M. Chaïbou Dan Inna

Interview du ministre des Enseignements Professionnels et Techniques, M. Chaïbou Dan Inna

“En termes de dispositions prises, il faut souligner que tous les besoins et solutions nécessaires sont identifiés pour amorcer une bonne rentrée des classes”

Monsieur le ministre, au moment où l’année scolaire 2015-2016 débute, quel bilan pouvez-vous tirer du déroulement de l’année académique dernière ?
Le bilan que nous tirons de l’année qui vient de s’écouler est positif pour plusieurs raisons. La première raison tient de ce que le sous-secteur a pu bien gérer l’essentiel des flux qu’il a reçus de l’enseignement primaire suite à la suppression du CFEPD en dépit de la non disponibilité de certaines infrastructures prévues à cet effet. Il s’agit notamment des travaux de construction de 78 Collèges d’Enseignement Technique dans le cadre d’un Partenariat Public Privé, qui n’ont pas pu avoir lieu.

Ainsi, hormis la prise en charge des autres effectifs croissants des centres et lycées, le sous-secteur a pris en charge, grâce à des dispositions exceptionnelles, 9423 apprenants dans les Collèges d’Enseignement Technique et 11.255 apprenants dans les Centres de Formation aux Métiers (ex-CFDC).

La deuxième raison tient de la qualité de plus en plus appréciable des apprentissages et même des autres moyens de formation et des résultats aux examens de BEP qui enregistrent 59,90% dont 76,27% pour les filières industrielles, du CAP qui enregistre 65,04% dont 87,79% pour les filières industrielles. Ces résultats restent toutefois à améliorer avec un renforcement du contrôle de qualité tant au public qu’au privé.

Le troisième facteur qui milite en faveur d’un bilan positif résulte de la stabilité qui a prévalu dans les centres en raison des engagements tenus vis-à-vis des partenaires sociaux, élèves et formateurs. En effet, l’année 2015 a été consacrée à l’exécution des Protocoles signés en 2014. Ainsi, avec les étudiants, sur treize (13) points en discussion, quatre (04) sont exécutés, huit (08) sont en cours d’exécution et un (01) seul est non exécuté. Avec les formateurs, sur quatre (04) points en discussion, trois (03) sont en cours d’exécution et un (01) point n’est pas encore exécuté.

La quatrième raison tient de ce que les travaux de construction, de réhabilitation et d’extension sur financement des projets et programmes sont pour la plupart terminés. Pour ceux qui ne sont pas encore terminés, l’avancement est à un niveau satisfaisant.
Vous étiez récemment sur les chantiers au niveau des établissements sous votre tutelle. Comment envisagez-vous la prochaine rentrée des classes dans les différentes écoles et centres de formation professionnelle ?
Comme vous l’aviez justement notifié, j’ai effectué tout récemment des visites au Centre Technique Kalmaharo (CTK) et au Lycée d’Enseignement Professionnel Issa Béri, où s’effectuent des travaux de réhabilitation et d’extension des infrastructures de formation sur financement de la Banque Africaine de Développement à travers le Projet d’Appui au Développement de l’Enseignement et la Formation Professionnels et Techniques (PADEFPT). Il convient de rappeler que d’autres travaux de construction, de réhabilitation et d’extension sont en cours et concernent, outre le financement de la Banque Africaine de Développement, celui de la Banque Mondiale, de la Coopération Luxembourgeoise et de la Coopération Suisse. Il s’agit donc, à travers ces visites, d’évaluer l’avancée des travaux car ces infrastructures, une fois achevées, nous permettront d’améliorer les capacités et les conditions d’étude dans nos centres, surtout à un moment où la proportion des apprenants de l’EFPT, qui sera bientôt de 25% par rapport aux apprenants de l’enseignement de base, doit aller, les prochaines années, au-delà de ces 25%.
En termes de dispositions prises, il faut souligner que tous les besoins et solutions nécessaires sont identifiés pour amorcer une bonne rentrée des classes. Ces dispositions portent sur les besoins en personnel enseignant, personnel administratif des centres, infrastructures (salles de classes, ateliers, latrines, magasins, clôtures, etc…) tables-bancs, fournitures et manuels scolaires, matières d’œuvre, renforcement des capacités du personnel (gestionnaires des centres et formateurs), affectation des inspecteurs, conseillers pédagogiques et formateurs, alimentation-couchage-habillement, paiement des frais de transport des élèves et paiement des pécules de vacances et des allocations des Collèges d’Enseignement Technique et des Centres de Formation aux Métiers.
En ce qui concerne d’abord les besoins exprimés en termes d’infrastructures, il faut souligner qu’ils constituent là un minimum pour permettre un bon déroulement des activités pédagogiques. Ainsi, sur les 313 dispositifs de formation répertoriés (lycées, Centres de Formation Professionnelle et Technique (CFPT), Collèges d’Enseignement Technique (CET) et Centres de Formation aux Métiers (CFM), priorité est donnée aux CET et aux CFM qui, pour la quasi-totalité, sont dans des locaux provisoires. Il y a lieu, pour ce faire, de construire 330 salles de classes et 253 ateliers pour un coût estimatif de 8 milliards 195 millions de FCFA. Quant aux équipements, mobiliers ou équipements techniques d’ateliers, leur coût s’élève à 967 millions 930 mille 282 FCFA, pour l’ensemble des régions.
Pour les besoins en fournitures et manuels scolaires, une enveloppe de 43 millions 066 mille 180 F CFA déjà disponible est destinée à l’acquisition des fournitures scolaires des lycées et centres. Pour les manuels précisément, un lot de 2979 ouvrages, toutes filières confondues, a été acquis pour un montant de 71 millions 553 mille 375 F CFA sur le budget 2014, et sera mis à la disposition des élèves à la rentrée 2015. En outre, un marché de manuels de 67 millions 415 mille 976 F CFA a été lancé.
Un autre chapitre important de nos prévisions relatives à la rentrée scolaire concerne les rubriques alimentation, couchage et matière d’œuvre. Pour la matière d’œuvre, une enveloppe de 136 millions 625 mille 176 F CFA est disponible pour couvrir les activités pédagogiques du 1er trimestre. Quant à l’alimentation-habillement-couchage, qui ne concerne que les établissements à internat, une enveloppe de 80 millions 651 mille 378 F CFA est disponible pour couvrir les besoins à la rentrée.
Nous ne pouvons parler de la rentrée scolaire sans aborder les dispositions que nous avions prises en ce qui concerne les pécules des enseignants contractuels et des élèves. En ce qui concerne les élèves d’abord, leurs pécules des vacances (juillet–août-septembre 2015) d’un montant de 155 millions 418 mille FCFA ont déjà été engagés début juillet 2015, et seront payés dès la rentrée. Leurs pécules du 1er trimestre de l’année 2015–2016, d’un montant de 208 millions 938 mille FCFA seront engagés fin août 2015. Pour les pécules des enseignants contractuels, d’un montant de 353 millions 068 mille 100 FCFA, ils sont toujours engagés le 10 de chaque mois. Cette enveloppe est disponible. A ces enveloppes relatives aux pécules, il faut ajouter la somme de 18 millions 980 mille 559 FCFA pour le transport des élèves.
En ce qui concerne la mise en place du personnel enseignant et administratif, 765 formateurs supplémentaires sont nécessaires pour s’adjoindre aux 2955 existants, pour accueillir les nouveaux flux. 524 besoins nouveaux en personnel auxiliaire ont également été exprimés. Des formations sont également en train de se dérouler d’août à septembre suivant le plan de formation de la Direction des Ressources Humaines pour mettre à niveau le personnel enseignant et administratif. Selon ce plan de formation, tous les chefs d’établissements (lycées, CFPT, CET) ainsi que les chefs des travaux, les censeurs et les intendants, au nombre de 143, seront formés en gestion des établissements scolaires. Le coût de la formation est de 16 millions 300 mille FCFA.

En plus des gestionnaires, 500 formateurs des CET bénéficieront d’un renforcement de capacités techniques et pédagogiques sur le budget national pour un montant de 30 millions 656 mille FCFA. Pour assurer davantage l’encadrement des enseignants, deux (2) conseillers pédagogiques seront affectés dans chaque inspection régionale pour renforcer les dispositifs d’encadrement. Le processus de nomination et d’affectation suit son cours.
Vous avez entrepris la création des Centres de Formation Professionnelle et Technique au niveau des communes et des chefs lieux des départements. Quelle est la situation actuelle de ces centres ?
Nous avons effectivement entrepris, et ce depuis 2011 et de façon résolue, la création des Centres de Formation Professionnelle et Technique au niveau des communes des chefs-lieux des départements et même des chefs-lieux des régions. Dans les chefs-lieux des départements, nous avions créé effectivement 63 Collèges d’Enseignement Technique auxquels s’ajoutent 15 autres dans les 15 arrondissements communaux que compte le pays. Au niveau de trois départements (Filingué, Konni et Tanout), nous avions créé des Centres de Formation Professionnelle et Technique, alors qu’il n’en existait qu’au niveau des chefs-lieux des régions.

A ces niveaux, il faut aussi noter la création de deux lycées dont celui technologique de Doutchi, et celui professionnel agricole de Téra. Dans les communes, nous avons créé, à la date d’aujourd’hui, 210 centres de Formation aux Métiers, ce qui nous rapproche de notre objectif de 266 centres pour fin 2015, conformément au Programme de Renaissance initié par Son Excellence le Président de la République.

De façon générale, nous avions réalisé des progrès immenses en termes de couverture nationale de centres d’EFPT. En effet, de 32 établissements et centres publics sous tutelle du Ministère avant le mandat en 2010, le nombre est passé à 313, soit à peu près dix fois plus, ce qui a favorisé l’élargissement des capacités d’accueil du sous-secteur. Ainsi, de 2 lycées professionnels et techniques, 11 Centres de Formation Professionnelle et Technique (CFPT), 19 Centres de Formation aux Métiers (CFM), 1 Centre des Métiers du Cuir et d’Art du Niger (CMCAN) et 1 centre du Service National de Participation (SNP), en 2010, le nombre enregistré en 2015 donne 8 lycées, 15 CFPT, 210 CFM, 1 CMCAN, 1 centre du SNP et 78 Collèges d’Enseignement Technique (CET).
La création des nouveaux lycées professionnels et technologiques publics au cours de la période a permis de diversifier l’offre de formation avec l’implantation de nouvelles filières comme l’Hôtellerie et le Tourisme, la Pétrochimie et les Techniques Commerciales.
Quant aux établissements privés, leur nombre est passé de 63 en 2010 à 96 en 2015. La création des nouveaux établissements privés a vu se développer de filières nouvelles comme la Sécurité, l’Agriculture, l’Environnement, les Soins Esthétiques, l’Economie Familiale, l’Elevage, les Arts et Sports.
Monsieur le ministre, peut-on avoir une idée des effectifs des nouveaux apprenants qui vont intégrer les Centres de Formation Professionnelle par concours et sur orientation ?
Pour la rentrée 2015-2016, les effectifs nouveaux attendus de l’orientation et autres concours de recrutement organisés par la Direction des Examens du MEPT sont de 22.687 apprenants tous cycles confondus (Lycées, Centres de Formation Professionnelle et Technique (CFPT), Collèges d’Enseignement Technique (CET) et Centres de Formation aux Métiers), alors que les effectifs globaux au cours de l’année scolaire 2014-2015 étaient de 23. 291 apprenants. Vous vous apercevez déjà de ce que cela demande au sous-secteur en termes de capacités d’accueil, de formateurs, de matières d’œuvre et autres ressources pédagogiques nécessaires.
Monsieur le ministre, quelles sont les contraintes et les perspectives d’avenir du secteur des Enseignements Professionnels et Techniques ?
En ce qui concerne les contraintes, elles sont principalement d’ordre budgétaire en dépit des efforts remarquables que l’Etat déploie pour doter le sous-secteur de moyens conséquents, et des appuis de plus en plus importants des partenaires au développement.
A titre d’exemple, aucune inscription budgétaire n’est faite sur le budget national pour la construction, en 2016, de nouvelles infrastructures (salles de classes et ateliers) dans un contexte d’accroissement fulgurant des effectifs d’apprenants.
Les perspectives de l’EFPT quant à elles reposent sur la volonté du Gouvernement d’en faire un véritable outil de développement des compétences pour les besoins des secteurs formel et non formel de l’économie, l’engagement chaque fois réaffirmé des partenaires à appuyer ce sous-secteur porteur de croissance, la prise de conscience des autorités locales et des populations à soutenir l’EFPT et à en faire un instrument de développement local. La promulgation de la loi portant sur les principes fondamentaux de l’EFPT traduit la volonté de mieux organiser et faire fonctionner ce système EFPT dont la proportion des apprenants doit désormais aller de 25% en 2015 à 45 % à l’horizon 2021.
Le Président de la République accorde une place particulière à la promotion du secteur de l’Enseignement Professionnel et Technique. Quel rôle joue ce secteur aujourd’hui dans le développement du pays ?
Vous avez bien fait de rappeler la place particulière que le Président de la République accorde à la promotion du secteur de l’enseignement Professionnel et Technique. L’objectif assigné par le Programme de la Renaissance de faire passer la proportion des apprenants de l’EFPT de 8 % en 2008 à 25% en 2015 par rapport aux effectifs de l’Enseignement de Base traduit cette volonté d’inverser progressivement la tendance.
La dotation de chacune des 266 communes du pays traduit aussi la volonté de faire de la formation un instrument pour renforcer la productivité des populations afin de contribuer à un développement économique endogène. L’engagement du Président de la République et l’appui des partenaires au développement en termes de ressources allouées au sous-secteur traduisent la conviction bien partagée que le développement de tous les secteurs, formel et informel, de l’économie ne peut se faire sans que les forces productives n’aient reçu de qualifications professionnelles solides. En effet, comme l’a si bien souligné le Programme de Renaissance,  »il est démontré qu’il ne peut y avoir de développement économique sans celui de l’EFPT ».

Oumarou Moussa(onep)