantalon. Il portait en effet un gros tampon sur le fémur droit dont il dit ne plus se souvenir des circonstances qui le lui ont causé. Mais Maimouna avait encore une autre preuve plus convaincante. Elle fit entrer ses filles. La ressemblance entre le jeune homme et les filles, est plus que frappante. Même teint, même faciès, même regard… Il n’ya pas beaucoup de doute, les premiers éléments en possession du juge tendent à confirmer que la bonne dame est la mère génitrice de Moustaquimou qui en réalité s’appelle Bachir.
Dieu ne dort pas
Malgré toutes ces preuves, la certitude n’est pas totalement établie pour que le juge des mineurs puisse ordonner, bien qu’il ne soit plus mineur, l’intégration du jeune homme dans la famille de sa mère. C’est ainsi que l’hôpital régional de Maradi a été sollicité. Mais la machine qui fait les tests ADN est en panne. La solution se trouverait alors à Niamey, là-bas aussi la machine est en panne. La structure la plus proche se trouve à Ouagadougou. Maimouna, veuve depuis 5ans avec plusieurs enfants à charge, ne peut s’offrir une telle « bourgeoiserie » …
En attendant le test ADN, Bachir a regagné le domicile maternel où désormais règne une ambiance nouvelle. Ses tantes et ses oncles font régulièrement le voyage de Bouza jusqu’à Maradi pour venir serrer la main de ce neveu dont la disparition il ya 25 ans les avait tous ébranlé.
A la question du journaliste Laminou Gonda de la Radio Saraouniya qui a suivi de près toute cette saga, de savoir pourquoi son fils est de retour après 25 ans et quels sont ses vœux les plus chers à présent, la réponse de Maimouna est tout simple : « Dieu ne dort pas… j’ai prié sans relâche pendant tout ce temps… Mon vœu le plus cher serait d’aller prier à la Mecque pour le remercier …. »
Elh Kaougé Mahamane Lawaly, Le Souffle Maradi