Monsieur le président, la société civile nigérienne envisage d’organiser une marche suivie de meeting le samedi 9 juillet 2016 en guise de soutien aux populations de la région de Diffa ainsi que les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) dans la dure épreuve que leur impose la secte terroriste Boko Haram. D’où vous est venue cette initiative?
C’est pour toutes ces raisons que nous prétendons être les porte-paroles des populations vis-à-vis des pouvoirs publics et c’est cela notre légitimité. Nous partageons les angoisses et les espoirs des populations en détresse. De ce fait, le devoir de conscience nous impose d’alerter l’opinion nationale et internationale sur la gravité de la situation dans la région de Diffa. C’est pourquoi, samedi 9 juillet prochain la société civile organise sur toute l’étendue du territoire une marche suivie de meeting en solidarité avec les populations de Diffa et les FDS.
Pour nous, il s’agira de dénoncer les conséquences des attaques tragiques de la nébuleuse Boko Haram. Cette guerre asymétrique, avec son lot de mort d’hommes, de destruction de matériels et d’enlèvements de personnes et de biens, sans oublier les déplacés internes estimés à plusieurs milliers de personnes avec des besoins urgents, dont des abris, de l’eau, de la nourriture, et des soins médicaux. Devant un tel drame humanitaire, la société civile nigérienne n’entend pas dormir sur ses lauriers et c’est pourquoi elle projette l’organisation d’un grand meeting à Niamey pour tirer la sonnette d’alarme sur ce drame qui endeuille le peuple nigérien. Cette mobilisation qui doit être la plus inclusive possible de toutes les forces vives de la nation, appelle au devoir impérieux de la vigilance citoyenne.
Aujourd’hui, la situation humanitaire se dégrade et nécessite la mise en place rapide de stocks d’urgence en eau potable et en nourriture dont le manque pourrait virer à la catastrophe si la réaction du Gouvernement, des citoyens et de la communauté internationale se fait encore attendre. Dans ce contexte, comment peut-il être autrement pour la société civile nigérienne que d’envisager de soutenir ses frères meurtris de Diffa et les FDS. Aucune conscience douée de raison et d’humanité ne doit rester indifférente face à ce drame qui se joue dans cette partie Est de notre pays dont la défense nous incombe individuellement et collectivement. Les activités économiques et agricoles sont depuis au ralenti, quand elles ne sont pas complètement arrêtées, ce qui plonge les populations dans l’angoisse et la peur permanente. Voilà quelques raisons qui nous ont guidées à prendre cette décision historique.
Quelle signification revêt pour vous un tel soutien des Nigériens aux populations de la région de Diffa et des FDS ?
La vocation essentielle de notre action vise à créer un espace d’expression de notre solidarité, de notre compassion et de notre soutien indéfectible aux populations de Diffa et aux FDS. L’objectif est d’inviter tout le monde, chacun du mieux qu’il peut, à accompagner les populations meurtries de la région de Diffa et nos vaillantes Forces de Défense et de Sécurité. Un autre point très important à mentionner est que nous voulons lancer un appel urgent au ministre chargé de l’Action Sociale à s’investir davantage pour une prise en charge efficace et efficiente de la situation humanitaire dans la région de Diffa.
A ce titre, nous comptons demander au Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour mettre les FDS dans les meilleures conditions d’assurer leur mission, mais aussi de soutenir efficacement les familles de toutes les victimes. Cette occasion sera mise à profit pour inviter la communauté internationale et les amis du Niger à ne pas trainer les pieds dans l’accroissement de l’aide pour soutenir la réponse humanitaire à Diffa. En ces temps de souffrance, nous voulons également saisir cette opportunité pour encourager les FDS à mieux maitriser le théâtre des opérations. Tous ensemble ce jour-là, nous inviterons le Gouvernement à mieux communiquer pour être dans les meilleures conditions de rassurer les gens face à la psychose généralisée au sein des populations déplacées.
En outre, le moment est crucial pour lancer, au nom de la société civile nigérienne, un vibrant appel à toutes les bonnes volontés nationales et à la communauté internationale pour un accroissement rapide de l’aide humanitaire qui, comme on le sait, permet de sauver des vies et de contribuer à améliorer la vie de ceux qui sont plongés dans une situation désespérée, en particulier les femmes et les enfants, vivant pour certains dans des endroits où il n’y a ni assez d’eau et de nourriture, ni soins de santé et école. En même temps, nous voulons créer un espace citoyen pour déplorer et condamner les tragiques attaques dont ont été victimes les FDS et les populations de Diffa, et demander au peuple nigérien de se mobiliser davantage pour leur exprimer son soutien indéfectible et sa solidarité fraternelle. Cela vient à point nommé pour appuyer les efforts de paix du Gouvernement.
Au-delà de la marche, comment les Nigériens peuvent-ils matérialiser leur soutien à leurs frères de Diffa et aux FDS ?
Les populations de Diffa vivent la pire des menaces terroristes à laquelle est confronté notre pays, en même temps l’opinion nationale est traversée par des idées néfastes à la paix et à la cohésion sociale distillées, le plus souvent, sous la forme de rumeurs. Or, sans la stabilité et la paix, il serait utopique de penser qu’on puisse entreprendre une activité économique ou le développement d’un pays.
Aujourd’hui, bien des familles continuent de vivre en plein air dans la région de Diffa, certaines sous des arbres, sans un accès adéquat au minimum pour assurer leur survie. C’est important de ne pas l’oublier, les pluies ont commencé à tomber et les enfants et leurs mères sont exposées au risque de maladies. Consciente de la fragilité de cette situation, la société civile a voulu faire en sorte que tous les citoyens expriment leur solidarité, aussi minime soit-elle, pour aider les populations de Diffa et les FDS.
Il s’agit là d’un signal patriotique et de fraternité qui vise à rappeler l’indispensable cohésion sociale dans de telles conditions. Il faut donc, au nom de la paix et au nom de l’unité de ce pays, accepter de nous unir tous contre Boko Haram. Peut-être que cela interpellera tous ceux qui ont la charge de créer, favoriser ou entretenir l’unité nationale et la cohésion sociale, de s’y impliquer véritablement pour que cela soit une réalité même en temps de paix et de quiétude sociale. Il y a donc beaucoup à faire, mais nous avons aussi de très bons atouts. A ce titre, nous n’allons pas nous laisser intimider.
Monsieur le président, le Niger évolue dans un contexte sécuritaire difficile. Quel peut être l’apport de la société civile dans le maintien de la paix et de la sécurité dans notre pays ?
En l’état actuel de la crise, je persiste à croire que nous avons des citoyens à tous les niveaux qui ne semblent pas prendre la mesure de la gravité de la situation dans laquelle le pays se trouve. C’est pourquoi nous avons maintes fois dit qu’il était indispensable que les Nigériens conjuguent leurs efforts comme un seul homme pour sortir le pays de la dite situation. Oui, mais l’espoir est permis. Toutefois, dans un pays, le maintien de la paix et de la sécurité nécessite une vigilance accrue de tous les citoyens.
On ne peut pas réussir la paix sans l’implication effective de toutes les forces vives de la Nation, sans une appropriation nationale de la question. Pour nous, il y a nécessité à traiter les causes et les conséquences de cette guerre qui exige des actions conjointes en collaboration avec les voisins et la société civile, afin de lutter contre les inégalités et la pauvreté dans la région de Diffa. Nous sommes un pays de croyants, où la compassion, la solidarité vis-à-vis de ceux qui souffrent sont des valeurs cardinales. De ce fait, il faut confier certaines tâches à des acteurs de la société civile plus proche des populations. Il faut repenser la stratégie de mise en œuvre d’un processus d’établissement de la confiance en laissant cette tâche à la société civile associée à la chefferie traditionnelle et aux religieux.
En tout état de cause, l’heure n’est plus à la tergiversation et à l’attentisme, nous devons répondre avec fermeté et vigueur à la brutalité et à la barbarie qui caractérisent les insurgés de la secte Boko Haram. Nous organiserons des prières afin de montrer à la secte Boko Haram que l’Islam est une religion de paix, de cohésion et de miséricorde. Pour ce faire, nous réitérons une fois de plus notre appel à tous et à toutes, sans exclusif, pour faire de la marche citoyenne du samedi 9 juillet, la marche du Niger contre toute forme de violence.
Réalisée par Oumarou Moussa (Lesahel.org)