Qui est Ibrahim Yacouba, l’exclu du PNDS devenu ministre des Affaires étrangères ?

Candidat au premier tour de la présidentielle du 21 février, rallié à Mahamadou Issoufou pour le second, Ibrahim Yacouba a été nommé lundi ministre des Affaires étrangères du Niger. Retour sur le parcours d’un jeune loup de la politique nigérienne qui plaît moyennement aux barons mais qui a l’oreille du président.

Il y a six mois, Ibrahim Yacouba était exclu du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir). Il se lançait alors, à la tête d’un nouveau parti, dans la course à la présidentielle face à Mahamadou Issoufou, qu’il accusait alors de vouloir truquer le scrutin et confisquer le pouvoir.

Arrivé cinquième au premier tour, il se ralliera cependant au président sortant. Bonne pioche : il vient d’être nommé à 44 ans, ministre des Affaires étrangères du nouveau gouvernement de Brigi Rafini, Premier ministre reconduit à son poste.

Un produit de l’administration 

Originaire de Maradi, Ibrahim Yacouba est avant tout un produit de l’administration. Fonctionnaire des douanes, successivement affecté dans les régions de Niamey, Maradi, Agadez, Diffa et Tillabéri, il a été formé à l’École nationale d’administration (ENA) à partir de 1988 puis en 2002. En 2006, il intègre le Centre de formation douanière de Casablanca, au Maroc, où il obtient le diplôme d’inspecteur principal des douanes.

L’homme n’est toutefois pas très éloigné de la politique. Secrétaire général du Syndicat national des agents des douanes à partir de 2003, secrétaire à l’information de la Coordination démocratique des travailleurs nigériens (CDTN) de 2003 à 2006, coordonnateur du Réseau national dette et développement (RNDD) de 2004 à 2010, coorganisateur du Mouvement contre la guerre en Irak… Il a multiplié les engagements.

Engagé en politique

Engagé le secteur syndical et la société civile, Ibrahim Yacouba est nommé en 2010 rapporteur général du Conseil consultatif national, instance législative qui a accompagné le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) de Salou Djibo dans la conduite de la transition, après le renversement de Mamadou Tandja. Il y seconde alors Marou Amadou, président du Conseil consultatif et aujourd’hui ministre de la Justice.

Fort de cette expérience et ses réseaux, il entre au gouvernement en avril 2012, alors que Mahamadou Issoufou le nomme ministre des Transports. Au Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir), il fait alors figure de quadragénaire ambitieux. Le chef de l’État le prend même sous son aile à la faveur d’un remaniement, en septembre 2013, et en fait son directeur de cabinet adjoint. Ibrahim Yacouba a alors l’oreille du président, dont il coordonne notamment la communication.

Celui qui a fait peur aux barons ?

Considéré comme l’une des figures montante du PNDS, Ibrahim Yacouba va cependant se heurter aux barons du parti. À Maradi d’abord, où il se heurte à Kalla Hankourao, puis à Dosso. Problème : Gabo Foumakoye, député de la circonscription depuis 1993, président de la fédération de Dosso et ministre de l’Énergie et du Pétrole, ne voit pas cette ambition d’un bon œil. Il finit par obtenir sa tête auprès des instances du parti présidentiel dirigé par Mohamed Bazoum.

Il pouvait remettre en cause la cohésion au sein du parti.

« Il avait créé une sorte de clan à Dosso et cela pouvait remettre en cause la cohésion au sein du parti », explique un cadre du PNDS. Jugé trop impulsif, pas assez discipliné, Ibrahim Yacouba est exclu du parti présidentiel par son comité exécutif national le 23 août 2015. Quelques jours plus tard, il démissionne de son poste de directeur de cabinet adjoint à la présidence. Son ascension semble alors stoppée, momentanément.

Opposant ou proche d’Issoufou ?

Écarté du PNDS, Ibrahim Yacouba fonde, début novembre 2015, le MPN-Kiishin Kassa, un parti résolument tourné vers la jeunesse, avec en point de mire la présidentielle de février 2016. Moyen de monnayer sa place dans le futur gouvernement ou véritable désir d’indépendance ? Les avis divergent dans le landerneau politique.

En cinquième position au soir du premier tour, le quadra, père de quatre enfants, a été courtisé par les deux camps en vue du second tour. L’opposition, avec qui il a discuté, espère même lui faire rejoindre la Coalition pour l’alternance 2016 (Copa 2016), en misant sur ses désaccords avec les cadres du PNDS.

Il a toujours gardé une bonne relation avec le président, malgré son exclusion.

Est-ce sa loyauté envers Mahamadou Issoufou qui le pousse à refuser ou son envie de faire partie du futur gouvernement ? « Il a toujours gardé une bonne relation avec le président, malgré son exclusion du PNDS », confie un proche, qui penche pour la seconde raison. Et de décrire Ibrahim Yacouba comme « sérieux, fidèle et loyal ».

Prêt pour la présidentielle 2021 ?

Les ambitions d’Ibrahim Yacouba dépassent-elles Mahamadou Issoufou ? Le quadragénaire a en tout cas de sérieux atouts dans sa manche. Reconnu au sein de la société civile, il est engagé dans le mécénat sportif à Maradi et à Dosso. Propriétaire du Dan Kassawa FC, il a dirigé de 2009 à 2012 la fédération nigérienne de basket-ball et a occupé la vice-présidence de la fédération nigérienne de football jusqu’en 2012.

Pour certains, Ibrahim Yacouba est en route pour la présidentielle 2021

Surtout, il dispose désormais de son propre parti, le MPN Kiishin Kassa, structuré autour de ses proches de la région de Dosso et qui lui a permis de talonner à la présidentielle l’ancien président Mahamane Ousmane et de devancer Abdou Labo, pourtant porté par la Convention démocratique et sociale (CDS-Rahama). Il s’appuie sur des lieutenants tels que Massani Koroney, ancien du Mouvement nigérien pour la société du développement (MNSD) et Elh Sani Attiya, dont il a fait son directeur de campagne.

Ibrahim Yacouba pense-t-il déjà la présidentielle de 2021, à laquelle Mahamadou Issoufou ne peut, selon la Constitution, pas se présenter ? « C’est sûr », estime un cadre de la société civile. « Ce sera difficile pour lui », estime en revanche un cadre de la majorité présidentielle. Et de conclure : « La logique veut qu’Issoufou désigne un successeur au sein de son propre parti. »

Mathieu Olivier