Fait divers : les assassins du fonctionnaire onusien aux arrêts

Lorsque Chérif aperçut Myriam pour la première fois, il fut complètement ébloui, dans sa chair et dans son âme. Il était au volant de sa voiture, elle, debout au bord de la route. Il freina brusquement et si fort qu’il faillit provoquer un carambolage. Et pour cause. C’était un après-midi, aux environs de 17 h 30, donc une heure de pointe. La descente, pour parler comme les fonctionnaires. Chacun se presse pour regagner son domicile et sa famille après une journée de labeur. Il ne prêta aucune attention à la vingtaine d’automobilistes et cyclomotoristes que
son arrêt brutal venait d’immobiliser, ni aux grossiers et obscènes jurons que ces  derniers lui adressaient. Même, il se permit de faire marche arrière, les yeux braqués sur son rétroviseur, donc sur Myriam. Arrivé à sa hauteur, il baissa la vitre. « Bonsoir Mademoiselle, vous allez bien ? Vous allez où ? Je peux vous déposer ? », lance-t-il, avec un sourire radieux. Myriam regarde à gauche, puis à droite. Elle regarde l’homme, puis le véhicule. «Ne soyez pas timide, voyons. Vous allez de quelle côté ? », répète-t-il en ouvrant la portière. Myriam hésite un moment, regarde à gauche et à droite. Chérif, tout souriant la dévorait des yeux. Elle avance d’un pas lent et hésitant et monte dans le véhicule. « Vous voilà enfin décidée, vous allez de quel côté ? », lui dit chérif. « Je vais à Harobanda , je ne voudrais pas vous déranger. J’attendais quelqu’un qui doit me déposer en fait, mais comme il ne
venait pas, j’ai décidé de prendre un taxi. Je ne veux vraiment pas vous déranger, répond Myriam. « Quelle coïncidence c’est ma route, puisque j’habite à Harobanda », rétorque Chérif. Il démarre le véhicule, met la climatisation à fond, baisse le volume de l’autoradio qui distillait une musique très douce. Chemin faisant, ils font connaissance. Elle aussi habite à Harobanda. Elle a 21 ans. Elle est « ex-élève ». Elle a fait des stages un peu partout, mais n’arrive toujours pas à trouver un boulot fixe, donc elle attend. Lui, est un haut cadre dans un organisme du système des Nations Unies. Arrivés au Rond Point Harobanda, elle lui dit. « C’est bon, je descends ici ».
Elle ouvre la portière pour redescendre, mais il la retient par la main et dit. « Attends, ne pars pas comme ça. On échange au moins les numéros. C’est bon, je t’appelle ce soir même et on se retrouve ici, d’accord ? ». Elle décoche un sourire, qui éblouit davantage Chérif. Il la regarde s’éloigner, puis démarre, les yeux toujours et encore sur le rétroviseur. Il continuait à la lorgner jusqu’à ce qu’elle disparaisse dans la multitude d’hommes, femmes et enfants qui bordaient le chemin qu’elle venait d’emprunter. Le soir, comme convenu, Chérif composa

le numéro de Myriam. Ils se donnent rendez-vous à la devanture de la station d’essence située au rond point. Chérif était le premier à se pointer ; il avait hâte de revoir Myriam. Quinze minutes après, voilà Myriam qui s’amène. Elle avait changé d’habits et de coiffure. Elle était plus décontractée. Elle lui parut plus belle. « J’ai failli ne pas te reconnaître, tu sais. Tu es encore plus belle que quand je t’avais vue cet après-midi », dit-il. Elle ne

dit rien ; se contentant de sourire. Il l’invite dans un coin plutôt calme, où ils dînent et font davantage connaissance. Il la trouvait de plus belle et attrayante ; elle le trouvait gai, amusant et attirant. Après,
il la dépose au même endroit et rentre chez lui. C’est le début d’une idylle, un conte de fée, qui malheureusement va bientôt virer au drame…pour Chérif. Chérif est un homme fabriqué avec de la bonne argile, comme le dit un adage africain.
Après de brillantes études secondaires et supérieures au Niger, il partit dans un pays de la sous région pour des études doctorales. Une fois au pays, il ne trouve aucun mal à trouver du travail. D’abord dans le secteur privé, ensuite dans cet organisme du système des Nations Unies. Il est décrit comme un homme courtois, sympathique et généreux. Il travaillait beaucoup et était un bon père de famille. Personne, ni dans son service, ni dans son voisinage ne lui connaît d’histoires. Ce qui n’est pas le cas de Myriam. Elle a fréquenté l’école pri-
maire de son quartier, jusqu’en classe de CM2. Deux fois elle se présenta à l’examen de l’entrée en 6ème, deux fois elle échoua. Dans son quartier, comme dans beaucoup d’autres à Niamey, il y’avait des jeunes filles et des dames qui n’avaient d’autre activité que la débauche ; des « Gabdi », comme on dit. Toute la journée, elles sont assises au pied d’un arbre, racontant chacune la soirée qu’elle a passé avec tel homme, où elles sont allées, comment elles ont passé la soirée, ce qu’elles ont ramené comme moisson. Leur « Fada » était à quelques mètres de chez Myriam. Une de ces dames était habitait dans la même concession que Myriam. De temps en temps, elle envoyait la fillette lui acheter du « Kopto », ou lui faire du « Chap Chap ». Puis elle commence à « trimballer » Myriam dans ses vadrouilles. Jusqu’au jour où, à 14 ans, elle connut son premier homme. Un homme qui avait l’âge de son grand père. En un laps de temps, Myriam, malgré son jeune âge, devient membre à part entière
du groupe. Elle découchait. Son père, un homme pieux et respectable, la ligotait, l’attachait à un pied d’arbre et la battait jusqu’au sang. Rien n’y fit. La nuit venue, elle disparait pour ne réapparaître qu’au petit matin. « Myriam, fais attention ; ressaisis-toi. Ton père peut te maudire, et alors tu es foutue, tu deviendras une traînée, irrécupérable ». Rien n’fit. Dans son quartier, il y’avait un homme surnommé « Diablo », le diable. Un brigand redoutable, connu par les services de la police ; un criminel, un récidiviste notoire ; un caïd qui ne reculait devant rien. Un homme possessif et violent. Un jour, une de ses gabdi lui présente Myriam, qui devint sa compagne.
Ils ne se quittent plus. Diablo habitait dans un taudis, une « entrée-coucher » en banco situé dans un bas-fond. Myriam passait ses nuits avec Diablo. Elle devint sa concubine. Il allait jusqu’à menacer de mort tout homme qui s’approchait de Myriam ou qui lui ferait les yeux. Myriam buvait de l’alcool et consommait la drogue, comme Diablo et sa bande.  A 18 ans, Myriam est une femme qui a tout vu et connu. Elle connaît tous les réseaux mafieux, de prostitution et d’entremetteurs. C’est justement une intermédiaire, une vieille dame, qui un jour l’appela et la mit en contact avec un homme « riche ». C’est un El hadj ; il est du Nigéria ; avec lui tu te feras beaucoup d’argent », lui dit la vieille mégère. Myriam commence à fréquenter l’homme, qui l’amène au Nigéria, la « maria » et l’abandonna au bout de cinq mois. Myriam, au lieu de rentrer au pays, fréquenta les milieux de prostitution. Elle connut Lagos, Abuja, Kaduna, Jos, Illé Ifé…Elle avait pour surnom, « la Nigérienne ». Elle venait au Niger, vivait deux ou trois mois, puis repartait au Nigéria. Sa profession ? Le commerce du sexe ; chérif, naturellement ignorait tout de cette vie de Myriam. Il tomba fou amoureux d’elle. Un vrai coup de foudre.
Un jour il lui dit : « Myriam, je me moques de tes origines, je t’aime et je veux t’épouser. Je veux que tu deviennes
ma femme. Je suis déjà marié, mais tu seras ma seconde épouse ». Chérif était au sérieux. Il amena Myriam visiter ses maisons en location, ses chantiers, son jardin…Le soir, lorsqu’il amenait Myriam dans un restaurant, la promenait et la déposait chez elle, elle partait rejoindre Diablo chez qui elle passait la nuit. Un matin, Chérif, de son bureau, appelle Myriam. « Je veux te voir ce soir, à 19h30 à la station », dit-il. Habituellement, ils se
voyaient vers 22H-22h30. C’était pour annoncer à Myriam la dot qu’il va amener dès le Week-end. Il lui a parlé du montant et des objets d’autres valeurs qui allaient accompagner la dot. Myriam, en vraie « Adani », informa Diablo du rendez-vous. Après une courte promenade, Chérif gara sa voiture non loin de chez Myriam, derrière un hôtel resautant. C’est leur lieu de prédilection, Chérif détestant les hôtels et autres « maisons de passe ». Comme d’habitude, il condamne les portières, met la climatisation à fond ; il ne s’est rendu compte que Myriam avait pris le soin de baisser légèrement la vitre de la portière où elle était assise. A peine, ont-ils commencé à roucouler, que
deux hommes surgissent du noir.
L’un d’eux plonge sa main dans la voiture,côté Myriam, ouvre la portière, éjecta Myriam et, sans sommation, commence à assainer des coups de couteaux à Chérif. « Que voulez-vous ? De l’argent ? Je vais vous en donner, mais de grâce laissez-moi en vie. Je vous donnerai tout ce que vous voulez, mais laissez-moi en vie.. », criait-il. Mais l’homme Diablo était déchainé. Il enfonça le couteau plusieurs fois dans la poitrine, le cœur, le ventre de Chérif. Après son forfait, il demande à son complice, un certain « Duro », le dur de lui donner de l’eau. Ils avaient pris le soin d’acheter de l’eau « pure Water » en cours de route. Il se lave les mains, vide les poches de Chérif et les coffres du véhicule et disparaît dans la nature avec son ami et complice. Myriam, entre temps courut chez elle alerter ses parents, plus précisément sa tante, chez qui elle vivait depuis quelques années. « Des bandits viennent d’agresser Chérif. Ils l’ont poignardé à mort, au secours ». Alertée, la PJ arrive aussitôt sur les lieux. Après une rapide enquête de voisinage, elle embarque Myriam, qui est soumise à un interrogatoire corsé. « J’ai cru reconnaître les voix de mon copain Diablo, et de son ami Duro. Diablo a toujours menacé de tuer quiconque osera poser la main sur moi », lâche-elle. Duro est vendeur de poulet rôti et habite le même taudis que Diablo. Le lendemain, la PJ fit une descente chez eux, mais aucune trace, ni de Diablo, ni de Duro. Diablo est un homme bien connu des services de police, il est fiché, comme on dit. Dans sa quête, la PJ se rend jusque dans le village de Duro, où elle apprend qu’il a voyagé sur le Nigéria. Paniqués, ses parents appellent aussitôt leur fils ainé, un riche commerçant chez qui Duro est allé. Histoire de semer la police et faire oublier. « Le vieux vient de m’appeler ; la police est partie chez nous au village et c’est toi qu’elle cherchait. Qu’est-ce qui s’est passé ? As-tu volé ; commis un crime ? ». Duro baisse la tête, des larmes coulent de ses yeux. « C’es mon ami Diablo qui m’a entraîné. Je ne connais même cet homme, je ne l’ai jamais vu de ma vie »,avoue-t-il. »Donc tu as tué. Tu as été capable de tuer, d’ôter la vie à un être humain, ton semblable… », rétorque El hadj. Prépare tes affaires, je te ramène au pays ce jour même. Ce qu’il fit. Le même jour, comme par miracle, la brigade d’investigation et de recherche de la police judiciaire reçoit un coup de fil d’un de ses informateurs. Diablo serait aperçu dans une cave, buvant de l’alcool.
Mais, on se rend pas à Diablo les bras balants. La PJ le sait très bien. Aussi, prend-elle le soin de bien se préparer. Elle fit une descente dans la dite cave, où elle surprend Diablo, les yeux rougis par l’alcool et le manque. Elle lui passe les menottes et le conduit dans son taudis. Et là…surprise. La PJ trouve l’arme du crime. Le couteau et les habits que portait Diablo la nuit du crime, tous tachetés de sang, sous un matelas de fortune couché à même le sol. Diablo n’a même pas pris le soin de les laver ou nettoyer. Après son crime, la PJ apprend que Diablo s’est rendu au Burkina Faso voisin, où un de ses marabouts lui aurait conseillé de rester sur place pendant vingt jours et qu’au
bout de ces vingt jours il pouvait rentrer au Niger en toute tranquillité. « Rien ne t’arriveras après ces vingt jours, tu as ma parole ». Diablo est rentré au bercail vingt jours après. Le Vingt unième jour, il est cueilli par la PJ comme un lapin. Diablo, Duro et Myriam sont gardés en prison en attendant leur jugement. Les voies du seigneur sont insondables.  Celles de la PJ aussi.
Gorel Harouna (Le Républicain No 2086)