Du 7 au 18 novembre 2016 le Maroc accueille à Marrakech la 22ème conférence mondiale sur le climat, appelée Conférence des Parties (CP) ou en anglais Conférence of Parties, (COP). Un rendez-vous qui doit être, selon les organisateurs, celui de l’action, après l’Accord de Paris sur les changements climatiques et les Objectifs de Développement Durable (ODD) de 2015. »Les perspectives de succès sont élevées, grâce à la forte implication de toutes les parties prenantes: tous les pays, grands et petits, de l’Est et de l’Ouest, du Nord et du Sud, y ont souscrit et sont pleinement engagés dans les négociations mondiales, comme le montrent l’adoption historique de l’Accord de Paris par 195 pays, et la soumission des contributions prévues déterminées au niveau national (INDC), selon le président de la COP22, le ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération du Royaume du Maroc, M. Salahedine Mezouar, et la secrétaire exécutive de la CNUCC, Mme Patricia Espinoza, qui affichent ainsi un optimisme mesuré dans un éditorial cosigné.
La presse du Continent n’est pas en reste dans cette mobilisation générale. À l’initiative du comité d’organisation de la COP22, ce sont 55 journalistes africains venus de 28 pays qui ont séjourné, du 2 au 11 septembre, au royaume chérifien en vue de mieux appréhender les enjeux liés au dérèglement climatique et à la conférence de Marrakech. Avec leurs plumes, les journalistes africains s’inscrivent ainsi dans cette lutte nécessairement commune contre le péril climatique.
Le voyage de la caravane de la presse africaine au Royaume chérifien fut des plus actifs, à l’image de ce que le comité veut faire de Marrakech, c’est-à-dire un rendez-vous de l’action. De Casablanca à Ouarzazate, en passant par Rabat et Marrakech, les journalistes n’ont pas eu de répit. Mais les enjeux recommandaient l’engagement, voire le sacrifice de tous. »Cet effort pour la lutte contre le changement climatique nous sera utile un jour », me dit Leonela Borges, la plus francophone des journalistes lusophones de la caravane, à l’étape de Marrakech. C’était à la fin d’une longue et harassante journée, alors que la caravane croulait sous la fatigue et le sommeil, après le »check in » à Atlas Medina. Qui mieux qu’elle, qui vient des îles du Cap Vert, peut mesurer l’ampleur du péril climatique. En effet, la veille, le président de la COP22, le ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération du Royaume du Maroc, M. Salahedine Mezouar, alertait que, si rien n’est fait, certaines zones insulaires pourraient disparaitre… Pour lui, cette situation interpelle tout le monde, et les journalistes africains ont également un rôle très important à jouer dans la mobilisation pour la lutte contre les changements climatiques.
C’est avec beaucoup d’enthousiasme que les journalistes africains ont effectué leur périple à travers le Maroc. »Check in-Check out », rencontres, débats, interviews, visite d’infrastructures, de sites touristiques, c’était littéralement un voyage de presse, au pas de course, mais où l’utile et l’agréable s’alternaient. Un voyage dans la bonne ambiance, au cours duquel des amitiés et des complicités se sont nouées.
Des échanges sur les contours et enjeux de la COP22
»Pas besoin d’être spécialiste pour reconnaitre la gravité de la situation en matière de conséquences des changements climatiques dus au réchauffement de la Planète. L’heure doit être à la mobilisation du Continent sur les questions climatiques. C’est un sérieux problème qui affecte l’Afrique qui est pourtant un Continent très peu pollueur », a introduit Mme Samira Sitail, chef du Pôle de Presse et de la Communication de la COP22, plantant ainsi le décor de la COP Academy à l’hôtel Goden Tulip de Rabat. Il faut juste être conscient que c’est une question qui mérite une mobilisation, à la mesure de la gravité de la situation, estime la Journaliste qui s’investit fortement pour la réussite de la mobilisation. Elle a pu ainsi obtenir pour la caravane de la presse africaine des rendez-vous rares, l’objectif étant de »donner l’opportunité aux médias africains d’être confrontés à toutes les informations y relatives pour un éveil devant les enjeux énormes qui y sont attachés », explique Samira Sitail. Les membres du gouvernement, les responsables du comité d’organisation de la COP22, les plus hauts responsables des services de sécurité, étaient donc tous à la disposition des journalistes africains, qui ne se sont pas fait prier pour poser des questions. Tous les sujets sur la COP22, même ceux qui étaient un peu »hors sujet », ont été abordés, et les réponses étaient à la mesure de la pertinence des questions. Tout ce monde n’a en vue qu’un seul objectif: le succès de la COP22, perçue à la fois comme un honneur et un défi pour l’Afrique. Les responsables de quatre des principaux pôles du comité d’organisation se sont succédé devant la presse africaine pour donner les détails des préparatifs de l’événement que Marrakech abritera du 7 au 18 novembre 2016, des enjeux des questions climatiques, et surtout sonner la mobilisation face à la situation.
Chef du Pôle Partenariat Public Privé, M. Said Mouline a axé son intervention sur les engagements du secteur privé dans la lutte contre les changements climatiques et les opportunités de l’Economie Verte. Expert dans le domaine, M. Said Mouline a souligné la nécessité, pour le secteur privé en général et celui africain en particulier, de s’engager dans cette voie à travers des investissements. C’est une voie triplement avantageuse, a-t-il expliqué, car cela va permettre la production d’énergie renouvelable avec la réduction de l’effet de serre, la création d’emplois, en somme le développement d’une Economie Verte. C’est un investissement aux impacts sociaux, environnementaux et économiques certains, a-t-il relevé. Le Maroc, a-t-il indiqué, est déjà engagé sur cette voie très prometteuse, et les importants investissements dans le domaine des énergies éolienne et solaire portent déjà leurs fruits. Une affirmation dont les journalistes africains découvriront l’effectivité dans la suite du voyage de presse à Ouarzazate, avec notamment le projet Noor de la plus grande centrale solaire au monde.
Ce sont les Etats qui conduisent les négociations, mais le secteur privé doit être de plus en plus impliqué dans la prise en charge des questions climatiques, car il s’agit d’une affaire de développement durable, qui concerne tout le monde.
Pour ce qui est de la COP 21, M. Saïd Mouline a souligné la nécessité de la ratification de ses accords par les Etats pour sa mise en œuvre. Une préoccupation qui faisait l’actualité au moment de l’intervention de M. Saïd Mouline, car les Etats-Unis et la Chine venaient de ratifier, le 4 septembre, l’accord de Paris.
Le chef du pôle »Side events », négociateur en chef pour le Ministère de l’Environnement du Maroc, M. Mohamed Benyahia, un habitué des COP, a relaté quant à lui les processus des conférences sur le climat, les tractations dans les négociations, les difficultés et les disfonctionnements relatifs à la mise en œuvre des accords. Mais un acquis demeure, a-t-il relevé: le lien climat et le développement fait désormais partie de la question majeure des agendas internationaux et nationaux. Chacun doit y contribuer en fonction de sa responsabilité et de sa capacité.
Pour le président du comité scientifique de la COP22, M. Nizar Baraka, l’atténuation et l’adaptation au changement climatique posent aussi la question du renforcement des capacités et des moyens financiers. Aussi, il a annoncé le lancement du guichet unique de la finance climatique à Marrakech en novembre prochain. Ce sera en synergie entre l’Afrique et l’Allemagne, et l’initiative »permettra à tout le monde de savoir quels sont les fonds qui existent, les critères d’éligibilité, les partenaires investisseurs », a-t-il précisé.
Cependant, a reconnu M. Nizar Barka, il y a des efforts à faire par rapport à la mise œuvre de l’accord de Paris. La mobilisation est plus que jamais nécessaire dans ce sens. À ce sujet, M. Nizar Baraka a évoqué un élément important pour la COP22 : la société civile sera non seulement à Marrakech, mais pour la première fois dans les négociations avec les gouvernements et les instances officielles. »Il est temps d’agir, et la COP22 s’inscrit dans cette logique qui vise à préserver l’intérêt des générations future », a lancé M. Nizar Baraka.
L’action, maitre mot pour la COP22
»Marrakech sera la COP de l’action », ne cesse de répéter le président de la COP22, le ministre des Affaires Etrangère et de la Coopération, du Royaume du Maroc, M. Salahedine Mezouar. Cette conférence, a-t-il relevé, vient après la conférence de Paris qui a été un grand moment marqué par la signature d’un des plus importants accords en matière de climat. Il s’agit, a-t-il expliqué, de s’entendre à Marrakech sur la feuille de route pour sa mise en œuvre, notamment en ce qui concerne le financement des projets climats, ses composantes, les 100 milliards attendus d’ici 2020, le renforcement de capacités, l’implication de la société civile.
Mais pour que cela soit, il faut au moins que 55 pays sur les 195 parties Etats et qui constituent 55% des émissions, ratifient le traité. Pour le moment, 28 pays seulement, représentant environ 40%, l’ont ratifié.
»Le travail ne fait que commencer et de nombreux défis restent à relever. Les engagements pris ne limiteront pas le réchauffement planétaire à 2°C. Les conséquences du réchauffement climatique seront terribles pour l’agriculture et l’approvisionnement en eau et menaceront les régions les plus vulnérables ainsi que leurs populations. Les gouvernements doivent relever leurs INDC et élaborer des plans concrets et réalistes pour soutenir leurs engagements », a lancé le président de la COP22.
Le 8 septembre, à l’ouverture des négociations informelles à Shikirat, le président de la COP22 l’a rappelé: il faut agir, car aucune partie du monde n’est épargnée par le péril climatique, a dit le ministre devant les participants venus du monde entier. Des avancées historiques à Paris ont été enregistrées, mais il faut intensifier les efforts pour que Marrakech soit »un tournant », une COP de l’action. A l’occasion, il a rappelé les cas très préoccupants des pays africains et insulaires qui paient au prix fort la pollution engendrée par d’autres. À cette occasion, la secrétaire exécutive de la CNUCC, Mme Patricia Espinoza, a axé aussi son intervention sur la nécessité de faire en sorte que l’espoir que suscite Paris soit concrétisé à Marrackech, qui doit être le succès de la planète.
Dans cette démarche, la contribution de la société civile est aussi attendue. La question de son implication dans la COP 22 également a été largement abordée lors de la rencontre avec le président du Conseil Marocain des Droits de l’Homme, chef de pôle de la société civile pour la COP22, M. Driss El Yazami. Toutefois, estime M. Driss El Yazami, les acteurs de la société civile africaine, désormais incontournables sur les questions de développement, doivent coordonner leurs efforts et agir en synergie.
L’autre point clé de Marrakech, c’est aussi la participation du secteur privé dans la mise en œuvre des projets climatiques dans leurs pays. Au niveau du Royaume chérifien, la présidente de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), Mme Miriem Bensalah Chaqroun, a confirmé l’engagement du secteur privé à participer à la mise en œuvre des projets climatiques et aussi à faire des affaires en prenant en compte les défis du changement climatique.
Plus que tout autre secteur, ceux de l’agriculture et de l’environnement sont les plus concernés par le changement climatique, et rappellent l’urgence d’un changement de comportement, et d’adaptation de mode de développement.
Telle que présentée par le ministre de l’Agriculture et de la Pêche Maritime, M. Aziz Akhannouch, l’expérience marocaine en matière d’agriculture d’adaptation en Afrique peut constituer une référence. Le Maroc investit beaucoup, environ 11 milliards de dirhams par an. Ce qui crée des centaines de milliers d’emplois, soit 32%. Le secteur de l’agriculture est l’un des plus importants sur le plan économique avec ses 8,7 millions d’ha cultivés, et ses 1,5 million d’exploitations. Aussi, ce secteur contribue pour 19,5% au PIB, assure 20% des exportations et une croissance de 7,7 % par an.
C’est pourquoi d’importants efforts sont déployés pour la mise en œuvre du Plan Maroc Vert, la reforestation, la récupération des terres, la gestion de l’eau. Ce dernier point a été aussi largement développé par le commissaire de la COP22, M. Abdeladim Lhafi avec qui il a été surtout question de la préservation des forêts et des cours d’eau. Le Maroc, a-t-il relevé, a beaucoup de succès en matière de restauration et de préservation des terres avec une stratégie locale, passant d’un solde négatif, à un solde positif. Des expériences riches en succès que le Maroc propose de partager avec d’autres pays à Marrakech, avec notamment les journées thématiques concernant les questions de l’agriculture, de l’environnement et de l’eau.
À en juger par l’engagement des différents acteurs, la COP22 promet d’être le rendez-vous du déclenchement des actions qu’impose la réalité du changement climatique.
Noor-Ouarzazate, la plus grande centrale solaire au monde
Impressionnant, le méga projet de Noor ! C’est le moins qu’on puisse dire après avoir visité le site du plus grand complexe solaire au monde d’une capacité initiale de 580 MW, s’étendant sur 3000 ha. Comme pour clôturer le programme en beauté, par le hasard d’un réaménagement de programme, la visite du site du projet Noor était le dernier acte du voyage de presse sur la COP22 des journalistes africains au Maroc. Une fois donc sur le site de Noor, à une dizaine de kilomètres de la ville de Ouarzazate, j’ai pu comprendre l’empressement de cet Officier de la Police des Frontières qui, quelques jours plus tôt, à l’aéroport de Casablanca, apprenant que je suis en voyage de presse dans le cadre de la COP22, s’empressait de me demander avec fierté si j’allais visiter Noor.
Ce complexe d’infrastructure solaire dont les travaux avaient démarré 2011 est déjà fonctionnel, nous expliquera l’ingénieur d’exploitation Abdurazack Amarani. Il est constitué de 4 centrales solaires multi-technologiques, CSP cylindro-parabolique, CSP tour, et photovoltaïque, d’une capacité de 580MW, développées dans le respect des standards internationaux, tant au niveau technologique qu’environnemental. Ces centrales sont également associées à une plate-forme de recherche et développement qui s’étend sur plus de 150 ha. Le complexe comporte toutes les infrastructures nécessaires développées par Morocco Agency For Solar Energy (Masen) et l’Office National de l’Electricité et de l’Eau potable (ONEE).
La lutte contre le changement climatique impose un autre changement, qui consiste à adapter les modèles de développement à la situation. À ce sujet, le Maroc fait figure d’avant-gardiste en se dotant du plus grand complexe solaire au monde d’une capacité de 580 MW. Avec cette prouesse, le Maroc a considérablement rehaussé son ambition en énergies renouvelables. En fait, le royaume du Maroc ne compte pas s’arrêter là, car il a rehaussé aussi son ambition en énergies renouvelables, la portant à 52% du mix énergétique d’ici 2030. Avec le développement des centrales solaires de 2000 MW d’ici 2020, le plan solaire Noor devrait générer des investissements de 9 milliards de dollars, et permettre une économie annuelle des émissions de gaz à effet de serre de l’équivalent de 3,7 millions de tonnes de CO2 à cet horizon. L’Afrique, à travers le Maroc, prend ainsi de l’avance sur le monde en matière de lutte contre le changement climatique.
Le projet Noor, dont l’extension est loin d’être terminée, constitue assurément un motif de fierté pour le Maroc. Et de nombreux sites sont en cours de qualification, grâce à l’Atlas Solaire développé par Masen, en vue de la réalisation des grandes ambitions du Royaume dans le domaine. D’ores et déjà, le Maroc a l’un des prix les plus compétitifs du kilowattheure, mais aussi le meilleur taux en matière de couverture en électrification rurale. Le Maroc ne cesse de se positionner en matière de lutte contre le changement climatique. En effet, la ville de Marrakech, qui accueille la COP 22 du 7 au 18 novembre prochain, multiplie les projets liés au développement durable. Outre les bus électriques qui seront expérimentés quelques jours avant la COP, la ville prévoit également de réduire de 60% sa facture liée à l’éclairage public, soit l’équivalent de 50 MDH d’économies, grâce à la mise en place d’un contrôle du suivi de la consommation de façon instantanée et permanente. L’éclairage public est un enjeu majeur pour les collectivités locales d’aujourd’hui. Il faut dire que la facture est lourde pour celles-ci, et que l’émergence de nouvelles technologies permet aujourd’hui d’en réduire le coût. Autant d’initiatives qui méritent de faire école, en Afrique et dans le monde.
Par Souley Moutari, envoyé spécial au Maroc
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