Editorial: LE COUP KO : UN SCÉNARIO INÉLUCTABLE

Le candidat Issoufou Mahamadou continue de sillonner le pays suivant une habitude qu’il avait développée quand il était déjà dans l’opposition. Mais cette fois ci, les nigériens sont partout sortis en masse pour saluer aussi le bâtisseur, l’homme qui a transformé villes et campagnes en l’espace de cinq petites années. La mobilisation que nous avons observée partout, nous conforte dans notre pronostic annoncé déjà quand nous avions écrit : « pourquoi Issoufou va gagner au premier tour ».

Faisons un peu de maths pour voir clair dans le débat et fonder scientifiquement notre conviction. Historiquement, le candidat du PNDS a toujours progressé de scrutin en scrutin, partant de 13% en 1993 pour arriver à 36% en 2011. Cette progression est due à la capacité de mobilisation et de sacrifice des militants du PNDS, qui ont su affronter l’adversité et les exclusions dont ils ont été l’objet dans l’opposition. Aujourd’hui, ces hommes et femmes sont dans de meilleures conditions. Il est donc seulement raisonnable de penser qu’ils seront capables de renouveler, au moins, le score du premier tour de l’élection présidentielle de 2011. Le socle de 36% me semble donc un score réaliste sur lequel le candidat peut compter.

Ensuite, toujours en 2011, les résultats de l’ANDP Zaman lahiya à la présidentielle étaient de 5% et ceux du RDP Jama’a aux législatives 5%. On le sait, ces deux partis ont choisi de soutenir le candidat Issoufou dès le premier tour. C’est là une première, puisque l’ANDP avait son candidat en 2011 et le RDP avait appelé à voter Seyni Oumarou. C’est d’ailleurs les voix du RDP qui ont permis à Seyni de dépasser Hama d’une courte tête (23%, 19%). Donc, cette fois ci, Issoufou part avec un minimum de 46%, estimation basse.

Evidemment, ce n’est pas les seuls à avoir rejoint le Président, puisque les nouveaux partis créés par Albadé, Ladan Tchiana, Salah Habi ont affaibli le camp adverse et peuvent chacun prétendre faire au moins 1% de voix, estimation que même les inconditionnels de Hama et de Seyni Omar peuvent difficilement disputer. Nous sommes donc à 49%. Et puisque, semble t-il, il y’a plusieurs dizaines d’autres partis qui appellent à voter pour Issoufou, il n’est pas dé- raisonnable de penser que ceux ci pourront réunir 1 à 2%, pour amener le Président au dessus de la barre fatidique de 50%.

Maintenant, mon raisonnement est basé sur l’assomption que les nigériens sont fidèles et changent très peu leur vote, ce qui est une concession faite aux gens de l’opposition qui estiment que Maman Ousmane (8% en 2011), plus Seyni Omar 23% et Hama Amadou 19% renouvèleront leur prouesse d’antan pour totaliser 50%. On a vu avec la progression régulière du PNDS que cette assomption est fausse. Mais concédons leur globalement leurs scores d’antan, en retranchant toutefois l’apport du RDP au premier tour à Seyni Omar (-5%), et les 3% que j’ai donné à Albadé, Ladan et Habi (que je prie de ne pas m’en vouloir pour ça, étant intimement convaincu qu’ils feront mieux) l’opposition dure retombe alors à 42% et je leur fais cadeau de la CDS de Abdou Labo. Cependant, de l’avis même des gens de l’opposition (qui savent de quoi ils parlent) l’argent joue toujours un rôle dans les élections. Or, on voit bien aujourd’hui que l’essentiel des commerçants et hommes d’affaires qui finançaient le MNSD et la CDS sont derrière le Président. Il en est de même des chefs traditionnels, qui, interdits de politique, n’en demeurent pas moins sensibles à la revalorisation de leurs statuts. Conformément à nos traditions de retenue, leurs « sujets » comprendront aisément que certaines choses n’ont pas besoin d’être dites.

Maintenant, attaquons-nous à un autre mythe de l’opposition : La fable selon laquelle c’est Hama Amadou qui a permis au Président Issoufou de passer au second tour de l’élection présidentielle de 2011. Je suis récemment tombé sur le rapport final de la mission d’observation de l’UE au Niger pour les élections législatives et présidentielles de 2011 (www.euom.eu) qui disait ceci : « Issoufou Mahamadou a perdu environ 17% par rapport à l’ensemble des voix que les partis de son alliance et lui même avaient remporté au premier tour, alors que Seyni Omar en gagne presque 16%. » Il semble donc que les électeurs de Hama aient préféré retourner au MNSD plutôt que de voter pour leur archi ennemi Issoufou Mahamadou. Selon donc cette opinion, seuls 2% des 19% gagnés par Hama se sont portés sur Issoufou. L’alliance avec Hama était donc une arnaque véritable.

La vérité est que, c’est la progression spectaculaire du PNDS et l’apport des voix de l’ANDP, du RDP, et de l’aile Labo au second tour qui ont permis au Président Issoufou de remporter le scrutin de 2011. A l’exception de Labo, la scène est donc la même aujourd’hui, avec le renfort bienvenu de tous ceux qui ont quitté l’opposition. Issoufou est donc assuré de gagner haut la main cette élection, ce qui lui donnera l’assise politique qui lui a manqué pour s’atteler à la grande reforme que le pays attend, à commencer par le nettoyage des écuries d’Augias.

Maman Abou  (Le Républicain du 18 Février 2016)