Pr HAMIDOU TALIBI Mouss est Maître de Conférences en Éthique, Philosophie Morale et Politique à l’université Abdou Moumouni de Niamey. Il est également Rapporteur Général de la Commission Nationale des Droits de l’Homme. Il a bien voulu partagé avec nos lecteurs ce texte qui constitue la synthèse du support de sa conférence du mercredi 28 décembre dernier au Centre Culturel franco-nigérien de Niamey dans le cadre du ‘’Café philo’’.
À l’abord, la problématique du rôle citoyen de la jeunesse est tout autant complexe que délicate. Sa complexité vient du fait qu’il faut caractériser ce rôle à travers plusieurs sphères qui ont, chacune, leurs impératifs systémiques propres. Sa délicatesse provient de la détermination même de ce rôle des jeunes. En effet, le concevoir est tout un programme et caractériser par ailleurs les jeunes, en tant que personnes, groupes de personnes, est également tout un autre programme. Sans compter qu’il faut comprendre l’appartenance de la jeunesse à une société donnée et savoir comment celle-ci l’informe pour qu’elle soit adéquate à ses aspirations. L’objectif visé ici est de parvenir à l’émergence d’une citoyenneté responsable face aux transformations qui surviennent dans le monde, avec leur cortège de violence insidieuse et inhumaine à travers notamment le terrorisme et le banditisme armés. Pour y parvenir, on pourrait formuler ces interrogations suivantes : comment concevoir le rôle citoyen de la jeunesse dans la société, au sein de l’école et de l’administration ? Comment cultiver en la jeunesse une citoyenneté responsable pour qu’elle ne se transforme pas en bombe à retardement susceptible d’exploser tôt ou tard ? Pour répondre à ces questions complexes et délicates, la démarche qui sera empruntée ici consistera d’abord 1) à parvenir à une caractérisation pertinente de la jeunesse, ensuite 2) à envisager dans quelles mesures elle serait susceptible de se transformer en cette bombe à retardement et comment conjurer cette éventualité par une intégration systémique et citoyenne des jeunes aux sphères publiques.
Caractérisation de la jeunesse
Parmi les dimensions qui influencent le développement, on a l’habitude de mettre en avant les ressources naturelles, les innovations technologiques, les investissements économiques, l’environnement extérieur favorable. Mais rarement, le rôle de la jeunesse a été mis en avant pour la prospérité d’une nation donnée. Il est dit généralement qu’elle est l’avenir d’une nation. On pourrait ramener l’équation à ceci que les politiques, dans leurs analyses et stratégies, mettent plus l’accent sur les conditions objectives du développement que sur celles dites subjectives. D’où, dans les investissements, les choix sont portés sur l’érection d’infrastructures économiques et la réalisation de projets structurants plutôt que sur l’école et l’emploi public des jeunes (administration, fonction publique…). Ces choix sont très souvent imposés aux pays faibles par les Institutions Financières Internationales (Fonds Monétaires International, Banque Mondiale). Même lorsqu’ils sont nécessaires – surtout au regard des priorités que l’urgence des problèmes impose aux politiques -, ces choix ne doivent pas se faire au détriment du principal moteur du développement que constitue la jeunesse. L’investissement dans la jeunesse ne doit pas être appréhendé comme un investissement non rentable immédiatement, mais comme l’assurance de maintenir la justice sociale et le progrès humain harmonieux.
La jeunesse pourrait être considérée comme la richesse des richesses devant déterminer le développement d’une société. Mais il importe à présent de caractériser davantage cette richesse qu’est la jeunesse, pour comprendre la nécessite de lui faire une place prioritaire pour son épanouissement et son évolution au sein de la société, afin qu’elle soit et demeure le principal moteur du développement.
L’expression « jeunesse » vient du latin juvenis qui signifie celui qui n’est pas avancé en âge. Cette étymologie montre bien que le concept de jeunesse est difficilement cernable. Il arrive de voir un individu d’apparence juvénile qui soit au-delà de la quarantaine d’âge ; tout comme la physionomie d’un jeune de 20 ans pourrait le faire passer pour un adulte de 50 ans. Il est donc difficile de se faire une idée de la jeunesse par la physionomie. Pour y parvenir, on peut aller dans les acceptions conventionnelles basées sur l’âge pour avoir une idée assez précise de la jeunesse.
Les Nations Unies notamment situent la jeunesse entre 15 et 24 ans et l’adolescence entre 10 et 19 ans. Au niveau africain, on peut mentionner deux variances de l’expression : la Conférence des Ministres de la Jeunesse et des Sports de la Francophonie (la C.O.N.F.E.J.E.S.) fixe la tranche d’âge allant de 16 à 30 ans, tandis que la Charte Africaine de la Jeunesse – et la plupart des États africains – la situe dans l’intervalle de 15 à 35 ans. Cette pluralité de critères dans la détermination de la tranche d’âge pourrait s’expliquer par le fait que la jeunesse suppose à la fois un temps biologique réglé par la nature, une période sociologique que fixe la société, et un processus psychologique qui informe sa personnalité[1]. L’être humain est quasiment le seul vivant qui a besoin de maternité, séquencée par des temps de maturation biologique, psychologique et sociologique sur plusieurs années. Pour avoir une idée de cette évolution, on peut se référer à la psychanalyse de Freud qui parle de cinq phases de l’enfance. Il y a d’abord la phase orale (jusqu’à 18 mois) marquée par l’allaitement, l’incorporation et la proximité avec la mère, ou la personne qui en tient lieu. Puis suit la phase anale (de 18 moins à 3 ans) caractérisée par le sadisme dans le comportement de l’enfant, la volonté de contrôler et d’imposer ses désirs à son environnement familial. La phase phallique (de 3 ans à 7 ans) correspondant au complexe d’œdipe, à l’angoisse de castration, à la rivalité et à la volonté d’identification vis -à- du parent de même sexe. La phase de latence (dès 7-8 ans), quant à elle, marque l’apaisement des pulsions et la découverte de l’environnement extra-familial. Enfin, arrive la phase génitale (l’adolescence) marquée par les transformations physiologiques associées à la volonté de changer son environnement[2].
D’après ce qui précède, il peut paraître paradoxal de parler de rôle citoyen de la jeunesse, tant il semble exister un fossé entre la jeune et la citoyenneté. En effet, on pourrait attacher à la nature de la jeunesse la fougue, l’enivrement, la frénésie, la démesure, l’insatisfaction, l’antisystème, la violence, l’irréflexion, la volonté de changement révolutionnaire ici et maintenant. Les qualités contraires sont plutôt attribuées aux personnes dites âgées. L’on explique la différence entre les vieux et les jeunes au niveau de leurs attitudes vis-à-vis des institutions sociales et étatiques. En effet, le vieux est très souvent enclin à préserver le système, il a tendance à justifier le statu quo. Tandis que le jeune est en général insatisfait du système et a tendance à se révolter: le jeune est un être accroché au fabuleux et, avide d’avenir, il veut modifier le monde. En effet, refusant le monde tel qu’il est, il pose des exigences, dans l’illusion qu’il va organiser un monde qui sortira de sa vision utopique[3]. Le jeune se révolte généralement contre la société qui impose des règles contraignantes à sa volonté de puissance et d’épanouissement. En quelque sorte, le jeune est considéré comme un être insatisfait, toujours avide de changement[4]. Par contre, être citoyen suppose l’incarnation par un individu des qualités aussi nobles que le respect des lois de la cité, le sens de l’intérêt général, la sagacité, la maturité, la mesure, la tolérance, l’acceptation de la différence, la responsabilité, le dépassement de soi, etc. Toutes ces qualités sont attendues d’un démocrate et d’un républicain[5].
Mais la jeunesse n’est pas congénitalement ou irrémédiablement contre le système social ou étatique. Elle ne devient pas non plus citoyenne automatiquement. La citoyenneté est un faisceau de valeurs et de qualités – comme évoqué en haut – qui résulte d’une longue et laborieuse maturation grâce à une bonne éducation et une formation efficiente[6]. Pour mieux caractériser ce processus, il est possible de concevoir – de façon métaphorique – la jeunesse comme un canari culturel progressivement rempli de valeurs qu’une société se donne pour façonner le type de membre et/ou de citoyen qu’elle souhaite avoir. Dans une perception pragmatique, ce canari se remplit de façon dynamique de savoir, savoir-être et savoir-faire qui dotent l’individu de personnalité et de compétences. Dans les conditions normales, ce canari est alimenté par trois sources complémentaires : la famille, l’école et la société civile.
La famille est la première sphère normative de la société. Elle est identifiable comme entité fondée par le mariage, la possession privée et l’éducation. En effet, elle a, entre autres choses, pour rôle d’assurer l’éducation des enfants. L’évolution décrite par Freud suppose en effet au minimum la famille nucléaire autour du père, de la mère et des enfants. En Afrique, il faut envisager également la famille élargie composée, entre autres, des grands parents, des oncles, des tantes et des cousins[7]. Ce rôle éducateur de la famille consiste à assurer la socialisation du jeune en lui inculquant les valeurs, les visions, les principes qui fondent la personnalité de la famille et de la communauté dans lesquelles il évolue. Son identité première se construit d’abord au sein de la sphère familiale.
Dans le contexte des sociétés modernes, l’école – prise au sens de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur – prend le relais de cette socialisation de la jeunesse. En outre, elle inculque des valeurs universalistes, des connaissances sur la nature, la société et sur la culture. Elle permet à la jeunesse de relativiser son appartenance familiale, ethnique, régionale : l’école porte la jeunesse à la perception et à la compréhension de son appartenance à la dimension de la nation, de l’État, des réalités interétatiques et internationales ; en ouvrant son esprit et sa perception du monde. L’école est un facteur important d’émancipation sociale[8]. Car l’enfant du pauvre est mis dans les mêmes conditions que celui du riche. L’école est un régime égalitaire qui donne les mêmes chances de réussite à toutes et à tous : par ses compétences acquises, le jeune devient un être instruit et formé et, de surcroît, un cadre pour son pays susceptible de servir sa nation et le monde en tant que fonctionnaire international ou acteur social au plan des Organisation Non Gouvernementales ; ou encore en tant que savant dont les produits de la recherche sont mobilisables et applicables techniquement partout dans le monde.
La jeunesse, bombe à retardement ou facteur d’une citoyenneté responsable et du progrès
Si la famille et l’école remplissent correctement leur rôle de socialisation de la jeunesse, la société civile et l’administration pourront l’accueillir dans la perspective de son intégration sociale. Si la famille et l’école procurent à la jeunesse la construction sociale de soi, la société civile et l’administration sont supposées assurer l’accomplissement de soi dans une activité de production et/ou génératrice de moyens d’existence. Ces deux sphères constituent le cœur et le poumon de la société et de l’État : lorsque l’intégration de la jeunesse est réussie par son assimilation au système économique et à l’administration, elle devient ce moteur du développement économique et du progrès humain. L’harmonie, la cohésion et la solidité familiales, d’une part, l’honneur professionnel et le climat apaisé et motivant, d’autre part, transmettent à la jeunesse les ressources nécessaires pour maintenir le cap de la production, de l’efficacité et de la rentabilité au sein des secteurs de la société civile et des différents rouages de l’administration.
La culture citoyenne est d’abord acquise par la jeunesse dans la vie associative, dans les corporations professionnelles et volontaristes. La citoyenneté, telle que définie un peu plus haut, présuppose en effet le sentiment d’appartenance à une collectivité, la conscience d’être membre à part entière d’une entité qui procure reconnaissance, dignité et sécurité. Cette collectivité devient pour la jeunesse une seconde famille qui prend en charge ses intérêts. La citoyenneté apparaît ainsi comme une attitude de détachement vis-à-vis des intérêts particuliers et égoïstes. Elle est l’attitude qui conduit vers la recherche de l’intérêt général et collectif. Tout cela prend d’abord forme à travers la conscience professionnelle et l’internalisation de l’éthique et de la déontologie de la corporation à laquelle on adhère.
L’intégration systémique – c’est-à-dire l’incorporation à l’État – de la jeunesse est ainsi quelque chose qui résulte de la réussite de la socialisation et de l’intégration sociale. Le lien entre socialisation, intégration sociale et intégration systémique est dialectique : ces systèmes s’influencent et se déterminent réciproquement. L’influence et la détermination peuvent être positives ou négatives. Mais en dernière instance, le système de l’État assume et doit assurer le rôle de l’intégration de la jeunesse, depuis la famille jusqu’aux circuits étatiques en passant par l’école et l’administration. En effet, il revient à l’État de créer les conditions d’épanouissement des familles, d’assurer la formation de la jeunesse et de veiller à la justice sociale dans les politiques de développement socioculturelles et économiques[9]. Autrement dit, chaque État est responsable de la situation de sa jeunesse. S’il s’en occupe, elle devient facteur de cohésion sociale et du progrès, s’il échoue dans cette mission de l’intégrer, il doit faire face à l’éventualité de l’explosion d’une bombe inconsciemment fabriquée et longtemps négligée.
En effet, en fonction de la manière dont la société façonne sa jeunesse, elle fabrique soit une bombe à retardement soit des citoyens responsables, acteurs de changement qualitatif. Cette bombe est potentiellement là, visible ou latente ; mais toujours prête à exploser. Lorsqu’au sein de la famille, la sainteté du mariage n’est pas préservée, la possession privée n’est pas garantie, l’éducation n’est pas assumée, le jeune perd les bases sociales de son épanouissement personnel et de son développement harmonieux. Car la dysharmonie et/ou la paupérisation des familles constituent des facteurs impactant négativement sur la bonne éducation des enfants. En outre, la faillite de l’école – qui devrait relayer l’éducation familiale – apparaîtra également comme une cause aggravant la transformation de la jeunesse en bombe. En plus, lorsque la jeunesse souffre d’un manque d’éducation et de formation ; lorsqu’elle vit, dans la sourde douleur, le chômage et/ou le désœuvrement, elle ne peut être habilitée que par le sentiment d’injustice et d’exclusion sociale et/ou systémique.
Ce sentiment d’exclusion conduit la jeunesse à considérer qu’elle est rejetée à la périphérie du système social et étatique, surtout lorsqu’elle constate que l’accès de ce système est déterminé par les relations de proximité avec les gouvernants ; lorsque ceux-ci font prévaloir des considérations ethniques et régionalistes dans la gestion étatique, dans la répartition des riches, postes et services, au détriment de la justice sociale équitable et de l’appartenance nationale et étatique.
Ces considérations particularistes, lorsqu’elles deviennent la règle tacite de gestion du pouvoir administratif et étatique, paralysent le fonctionnement des sphères publiques. Elles sont à la base de l’accentuation de la politisation de l’administration, de la corruption, de l’enrichissement illicite… Elles apparaissent comme autant de pathologies socio-politiques gangrenant, de ce fait, l’appareil d’État. Lorsque, au lieu du mérite, on fait valoir des moyens de corruption tels que l’argent, la pression sentimentale, les relations ou les alliances parentales[10], cela fait naître en la jeunesse le sentiment d’exclusion systémique.
Quand ce sentiment d’exclusion systémique atteint son paroxysme, certains jeunes envisagent leur salut dans l’aventure, particulièrement l’exode, l’immigration clandestine, au péril de leurs vies en bravant le désert, les airs et l’océan. Certains deviennent les victimes de l’instrumentalisation politicienne ou la proie des organisations criminelles et extrémistes.
Les défis majeurs qui se posent aujourd’hui sont, d’une part, l’immigration clandestine, la traite des personnes et les trafics d’armes et de drogue et, d’autre part, le banditisme armé qui parfois prend la figure de l’extrémisme religieux tel que le mouvement Boko haram. Ces défis dépassent les capacités de solution d’un seul État : ils présupposent des réponses sous régionales, régionales et même mondiales. Ils impliquent des dimensions transnationales et transfrontalières. Ils supposent également la valorisation et la généralisation des expériences qui fonctionnent bien, pour prévenir et résoudre les crises ou les violences notamment en milieu scolaire et universitaire.
La jeunesse nigérienne en particulier et africaine en général offre de ce fait des modèles intéressants. Comment ne pas évoquer le rôle historique de l’Union des Scolaires du Niger (USN) dans le processus démocratique au Niger : notamment les revendications sociales qui ont conduit aux événements du 9 février 1990 qui se sont soldés par la tuerie de trois étudiants ; événements qui ont déterminé la vie politique en provoquant l’avènement de la Conférence Nationale de 1991. À la suite de ces événements, la société civile continue de jouer un rôle politique d’envergure : exemple de la coalition Équité-qualité contre la vie chère qui a organisé la marche historique du 15 mars 2005 – ou tout récemment la marche citoyenne de la société civile du 21 décembre 2016 – contre la vie chère en imposant aux autorités compétentes la nécessité de reconsidérer les pratiques politiques impopulaires. De manière générale, la jeunesse africaine s’érige constamment en gardienne de l’ordre constitutionnel, de la démocratie et de la république : on peut souligner avec force leur rôle à travers le ‘’Printemps arabe’’, le Mouvement ‘’y en a marre’’ au Sénégal, le ‘’balai citoyen’’ au Burkina…
Les gouvernements ont le devoir d’éduquer et de motiver la jeune génération à participer activement à la vie politique et à exercer sa citoyenneté de manière adéquate. L’opinion des jeunes doit être entendue et respectée et leurs contributions, encouragées et valorisées. Les jeunes eux-mêmes doivent cesser de jouer au sein des partis politiques des rôles de seconde zone pour apporter, par leur opiniâtreté et leur pugnacité, des changements qualitatifs dans la gouvernance politique.
Au plan de la gouvernance universitaire, pour éviter les tensions entre l’administration et les syndicats des Universités, les décisions et les actions doivent reposer sur le paradigme triangulaire : gouvernance administrative-réussite des activités académiques-dialogue social. Il faut souligner le cas exemplaire de l’Université Abdou Moumouni qui, depuis 2005, essaye de réaliser un certain nombre de recommandations de l’Assemblée Générale de l’UNESCO de 1997 qui met en avant dans l’épanouissement de l’enseignement supérieur la prise en compte des libertés académiques, la collégialité dans les prises de décisions et le dialogue social. Cela fait que les étudiants sont membres des conseils de facultés et de l’Université. Il y a aussi la création tour à tour de la Commission Universitaire de Dialogue Social (C.U.D.S.) et l’observatoire de la Vie Universitaire (O.V.U.) regroupant enseignants-chercheurs, administration, Personnel d’Appui et Technique (P.A.T.), étudiants, personnes ressources extérieures à l’Université.
Au plan de la gestion des structures estudiantines, on peut mettre en avant l’adoption de procédure démocratique de désignation des responsables de l’Union des Étudiants Nigériens à l’Université de Niamey (l’U.E.N.U.N.) : notamment le passage du centralisme syndical à des élections démocratiques avec limitation de mandat. C’est grâce à la pertinence de ces mécanisme et procédures que l’on est parvenu progressivement à la création d’un climat apaisé au sein du campus universitaire et dans les rapports entre les différentes composantes de l’Université Abdou Moumouni. Par exemple, l’octroi de l’aide sociale aux étudiants non boursiers de l’État à partir de 2009 est le résultat de la synergie d’actions entre l’administration rectorale, les enseignants-chercheurs, le personnel administratif et technique, l’U.E.N.U.N. et l’Assemblée Nationale du Niger.
Au bilan, la citoyenneté de la jeunesse ne doit pas être envisagée comme une donnée immédiate. La jeunesse est une richesse à entretenir d’abord par une éducation et une formation qui commencent au sein de la cellule familiale. Les visions, les valeurs et les principes directeurs qu’une société veut voir cristalliser dans sa jeunesse sont d’abord internalisés à ce niveau avant que l’école et la société civile ne moulent progressivement la personnalité du citoyen désiré par la société. Mais, il a été affirmé avec force ici que la famille, l’école et l’admiration doivent jouer harmonieusement leurs rôles de socialisation, d’intégration sociale et d’intégration systémique pour éviter que la jeunesse ne se transmute en une bombe à retardement qui, tôt ou tard, conduira à l’implosion sociale et politique. Pour conjurer cela, la justice sociale qui raffermit le sentiment d’appartenance de la jeunesse à la société et à l’État doit être le pivot essentiel de la gestion des ressources humaines au sein de l’État. Surtout, lorsque l’environnement extérieur, du fait de la mondialisation et de ses effets pervers, expose la jeunesse à l’instrumentalisation, notamment aux trafics de tout genre et à l’extrémisme religieux. D’où la nécessite de faire en sorte que la jeunesse soit l’incarnation d’un savoir, d’un savoir-faire mais avant tout d’un savoir-être au service de la collectivité, et de l’intérêt général.
Pr HAMIDOU TALIBI Moussa
Maître de Conférences en Éthique, Philosophie Morale et Politique
[1] Cf. Freud, Nouvelles conférences sur la psychanalyse, Paris, Gallimard. 1952.
[2] FREUD, S., Cinq leçons sur la psychanalyse, Paris, Payot, 1966 ; L’interprétation des rêves, Paris, Puf, 1967, Malaise dans la civilisation, Paris, Puf, 1978,
[3] Cf. LÖWITH, Karl, De Hegel a Nietzsche, Paris, Gallimard, 1969, p. 89-90.
[4] HEGEL, Principe de la philosophie du droit, Paris, Gallimard, 1940, page 235.
[5]MONTESQUIEU, De l’Esprit des lois T.1, Paris : Flammarion, 1979.
[6] HABERMAS, J. Théorie de l’agir communicationnel, Trad. par Jean Louis Schlegel, Paris, Fayard, 1987.
[7] CF. ORTIGUES, Marie-Cécile et Edmond, L’Œdipe africain, Paris, Plon, 1996, p. 335.
[8] BOURDIEU, P., La noblesse d’État : grandes écoles et esprit de corps, Paris, Éditions de Minuit, 1989.
[9] –BENOIT, François-Paul. 1980. Les idéologies politiques et modernes, le temps de Hegel. Paris, PUF.
[10] MARY, A. « L’identité dédialectisée », Trickster, no 9, Padoue, 2010.