Fadji Zaouna Hassane Mamadou [email protected]

Fadji Maina, un modèle d’une scolarisation réussie de la jeune fille !

Incroyable mais vrai ! Son doctorat en poche  à 25 ans, Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina n’entend pas s’arrêter là. Chercheure au prestigieux Centre National de la Recherche Scientifique de France (CNRS), cette ex députée junior à un profil assez inspirant pour les jeunes. Docteure en hydrogéologie, elle a bien voulu partager son savoir avec nos lecteurs tant sur son cursus scolaires que sur des questions d’intérêt national comme le problème d’eau à Zinder, nos ressources minières et la condition de la jeune fille au Niger.

Niger Inter : Présentez-vous à nos lecteurs.

Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina : Je m’appelle Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina. J’ai 25 ans, je suis docteure en hydrogéologie et je travaille actuellement au Laboratoire d’Hydrologie et de Géochimie de Strasbourg, un laboratoire du Centre National de la Recherche Scientifique de France (CNRS).

Je suis née et grandi à Zinder, où j’ai passé mes études de la maternelle jusqu’au Baccalauréat. J’ai fréquenté l’école Mission de Zinder pour mes études primaires, puis le complexe scolaire Amadou Dan Bassa de la sixième à la Terminale. J’ai eu le Bac D en 2008, l’année à  laquelle j’ai pris siège à l’Assemblée en tant que députée junior, une expérience très enrichissante dans une tribune d’apprentissage dédiée aux jeunes élites du pays. Être député junior, ce n’est pas seulement porter l’écharpe ou côtoyer du monde à l’Assemblée, c’est pour l’excellente formation qui en découle, l’initiation à la politique du pays et la prise de conscience qui nait de l’expérience, ce qui fortifie nos ambitions à relever notre pays et à se mettre au service de la jeunesse. On apprend ainsi à réfléchir dès lors à comment contribuer dans le développement du pays. Avec la bourse d’études marocaine, j’ai effectué une licence en Génie Géologique à l’université de Fès;  ensuite j’ai passé mes deux années de master en France. En 2013, j’obtiens également la bourse de coopération française, année d’ailleurs où j’ai eu mon master en  Ingénierie et Sciences de l’Environnement à l’université de Strasbourg. À l’époque, j’avais plusieurs idéaux, celui notamment de relever les défis à travers la possibilité d’une thèse en Hydrogéologie qui me permettrait de devenir experte en la matière, un domaine que j’aime énormément mais aussi parce que cette dernière allait me permettre de réaliser un autre rêve du domaine de l’enseignement supérieur. J’ai toujours été passionnée par la recherche, qui est à la croisée de tous les challenges, qui conduisent à trouver des solutions aux problèmes non résolus. Aussi, mon jeune âge me permettait largement de m’aventurer dans une thèse de doctorat ; j’ai alors saisi l’opportunité d’une offre de thèse proposée et financée par le Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA) en collaboration toujours avec l’université de Strasbourg pour commencer une thèse en octobre 2013, qui portait sur la modélisation hydrogéologique. J’ai ainsi développé des outils qui permettent de mieux caractériser les aquifères et leurs recharges (alimentation). Cette thèse a ainsi des aspects de géologie et d’hydrogéologie, mais aussi de mathématique, de la programmation et de gestion de données. Ces outils que j’ai utilisés pour décrire les écoulements de l’eau dans un système hydrogéologique abritant un site du CEA localisé au Sud-Est de la France. J’ai soutenu ma thèse le 29 septembre 2016, une thèse qui a été qualifiée d’ « exceptionnelle » par le jury.

 

Niger Inter :     Vous êtes Docteure en hydrogéologie. Ce domaine d’étude est-ce votre choix?

Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina : En terminale, j’étais plus focalisée sur la réussite de mon année et de mon Bac qu’aux études supérieures, ce n’est qu’après le Bac que j’ai commencé à m’intéresser aux filières et leurs perspectives. Je me suis orientée alors vers les Sciences de la Vie et de la Terre. La première année de licence était un tronc commun « Biologie-Géologie ». J’ai très vite orienté mon choix vers la géologie, car pour moi il y’avait énormément de potentiel en géologie au Niger ; le pays regorge d’importantes ressources minières qui sans doute seront la clé de son développement. De plus, originaire de Zinder, une ville très connue pour ses problèmes de ressources en eau, c’est donc naturellement que la résolution de ce fléau me tient à cœur. Étudier donc cette discipline m’a permis d’acquérir des connaissances dans le domaine des mines et dans la gestion des ressources en eau et de l’environnement. C’est par la suite que j’ai décidé d’étudier l’hydrogéologie qui cadre bien avec mes ambitions.

 

Niger Inter :     Justement par rapport au problème de l’eau de Zinder, en tant que chercheure aujourd’hui avez-vous des réponses aux attentes des zinderois ?

Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina : Les chercheurs et ingénieurs du Niger travaillent déjà sur les réponses à apporter aux attentes de ce problème. Pour le moment, je n’ai pas étudié la question de façon précise, mais je tiens à apporter ma contribution à sa résolution. Comme je l’ai dit, j’ai étudié la recharge des aquifères dans le cadre de ma thèse, la connaissance de cette recharge est très primordial dans la gestion des ressources en eau en zones arides. Aussi, les compétences que j’ai en modélisation me permettront de mieux analyser le phénomène, car la modélisation permet de mieux comprendre l’écoulement de l’eau dans les nappes de même que leur alimentation. Celle-ci permet également de faire des prévisions ; des prévisions qui permettront de mieux gérer les ressources en eau.

 

Niger Inter :     Selon vous scientifiquement comment expliquez-vous cette sécheresse de ressources en eau du sol de Zinder ?

Photo 1Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina : J’ai effectué mon stage de deuxième année de licence à la direction de l’hydraulique de Zinder, un stage au cours duquel j’ai été amené à participer aux techniques géophysiques et à l’implantation de forages dans la région de Zinder. J’étais alors très étonnée de voir que ces forages ne sont pas à sec et qu’on obtenait très vite des arrivées d’eau ! La région n’est ainsi pas aussi sèche que je le pensais, ou à des endroits !

Le Niger est situé dans une zone désertique, la pluviométrie est ainsi très limitée, ce manque de précipitations est plutôt ressenti dans l’agriculture, mais ce manque de pluie accentué par une forte évapotranspiration à cause de l’ensoleillement très élevé, se traduit par une très faible alimentation des aquifères. De ce fait, les aquifères du Niger sont très faiblement alimentés. Toutefois, le pays dispose des vastes aquifères (on peut citer l’aquifère du Continental Terminal, l’aquifère du bassin de Lac Tchad, les aquifères du socle rencontrés dans le Liptako ou encore le Damagaram) et des cours d’eau (le fleuve Niger qui s’écoule de façon permanente sur 550 km) à l’image des autres pays de la région désertique qui peuvent être exploités. Il est à noter que selon un rapport du Ministère de l’Environnement, l’exploitation de ces aquifères fossiles est insignifiante. Aujourd’hui, la recherche sur l’exploitation des ressources en eau est très avancée. On a aussi, à travers les recherches effectuées dans d’autres pays qui ont approximativement le même climat que le Niger, des pistes de solutions au problème d’eau que rencontre la région de Zinder. Je tiens quand même à noter que je ne suis pas spécialiste de la géologie ou de l’hydrogéologie du Niger, car ayant effectué mes études supérieures à l’étranger. Toutefois, toutes les expériences que j’ai acquises à l’étranger pourront être facilement appliquées au Niger.

Niger Inter :     Au-delà de la région de Zinder selon vous le Niger dispose-t-il d’un potentiel hydrogéologique pour les générations futures ?

 

Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina : Bien-sûr que le Niger dispose d’un potentiel suffisant, c’est certes un pays désertique, mais la population n’a pas une forte demande de ressources en eau (les ressources en eau ne sont en effet pas utilisées de façon excessive, la plupart de la population les utilise à des fins domestiques ou de bien être, on est ainsi très loin des américains qui utilisent environ 600 litres d’eau par jour). De plus, on est quand même que 17 millions de personnes sur un territoire de 1.267.000 km2. Il faudrait juste bien réfléchir sur la gestion de ces ressources en eau. Étant chercheure, je pense qu’il y a une bonne solution à tout et il suffit juste de bien travailler la matière grise.

Niger Inter :     Ce n’est pas excessif de dire que le Niger est un ‘’scandale géologique’’ tant ses ressources minières sont diverses. En tant que géologue également comment expliquez-vous ce paradoxe qui fait que notre pays reste le dernier pays de la planète ?

Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina : Avoir des ressources minières suffisantes est sans doute la clé du développement. La parfaite illustration est les pays du golfe (Qatar, Émirats Arabes Unis etc.), dont les ressources leur ont permis d’avoir de grandes richesses, des villes assez développées, une population ayant un niveau de vie et un pouvoir d’achat assez élevé. Cependant, il y’a d’autres pays de ce monde dont le développement n’a pas été conditionné par des ressources minières, ces pays qui ont joué sur leur créativité, leur innovation ou encore sur d’autres activités comme le tertiaire pour se développer, comme le cas du Taiwan. Les ressources minières ne donnent ainsi pas droit au développement, elles constituent toutefois un bon atout pour faciliter celui-ci. Elles doivent cependant être bien exploitées.

 

Niger Inter :     D’aucuns disent que notre retard technologique est déterminant sur le fait qu’on ne profite pas de nos ressources. Que répondez-vous ?

Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina : Il y a sans doute un retard sur le plan de la technologie, mais il faudrait que le Niger soit prêt à avancer sur ce plan. Je dirais plutôt que c’est notre mentalité ou encore notre histoire qui fait en sorte que le peuple nigérien ne profite pas de la richesse de son sous-sol. Le Niger est classé pendant des années comme dernier selon l’IDH, une grande partie de la population vit sous le seuil de pauvreté, il faut qu’on prenne conscience que la pauvreté au Niger n’est pas une fatalité, et que tout le peuple nigérien peut changer de vie. Ce changement de mentalité à tous les niveaux, permettrait au peuple nigérien de se rendre compte qu’il dispose de tout ce qu’il faut pour mieux exploiter et mieux profiter de ses ressources. La technologie viendra sans doute avec ce changement, cette acquisition de technologie, des dernières innovations, n’est qu’un apprentissage qui se fera tout naturellement si la bonne volonté y est, d’autant plus, que la nouvelle génération s’y intéresse beaucoup.

Niger Inter :     En tant fille vous avez eu la chance de faire des études universitaires. Quelle a été votre motivation ?

Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina : J’étais plutôt entourée des parents, des frères et sœurs, des tantes, des oncles et cousins qui m’encourageaient et pour qui les études sont très importantes. C’est sans doute ces parents qui ont mis en place tout un environnement très favorable aux études, qui attendent impatiemment les résultats scolaires, ces sœurs/frères qui étaient toujours là pour dire « bien sûr, tu peux le faire », cet entourage qui me servait d’exemple et qui ne me voit pas comme une fille mais comme juste une personne qui doit avancer dans les études, qui ont créé en moi une grande motivation, une grande détermination pour avancer dans les études universitaires.

Niger Inter :     Aujourd’hui encore la scolarité des jeunes filles constitue un vrai défi au Niger. Quelle approche faudrait-il selon vous pour que les filles puissent poursuivre leur scolarité comme vous ?

Photo 2Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina : Récemment à la Journée Internationale de la Fille, il y a eu plusieurs reportages et articles parus qui ont parlés des conditions de vie de la jeune fille. D’après ces études, le Niger est l’un des pires pays au monde pour une fille (Choc !). Ca fait très mal de voir ces statistiques et ça fait également réfléchir. Parce qu’on ne doit pas rester muets et impuissants face à ce fléau qui touche une grande majorité de jeunes filles nigériennes. L’éducation va surement permettre de changer leur destin. Dire simplement aux familles d’inscrire leurs filles à l’école ou encore de les laisser poursuivre leurs études jusqu’à un certain niveau n’est peut-être pas la bonne approche. On sait très bien que ces familles pensent que la place de la jeune fille est dans son foyer plutôt que sur les bancs de l’école. Je n’en disconviens pas, mais il y a tout de même un âge idéal. Il faut démontrer à ces familles que l’un n’empêche pas l’autre. Au contraire, ils vont de pair, une fille bien éduquée c’est pour moi une fille qui gérera bien son foyer, parce qu’elle est ouverte d’esprit. Il faut aussi leur faire comprendre que l’éducation ne change pas la culture d’une personne, ni sa religion d’ailleurs. Cette éducation est un plus qui permet de même de mieux comprendre sa culture et sa religion. Au Niger, il y a pas mal de femmes qui ont réussi leurs vies professionnelle et familiale, ces femmes occupent de grands postes mais ont également des enfants bien éduqués et un foyer rempli de bonheur. Montrer ces exemples de femmes et parler de leurs succès peut changer les mentalités.

Niger Inter :     Citez trois femmes modèles pour vous ?

Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina : Des femmes de ma famille (que je ne citerai pas) qui m’inspirent au quotidien par leur détermination et également leur parcours.

Niger Inter :     En tant Docteure aimerez-vous enseignez ou poursuivre vos recherches dans un laboratoire d’un autre pays?

Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina : Le monde de la recherche est vaste, et le doctorat n’est que la porte d’entrée. Étant jeune, je vois le doctorat comme une ouverture, il y a un long chemin à faire pour devenir experte en hydrogéologie et même être une enseignante-chercheure. Je compte ainsi me spécialiser davantage, parcourir de nouveaux laboratoires, de nouveaux pays pour mieux apprendre et mieux enrichir ma culture scientifique. Je serai ainsi très prochainement dans un autre pays d’Europe pour faire de la recherche dans une université très reconnue.

Niger Inter :        Entrevoyez-vous revenir travailler pour le Niger ?

Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina : Comme je l’ai dit plus haut, je dois encore murir ma connaissance scientifique avant d’être au service du Niger. A l’avenir, j’aimerais ainsi participer à l’enseignement supérieur nigérien mais aussi contribuer à la bonne gestion des ressources en eau du Niger à travers la recherche plus précisément dans le développement de modèles qui permettront de mieux  gérer ces ressources en eau, de prédire leurs évolutions etc.

Niger Inter :     A qui avez-vous dédié votre thèse ?

Fadji Zaouna Hassane Mamadou Maina : À mes parents, les premières personnes à avoir guidé mes pas vers les études.

À toutes ces nombreuses personnes qui m’encouragent au quotidien, qui m’ont apporté leur aide, à les citer toutes, la liste sera très longue, je préfère m’abstenir.

À toutes les filles nigériennes qui avaient pour rêve d’être diplômées mais dont le rêve s’est brutalement envolé, parce que ce rêve n’a pas été approuvé par leur entourage qui les voyait dans un autre monde.

À toutes ces filles nigériennes qui se battent au quotidien pour surmonter tous les obstacles dont elles font face parce qu’elles sont justes des « filles »

Interview réalisée par Elh. Mahamadou Souleymane et Abdoul Aziz Moussa