Pèlerinage de La Mecque: la tragédie en questions

Plusieurs centaines de personnes sont mortes ce jeudi dans une bousculade qui s’est déroulée dans la vallée de Mina, à huit kilomètres environ de La Mecque. Retour en trois questions sur ce mouvement de foule meurtrier.

  • Que sait-on des circonstances du drame ?

La bousculade meurtrière s’est déroulée dans cette vallée de Mina où a lieu le rituel de la lapidation de Satan, durant lequel les pèlerins doivent jeter des cailloux vers trois stèles qui représentent le diable. C’est un moment très important du pèlerinage, mais c’est aussi le moment le plus dangereux, car les mouvements de foule ont lieu dans un espace très réduit. « Imaginez la population de Marseille, de Toulouse, de Lyon et de Lille rassemblée sur un défilé étroit : c’est cette concentration qui crée le risque de bousculade, explique Slimane Zeghidour, journaliste à TV5 Monde et auteur de plusieurs ouvrages consacrés à La Mecque. Il suffit qu’il y ait un cri de panique, un petit frémissement de la foule pour que le pire puisse arriver. »

Une enquête a été ordonnée par les autorités du Royaume pour déterminer les causes du drame, mais très vite, plusieurs responsables saoudiens ont incriminé le comportement des pèlerins accusés de ne pas respecter les consignes données par les organisateurs. De son côté, l’Iran, qui a perdu aussi des pèlerins, parle de failles dans le dispositif de sécurité… et reproche aux autorités la fermeture de l’une des voies d’accès au site de lapidation.

  • Comment expliquer ces drames à répétition ?

Ce n’est pas la première fois que des bousculades meurtrières endeuillent le pèlerinage de La Mecque. En janvier 2006, une bousculade sur le site de Mina provoque la mort de plus de 300 personnes. En 1990, ce sont plus de 1 400 pèlerins qui meurent asphyxiés dans un tunnel qui était mal ventilé. Depuis ces tragédies, les autorités saoudiennes affirment avoir pris les mesures nécessaires pour améliorer la sécurité. De fait, des travaux importants ont été réalisés pour faciliter les accès et pour fluidifier les mouvements de foule. Par exemple, sur le site de la lapidation de Satan, les piliers ont été agrandis et un pont les contournant a été construit afin de multiplier les points d’entrée et de sortie.

Mais ces efforts ne suffisent pas à résoudre le problème central du pèlerinage de la Mecque, à savoir l’affluence d’une telle masse humaine, sur un périmètre aussi réduit. Or, l’Arabie saoudite ne semble pas vouloir réduire le nombre des pèlerins ; au contraire, puisque des travaux d’agrandissement pharaoniques ont été engagés pour permettre à davantage de personnes de se rendre à La Mecque.

  • Pourquoi ne pas réduire le nombre de pèlerins pour améliorer la sécurité ?

Pour l’Arabie saoudite, le pèlerinage revêt une importance diplomatique majeure. Le prestige lié au pèlerinage lui permet de jouer un rôle prépondérant dans le monde musulman. En outre, le pèlerinage est une source de revenus de plus en plus importante. Enfin, il existe déjà des quotas de pèlerins alloués à chaque pays musulman en fonction de sa population. « Réduire de nouveau ces quotas ne serait pas une mesure facile à prendre, explique Slimane Zeghidour, car le pèlerinage est considéré comme une obligation canonique pour tous ceux qui ont la possibilité physique et financière de l’effectuer. » En essayant de réduire les quotas de pèlerins, Riyad risquerait de s’attirer les reproches et les récriminations des pays concernés… Sans parler du manque à gagner pour les caisses du Royaume.

Le choix de l’Arabie saoudite a été de parier sur le gigantisme des travaux engagés pour faire face l’afflux de pèlerins. Mais le risque est grand de voir se répéter, à l’avenir, les mouvements de foule et les bousculades meurtrières qui viennent endeuiller le pèlerinage avec une régularité macabre.

rfi.fr