« Si un pays étranger peut nous fournir une marchandise à meilleur marché que nous ne sommes en état d’établir nous-mêmes, il vaut mieux que nous la lui achetions avec quelque partie du produit de notre propre industrie, employée dans le genre dans lequel nous avons quelque avantage » (Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776).
C’est une nouvelle moins réjouissante pour le Niger. Selon l’Institut national de la Statistique (INS) (2014a), le déficit du compte courant était de 20,6 % du PIB en 2014 contre 16,4 % en 2013. Ceci est la conséquence d’une hausse de 6,2 % des importations (43,3 % du PIB en 2014) contre une baisse de 2,3 % des exportations du PIB (24,1 % du PIB en 2014). Quoique les importations contribuent à accroître le niveau de vie, à faciliter le développement et la croissance économique d’un pays, elles peuvent, cependant, aussi générer une baisse du revenu national et de l’emploi ; ce qui signifie qu’à terme, une hausse du chômage et par ricochet de l’appauvrissement de la population. Seule consolation, la hausse des importations est la conséquence des achats de biens d’équipement et des biens intermédiaires et moins des produits alimentaires. Ce qui laisse penser que les 3N commencent à produire des effets et une classe moyenne a émergé dans le pays.
La baisse des exportations s’expliquerait par la diminution de la vente de l’uranium (qui représente près du tiers des exportations) de 85,6 milliards francs CFA et une progression des exportations des produits pétroliers moins importante que l’année précédente.
Le repli des exportations d’uranium de 20,3% en 2014, pour s’établir à 241,3 milliards en 2014, contre 302,8 milliards en 2013, résulte du ralentissement des expéditions des sociétés minières, à la suite de la révision à la baisse du prix conventionnel couplée au repli de la production [s’inscrivant dans un contexte mondial défavorable depuis l’accident de Fukushima], consécutif au ralentissement enregistré pendant la phase de la renégociation du régime fiscal découlant de l’application de la loi minière de 2006 au Niger (BCEAO, 2014).
Le Niger exporte essentiellement de l’uranium, des hydrocarbures, du gaz, de l’or, ainsi que des produits agricoles et d’élevage. L’uranium représentait plus de la moitié (51,7 %) des exportations du Niger en 2014.
Les hydrocarbures, quant à eux, représentent plus du quart des exportations (27,6 %) (cf. figure Structure du commerce extérieur). Les produits exportés par le Niger sont essentiellement à l’état brut. Cela doit inciter nos opérateurs économiques à opérer un virage stratégique : investir dans l’industrie et moins dans les services. L’objectif étant d’accroître la production nationale et accélérer l’industrialisation du pays, et à long terme, augmenter la valeur ajoutée des exportations.
Selon l’INS, en 2014, l’Europe était la première destination des exportations du Niger avec 209 milliards de francs CFA. La seconde destination des exportations est le continent africain avec 160,4 milliards de francs CFA. Ces deux destinations représentaient 71,9 % des exportations totales du Niger. De plus, on dénote une concentration géographique des exportations (Commission économique pour l’Afrique, 2015).
En effet, la France, avec 192,8 milliards de francs CFA en 2014, représente 41,3 % des exportations totales, suivie du Burkina Faso (82,9 milliards de francs CFA, soit 17,8 %), du Nigéria (67,2 milliards de francs CFA, soit 14,4 %) et des États-Unis (37,1 milliards de francs CFA, soit 8 %). Ces quatre principaux clients du Niger représentent 81,5 % de la valeur totale des exportations en 2014. Ils constituent les principales destinations des produits miniers et des hydrocarbures.
Les exportations vers les pays membres de la CEDEAO représentaient 36 % du total en valeur en2014 contre 41,9 % en 2013. Le Burkina Faso se classe en tête des États de la CEDEAO ayant effectué des achats auprès du Niger, avec 82,9 milliards de francs CFA d’achats. Il est suivi du Nigéria avec 67,2 milliards de francs CFA. Ces deux pays représentaient 89,3 % du total des exportations du Niger vers les pays de la CEDEAO en 2014 (Institut national de la Statistique, 2014b).
D’après l’INS, les importations ont bondi. Elles sont passées de 806,2 milliards de francs CFA en 2013 à 1 037,5 milliards de francs CFA en 2014, soit une hausse de 28,7 %. Cette hausse serait induite par celle des biens d’équipement (61,3 %). La structure des importations par produit montre que le riz avec 77,9 milliards de francs CFA représente le principal produit d’importation (7,5 % du total en valeur). Il est suivi des parties d’appareils (65,8 milliards de francs CFA), des ciments hydrauliques (53,2 milliards de francs CFA), des pièces détachées (44,9 milliards de francs CFA) et des instruments et appareils de géodésie (38,3 milliards de francs CFA).
L’analyse selon l’origine montre que le continent asiatique conserve le rang de premier fournisseur du Niger. Avec 464,6 milliards de francs CFA, les importations d’origine asiatique représentent 44,8 % de la valeur totale nationale. L’Europe, avec 279,9 milliards de francs CFA (27 %), occupe la deuxième place, suivie par l’Afrique avec 203 milliards de francs CFA (19,6 %).
Quant à la CEDEAO, elle se place en seconde position avec 181,3 milliards de francs CFA (17,5 %). Les importations en provenance des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, avec 109,5 milliards de francs CFA d’achats, représentent 10,6 % du total des acquisitions; rapportées à la CEDEAO, elles représentent 60,4 %.
La place du Niger dans le commerce intra – UEMOA :
L’essentiel du commerce [dans le monde] est un commerce intra-zone, c’est-à-dire effectué à l’intérieur d’une zone géographique donnée. En d’autres termes, c’est l’ensemble des échanges qui se développe entre les pays appartenant à la même zone [économique et/ou monétaire]. Selon la BCEAO (2016), le commerce intra-UEMOA ajusté s’est accru en 2014 : Les échanges ont progressé de 11,1%, en 2014, pour s’établir à 2.230,6 milliards, contre 2.073,9 milliards en 2013. L’institution monétaire souligne également que cette évolution est essentiellement imputable au renchérissement des produits alimentaires, couplé à un accroissement des activités au niveau de la Côte d’Ivoire. Quant à la part des échanges intracommunautaires dans le total des flux commerciaux des pays de l’UEMOA, elle est ressortie à 14,9%, contre 15,8% en 2012. Soit une baisse de 0,9 points en deux ans. A titre de comparaison, les commerces intra-Union Européenne et intra-Asie représentaient respectivement 69% et 52% en 2014.
Le fait que le commerce de marchandises intra-UEMOA ait été moins élevé que le commerce extra-UEMOA de chacun des États membres, témoigne de la faiblesse du marché intérieur de l’UEMOA.
S’agissant de la contribution aux exportations dans la sous-région, la part du Niger a également diminué de 1,6 point pour s’établir à 4,3% en 2014, contre 5,9% en 2013, en raison des difficultés que le secteur uranifère a connues au cours de la période. Difficultés dont l’origine remonte à la catastrophe de Fukushima, qui a contraint les géants du secteur (dont Areva qui exploite les mines uranifères nigériennes) à réduire la voilure en termes de leur production et s’adapter à une demande mondiale en berne. Néanmoins, l’horizon s’éclaircirait très bientôt pour les exportations uranifères nigériennes. Puisque la demande d’uranium va s’accroître dans le monde, selon les projections de l’Agence de l’OCDE pour l’énergie nucléaire (AEN) (2012) : de 63.875 tonnes en 2010, elle serait 97.645 à 136.385 tonnes en 2035. Soit une augmentation comprise entre +53% et +114% en seulement vingt ans, en raison de l’engouement fort que suscite le nucléaire dans les pays émergents (l’AEN estime que le parc nucléaire mondial augmentera de 44% à 99% d’ici à 2035), dont la demande en énergie ne fait que s’accroitre.
Selon la BCEAO (2016), « la Côte d’Ivoire et le Sénégal, respectivement à l’origine de 32,4% et 22,9% des exportations totales en 2014 restent les principaux fournisseurs intra-régionaux ». Avec seulement 6% des exportations intra-régionales, le Niger arrive à la sixième place.
Contrairement aux idées reçues, ce sont le Mali et le Burkina qui ont occupé les première et deuxième places des importateurs intra-communautaires, avec respectivement 31,0% et 24,5% des approvisionnements. Le Niger se pointant à la sixième place avec 8% des importations totales.
Les produits pétroliers demeurent au premier rang des transactions intra-UEMOA, avec une part de plus de 40% des échanges commerciaux intra-UEMOA. Les autres principaux produits échangés sont les préparations alimentaires et les produits du crû (céréales, animaux vivants), les huiles et les graisses, l’électricité ainsi que les tissus de coton (BCEAO, 2016).
Faiblesses structurelles
Contrairement à la Côte d’Ivoire, notre pays peine à réduire sa dépense extérieure. Au-delà de la stricte question des coûts de productions élevés (conséquence du prix élevé de l’énergie), tout l’enjeu pour le Niger consiste à s’améliorer en matière de qualité, d’innovation.
Les faiblesses du commerce extérieur nigérien se situent autant du côté des exportations (à développer) que des importations (à modérer). Pour accroître les exportations, il nous faut apprendre à nous démarquer davantage par la qualité, l’originalité. Mais aussi développer la taille des entreprises notamment dans le secteur de l’artisanat ; secteur dans lequel notre pays excelle, et mieux les accompagner à l’export. Le « Kilichi » (viande grillée et séchée), les bijoux, les oignons – pour ne citer que ceux-là – sont la preuve que le made in Niger séduit également hors de nos frontières.
Rappelons que l’export est une véritable culture à insuffler aux entreprises nigériennes. Le Niger compte aujourd’hui beaucoup moins d’exportateurs que le Sénégal ou la Cote d’Ivoire.
Adamou Louché Ibrahim