« La HALCIA n’a ni les pouvoirs d’officier de police judiciaire, ni de juge d’instruction, ni de procureur. », déclare Salissou Oubandoma vice-président de la HALCIA
Salissou Oubandoma est vice-président de la HALCIA. Dans cet entretien, il rappelle les missions de cette structure de lutte contre la corruption et infractions assimilées, le rapport de la HALCIA avec la présidence de la République, la ligne verte et la justice.
Niger Inter : Quelles sont les missions de la HALCIA ?
Salissou Oubandoma : La HALCIA a été créée par le Décret N° 2011-219 PRN/MJ le 26 Juillet 2011. Selon le décret, la HALCIA est une Autorité administrative permanente rattachée à la Présidence de la République (Art. 2). Elle a pour mission (Art. 3) de:
– suivre et évaluer le programme gouvernemental de lutte contre la corruption ;
– recueillir, centraliser et exploiter les dénonciations et infractions dont elle est saisie pour des pratiques, faits ou actes de corruptions et infractions assimilées ;
– mener toutes études ou investigations et proposer toutes mesures juridiques, administratives et pratiques de nature à prévenir ou juguler la corruption ;
– diffuser et vulgariser les textes relatifs à la lutte contre la corruption ;
– identifier les causes de la corruption et proposer aux autorités compétentes des mesures susceptibles de les éliminer dans tous les services publics et parapublics ;
– accomplir toute autre mission confiée par le Président de la République.
En d’autres termes, le mandat de la HALCIA couvre aussi bien la prévention, que la détection. De ce fait, la HALCIA répond à l’obligation internationale sous les articles 6 et 36 de la Convention d’établir une institution anti-corruption pour prévenir et lutter contre la corruption.
Niger Inter: Comment saisir la HALCIA en cas de corruption ou infractions assimilées ?
Salissou Oubandoma : Conformément au décret la régissant, la HALCIA est chargée de recueillir, centraliser et exploiter les dénonciations et infractions dont elle est saisie pour des pratiques, faits ou actes de corruptions et infractions assimilées. De ce fait il n’y a aucun formalisme particulier pour saisir la HALCIA. Elle est saisie par simple plainte ou dénonciation.
La procédure de saisine est donc simple et accessible à tous. Pour les résidents de Niamey par exemple, il suffit de rédiger sa dénonciation et la déposer par tout moyen à notre réception au siège de la HALCIA, 1er virage à droite sur la route Maurice Delens en quittant le siège d’Orange Niger (situé sur le boulevard Mali Béro). Quant aux non-résidents, ils peuvent faire parvenir leur dénonciation par courrier envoyé à la HALCIA à son adresse suivante : HALCIA NIGER Rue Maurice Delens BP 550 Niamey.
Niger Inter : Qui a qualité de saisir la HALCIA ?
Salissou Oubandoma : N’importe quel citoyen peut s’il le désire dénoncer ou porter plainte pourvu qu’il ait une raison justifiée pour le faire.
Niger Inter : Quels rapports y a-t-il entre la HALCIA, la ligne verte et la justice ?
Salissou Oubandoma : Il y a entre ces trois instances des rapports de collaboration dans le cadre de la lutte contre la corruption. Comme vous le savez la ligne verte, plus précisément le Bureau Information Réclamations et lutte contre la corruption et le trafic d’influence en milieu judiciaire, intervient dans le secteur judiciaire. Lorsqu’elle reçoit des plaintes concernant les autres secteurs autres que la justice, la ligne verte nous les transmet pour enquête.
La justice étant jusqu’à preuve de contraire le dernier rempart, elle reçoit nos rapports. Le président de la HALCIA transmet la procédure et l’ensemble des pièces qui l’accompagnent au Procureur de la République de la juridiction compétente, à qui appartient l’opportunité de l’ouverture d’une information judiciaire.
Niger Inter : Quelle nuance peut-on faire entre la HALCIA et l’inspection d’Etat ?
Salissou Oubandoma : Toutes ces deux structures sont des organes de contrôles ; la seule nuance que l’on peut observer réside dans le mode de saisine ; pendant que l’inspection d’Etat est saisie exclusivement par le Président de la République, la HALCIA quant à elle reçoit, en plus les plaintes et dénonciations des citoyens. C’est donc une institution au service constant des citoyens.
Niger Inter : Y a-t-il une entrave actuellement au travail de la HALCIA ?
Salissou Oubandoma : Actuellement, l’obstacle majeur qui entrave le bon fonctionnement de la HALCIA réside dans sa précarité. Elle est en effet créée par un décret contrairement aux prescriptions pertinentes de la convention des Nations Unies qui en exigent un texte de portée supérieure notamment une loi. Aussi, en analysant le décret mettant en place la HALCIA et les pratiques actuelles établies par l’institution, on constate que l’institution ne bénéficie pas d’une indépendance nécessaire à l’accomplissement de son mandat. A l’analyse du décret portant création de la HALCIA, l’on remarque qu’il est conformé seulement à 4 Principes de Jakarta sur les 16 qui sont universellement requis en matière de statut d’institutions de lutte contre la corruption. La HALCIA a des manquements sérieux par rapport aux 12 autres. Généralement, un seul manquement (par rapport à un seul principe) peut créer des problèmes significatifs en matière de l’efficacité d’une institution, à fortiori plusieurs manquements. On note alors que la HALCIA se conforme relativement bien aux quatre principes suivants: un mandat clair, une collaboration avec d’autres institutions, une continuité du fonctionnement et une immunité. Toutefois, la HALCIA ne dispose d’aucun pouvoir pour contraindre des départements gouvernementaux à adopter ses recommandations (contrairement à d’autres institutions de lutte contre la corruption à travers le monde). La HALCIA dépend donc de la bonne volonté de l’administration publique pour la mise en œuvre de ses recommandations en matière de prévention de la corruption. En ce qui concerne la détection, la HALCIA manque des pouvoirs nécessaires pour mener ses propres enquêtes. La HALCIA n’a ni les pouvoirs d’officier de police judiciaire, ni de juge d’instruction, ni de procureur. De ce fait, elle ne peut pas décerner un mandat d’arrêt, elle ne peut pas geler des comptes en banque, elle ne peut pas utiliser des techniques d’investigation spéciales comme prévues par la Convention des Nations Unies contre la Corruption (par exemple, des écoutes téléphoniques), et elle ne peut pas engager la poursuite en saisissant la juridiction compétente. En matière de la répression de la corruption, la HALCIA ne dispose pas d’un pouvoir de poursuite des dossiers en justice et ne peut pas saisir directement le parquet. Pour la poursuite, elle dépend entièrement de la bonne volonté du pouvoir exécutif, d’abord, la Présidence et, ensuite, le parquet, autorité dépendante du Ministère de la Justice.
C’est pourquoi à notre humble avis pour donner plus de chance à la lutte contre la corruption, il est impérieux de légiférer pour conférer plus de prérogatives à la HALCIA en matière d’investigation notamment.
Rappelons que sur instruction du Président de la République, un projet de loi a été depuis longtemps initié par la HALCIA avec l’appui de l’ONUDC et qui respecte globalement les principes de Jakarta. Ce projet a fait l’objet d’un large partage avec les acteurs judiciaires, ceux de la société civile ainsi que le réseau parlementaire de lutte contre la corruption. Il suffit simplement pour le Gouvernement de l’examiner en Conseil de Ministres et l’envoyer à l’Assemblée Nationale pour adoption. Le moment nous parait maintenant propice. L’Assemblée est en session de lois, le Président a réaffirmé sa volonté d’imprimer une nouvelle dynamique au combat contre la corruption, dans son discours d’investiture et à l’occasion de la dernière audience accordée au Président de la HALCIA et au Secrétaire Général de Transparency International, section Niger.
Propos recueillis par Elh. Mahamadou Souleymane