De la crise de leadership à la tragédie au MNSD

C’est un fait. Le MNSD Nassara est aujourd’hui en putréfaction très avancée. Il bat de l’aile. La situation du parti de Tandja et de Hama Amadou se dégrade considérablement. Comme un business, après avoir atteint sa vitesse de croisière, le « baobab » est en chute libre. Pour étayer notre simple avis sur la genèse de la crise du pouvoir au MNSD nous avons pensé à la tragédie.

« La tragédie est un genre théâtral dont l’origine remonte au théâtre grec antique. Contrairement à la comédie, elle met en scène des personnages de rangs élevés et se dénoue très souvent par la mort d’un ou de plusieurs personnages. » Ce serait peut-être excessif. Mais le déroulé de la crise du plus grand parti jusqu’à la chute de Tandja n’est pas loin de la tragédie.

Création du MNSD Nassara

Le MNSD NASSARA est né comme tous les autres partis politiques à la faveur de la décrispation consacrant la démocratisation du Niger. A la différence des autres partis, le MNSD est issu du parti-Etat. Ce qui constitue en soi un avantage par rapport aux autres. Comme atouts, ce parti disposait de l’expérience de la gestion du pouvoir, de l’administration et aussi de l’armée avant que celle-ci ne soit véritablement républicaine.

La crise de leadership était réelle déjà à la naissance du MNSD car les héritiers de Kountché avaient eu quelques démêlés, une sorte de guerre (douce) de succession à la disparition du chef du Conseil militaire suprême. Il y a eu une véritable convoitise pour remplacer le tombeur de Diori Hamani et Boubou Hama. Et heureusement le compromis a été scellé par la désignation de Feu général Ali Saibou comme doyen des officiers pour calmer la volonté de puissance des uns et des autres.

Après cet intermède, à la création du MNSD nouvelle version qui doit s’accommoder avec le contexte multi partisan, il y a eu également les mêmes velléités de positionnement au sein de l’ancien establishment composé des officiers, des anciens ministres et cadres de commandement de l’époque. Le duel le plus significatif avait opposé Feu Moumouni Djermakoye Adamou à Tandja Mamadou. Ce dernier a pu l’emporter et Djermakoye créa son CAMAD (Club des amis d’Adamou Moumouni Djermakoye). Ce club se mua en ANDP Zaman Lahiya dirigé aujourd’hui par Moussa Moumouni Djermakoye frère du défunt président avec Dosso comme fief.

C’est ainsi que le MNSD est né. Sa philosophie était fondée sur l’équilibre ethno régional, ce qui lui a donné un caractère véritablement national. C’est dire qu’à la naissance même du Mouvement National pour la Société de Développement (MNSD) le conflit d’intérêts et la crise de leadership étaient réels.

Le président Tandja entouré de ses compagnons rompus dans la gestion du pouvoir qui leur a conféré une assise populaire certaine avec à leurs côtés les hommes d’affaires les plus en vue du pays et aussi la chefferie traditionnelle en son temps. Tout se passait comme si Tandja avait déblayé le terrain au gré de son passage au ministère de l’intérieur et préfet à Tahoua et Maradi en plus d’être un apparatchik du régime autocratique de Kountché.

C’est pourquoi il a bien fallu une alliance – l’Alliance des forces de changement – pour barrer la route au MNSD du très dynamique tandem Tandja/Hama à la première élection présidentielle démocratique du pays. Et ironie du sort, la crise au sein de l’exécutif qui opposa le président Mahamane Ousmane à son premier ministre d’alors Issoufou Mahamadou avait occasionné la formation d’une autre alliance dite « contre nature » entre le MNSD et le PNDS Tarayya. Cette alliance avait mis Mahamane Ousmane en cohabitation avec comme premier ministre Hama Amadou.

La suite est connue : la guéguerre entre Ousmane et Hama qui a provoqué l’interruption du processus démocratique par Feu Général Ibrahim Baré Mainassara. Ce dernier lui-même sera abattu sauvagement par ses compagnons à la tête desquels Daouda Malam Wanké qui était tenu de remettre le pouvoir aux civils.

Le premier quinquennat de Tandja

L’actuel président Issoufou Mahamadou avait comme slogan « Sai bango ya tsage kandagare ke ratsa chi » autrement dit il faudrait qu’un mur soit fissuré pour qu’il soit pénétré par un reptile. Et c’est justement la fissure du mur AFC, l’alliance entre le président Mahamane Ousmane, Issoufou Mahamadou, Moumouni Adamou Djermakoye et compagnie qui a permis au MNSD Nassara de Tandja et Hama de reconquérir le pouvoir qu’ils ont gardé et géré de mains de maître pendant les deux mandatures de Tandja.

Le premier mandat du président Tandja était caractérisé par la mainmise du premier ministre Hama Amadou à telle enseigne qu’on avait l’impression que Tandja n’était qu’un président de façade. Une des satires de l’opposition d’alors disait que : « Tandja na kwana Hama na sata » c’est-à-dire Tandja dormait pendant que Hama volait.

Ce dernier était réellement tout puissant et il a su créer les conditions de possibilité de sa gouverne en ménageant ses alliés du moment à savoir Mahamane Ousmane (l’allié principal) et les autres avec l’argent, les postes et bien d’autres gâteries du pouvoir. Pour passer comme le dauphin incontesté et incontestable de Tandja, Hama Amadou a su « fabriquer » ses hommes tout en blâmant voire liquidant ses adversaires ou empêcheurs de tourner en rond à l’intérieur du MNSD. Des cadres valeureux comme Almoustapha Soumaila, Wassalké Boukari, Maman Sani Malam (actuel Sg Lumana), Pr Hamidou Sékou etc. ont connu les sévices du PM Hama.

Tandja n’avait d’autres choix que d’entériner les desiderata d’un Hama Amadou qui l’a convaincu que sans lui, le pouvoir lui échappera. Et cette vérité, Tandja l’a lâché après leur divorce à l’occasion d’une conférence de presse en hausa où il a dit entre autres souffrances à lui imposées par Hama, il y avait le fait que même en cas de postes à pourvoir les candidats de Hama passaient avant les siens.

Avec la bénédiction de Tandja, Hama tenait en respect l’opposition de l’époque avec sa force des arguments en dénonçant les mauvaises pratiques du gouvernement de Hama. Quatre vaines motions de censure initiées par l’opposition ont été rejetées par le parlement.

Et un signe entre autres qui fait de cette Assemblée une caisse d’enregistrement des vœux de Hama Amadou c’était l’adoption de la loi accordant les avantages aux anciens premiers ministres du Niger. Une loi sur mesure dont le seul bénéficiaire n’était autre que Hama Amadou et lui seul. D’ailleurs Sanoussi Tambari Jackou en dénonçant le caractère impersonnel de la loi disait que tout ce qui manquait à cette loi c’était simplement de préciser que le PM en question était né à Youri !

C’est ainsi que malgré tout Hama a su assurer à Tandja un second mandat. Et même des mauvaises langues disaient son vœu c’était que Tandja lui passait le témoin juste après son premier mandat soulignant le caractère très pressé de l’homme de gravir le sommet de la montagne.

Une turbulence appelée GRGN 21

Au top de sa gloriole et la voie tracée pour le palais selon son plan, Hama et ses affidés avaient commencé à vouloir enterrer vivant le président Tandja comme au Mali, les actions contre productives d’Ibrahim Boubacar Keita alors PM d’Alpha Konaré. Il parait que le pouvoir souffre de la convoitise qu’elle soit interne ou externe.

Dans ce sens, à trois ans de la fin de la fin du second mandat de Tandja, Hama avait déjà enclenché sa précampagne : un groupe de choc appelé GRGN 21 mis en place, des effigies et autres gadgets mettant en avant le leadership de Hama avec en toile de fond ce slogan « Sai ka yi » en d’autres termes « tu gouverneras au sommet de l’Etat ». Une turbulence assez révélatrice de la très précoce campagne présidentielle du PM de Tandja.

La suite est également connue : Tandja ayant une conception autocratique du pouvoir comme il l’avait connu sous Kountché alors à partir de ce moment Hama devait être sacrifié. Et là commence la « tragédie » au MNSD puisque à en croire Hama lui-même : « Tandja ne veut pas m’arrêter, il veut me tuer ». La tragédie c’était aussi la chute de Tandja qui avait frôlé le pire n’eut été la vigilance des putschistes.

Les tentatives de Hama d’assurer ses arrières après la chute de son gouvernement par la motion de censure bénie par Tandja en imposant son ami Seini Oumarou au poste de premier ministre n’auront servi à rien car la machine est bien plus forte que Seini qui avait plutôt choisi de s’affranchir de la tutelle de Hama en s’affirmant.

Entre autres actes : la mise en accusation de Hama et son emprisonnement à Koutoukalé pour détournement du fond d’aide à la presse ; le tandem Seini et Albadé prend la direction du MNSD en déboutant au procès le tandem Hama/Salah Habi ; le referendum accordant la rallonge de deux ans à Tandja ; la répression des hamistes ; l’octroi très politique de la liberté provisoire à Hama par la haute Cour de justice pour raison de santé aggravée jusqu’à la création de Lumana où les fidèles de Hama se sont retrouvés pour reprendre le combat politique.

C’est dire que le tazarce en est une tragédie en ce sens qu’il consacre la disgrâce de Hama de façon on ne peut plus humiliante pour un compagnon de lutte de « 30 ans» devenu presque un fils à Tandja. Bref, le tazarce consacrant l’éphémère 6ème République avait véritablement désaxé Hama Amadou, qui il le lui reconnaitre, avait fait montre d’instinct de survie assez phénoménal. « La soif de dominer est celle qui s’éteint la dernière dans le cœur de l’homme » , selon Nicolas Machiavel.

Le duel Seini/Albadé

Pendant que Hama Amadou était en fuite à Paris, Seini Oumarou occupait le prestigieux poste de président de l’Assemblée nationale et Albadé Abouba non seulement tout puissant ministre de l’intérieur mais aussi passe pour l’éminence grise de Tandja, une sorte de Machiavel du régime. C’est dire que déjà au moment du tazarce Albadé Abouba se savait plus important et plus apprécié de Tandja que Seini.

Et dans la phase tazarce, Tandja avait retrouvé sa superbe et il avait la haute main sur son pouvoir confisqué de façon pompeusement et abusivement démocratique. C’est dire que les rapports Seini et Albadé étaient déjà susceptibles de se détériorer à tout moment du point de vue de leadership.

Et le mariage forcé entre Issoufou et Hama en se dégradant a trouvé ce terreau très favorable pour déclencher la tension des relations faussement concoctées pour le besoin de la cause du tazarce au prix de mille et un sacrifices pour le MNSD. L’initiative de la formation du gouvernement d’union nationale et le temps d’épreuve à l’opposition ont eu raison de ce qu’on pourrait appeler « zaman karya », ce mariage de raison qui avait atteint ses limites objectives depuis la chute de Tandja.

Et qui plus est, autant Albadé et ses amis avaient peur que Seini ne les vendent à Hama Amadou son mentor, autant Seini Oumarou n’avait pas intérêt à se retrouver avec le PNDS au risque de se ridiculiser comme chef de file de l’opposition mais aussi avec le risque de perdre sa base de Tillabery en laissant au Lumana le rôle de principal opposant.

Il y a donc à notre humble cette faille d’une relation artificielle scellée par le tazarce mais aussi la volonté du pouvoir d’Issoufou de se conserver. Et c’est cela que l’aile Seini n’avait sans cesse dénoncé comme « concassage » du MNSD.

Non. A la vérité, le pouvoir d’Issoufou a profité d’une situation qui l’arrange politiquement et il a tiré tous les avantages possibles. De cette situation, si les profanes voudraient en faire une tempête dans un verre d’eau, les hommes politiques et les observateurs du jeu politique ici comme ailleurs, eux savent ce n’est pas un argument politique sérieux de reprocher à son adversaire politique de vous « concasser » en tant que parti politique.

Lorsque Bazoum Mohamed en tant que philosophe politique disait que c’est même un honneur et un compliment qu’on leur fait lorsqu’on leur attribue cette faculté d’attirer les militants de leurs adversaires, cet argument est irréfutable tant que le jeu politique ne se passe pas autrement qu’il est connu à travers l’histoire des idées politiques.

Durant les sept ans de la primature de Hama, ce n’était pas autrement qu’il faisait de la politique. Et s’il avait eu l’occasion, le PNDS Tarraya serait réduit à sa plus simple expression. Et aujourd’hui, l’actualité oblige et considérant ce récit des péripéties de la situation du MNSD hier comme aujourd’hui, on peut aisément affirmer que la crise était latente depuis la création du MNSD.

Le plus grand dommage c’est à notre sens le fait que les sages du parti à commencer par Tandja n’ont pas pu assumer leur devoir pour la postérité en conservant la flamme qui a fait de ce parti ce qu’il fut dans l’histoire politique du Niger. Cette faillite est en train de rattraperles leaders de ce parti du vivant de Tandja.

Nous comprenons que le vieux Tandja ayant posé la pierre d’angle dans le pourrissement du MNSD Nassara avec son tazarce, ne pouvait que faire profil bas. Les observateurs avaient pensé pourtant qu’il détenait les clefs pour sauver le MNSD du naufrage actuel.

Il est à parier qu’avec la création d’une autre formation politique par les Albadé, le MNSD tend à devenir une formation politique moyenne sans commune mesure avec le Lumana encore moins le PNDS. Et cela est intelligible quand on sait que contrairement à une certaine opinion, les Albadé sont ceux qui maitrisent les dynamiques politiques et sociales au MNSD. C’est bien une victoire à la Pyrrhus pour Seini car en perdant « ses généraux » dans une bataille qui ne fait que commencer, on se voit forcément dans une position inconfortable.

Nous nous demandons : qu’est-ce qu’a fait le MNSD de l’héritage Kountché en termes de valeurs ? Un célèbre historien nous a confié que le seul mérite des héritiers de Kountché c’était d’avoir profité de la dictature de celui-ci en disant en langue hausa : « Kountché ya tauche musu su kan maciji su ka yi ta wasa da wucia » c’est-à-dire prosaïquement Kountché détenait les clés du pouvoir pendant qu’ils s’amusaient. Et notre historien regrette que tout ce beau monde issu du MNSD n’incarne pas véritablement les valeurs retenues de la gouvernance de Kountché. Juste un avis.

ELH. M Souleymane