Cette semaine votre précieuse rubrique interviews classées développement personnel et leadership a comme invité le journaliste, écrivain et politologue Dr Abdoulaye Hassane Diallo. Tour à tour, militaire, journaliste, politologue et ….idéologue, le destin de cet intellectuel « old school » est assez exceptionnel. Le « boko » ou l’école du blanc n’a pas de secret pour lui. Il assume courageusement ses choix controversés (COSIMBA sous Baré et TAZARCE sous Tandja). L’objectif initial de cet entretien pour Niger Inter c’était de recueillir quelques conseils utiles du doyen dédiés à ses jeunes confrères mais au finish on découvre une tranche de vie assez intéressante qui se dévoile et que chacun doit méditer à sa juste valeur. Une vie assez riche et mouvementée qui mérite d’être consignée dans un document autobiographique pour la postérité. A travers le parcours journalistique de cet homme d’action (militaire, panafricaniste actif, défenseur des droits humains, premier propagateur de l’hymne national du Niger …) on a une idée de l’évolution de la presse nigérienne et un rappel de certains moments forts de l’histoire du Niger.
Niger Inter : Présentez-vous à nos lecteurs et internautes.
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : Je me nomme Abdoulaye HASSANE DIALLO. Je suis nigérien natif de Téra où j’ai effectué mes études primaires et toute ma jeunesse. J’ai ensuite été admis à l’Ecole Militaire Préparatoire Africaine de Kati EMPA au Mali d’où je suis sorti avec le grade de Sergent en compagnie de deux autres camarades Oumarou HIMA Lieutenant à la retraite et Abdoulaye GAOURI , commandant à la retraite . A notre sortie de l’Ecole nos avions été affectés à la Compagnie Militaire Française « Escadron Blindé actuel Camp BAGAJI YA . Nous fumes transférés un mois après dans l’Armée Nigérienne à sa création le 1er Août 1961 à l’Etat-major. J’ai eu la chance d’être affecté au 5è Bureau (Propagande et Psychologie des armées) où j’ai eu à vulgariser l’Hymne National qui venait d’être mise à notre disposition et j’ai également sorti le premier numéro de notre Journal de liaison des Forces Armées Nigériennes « BERET VERT » qui fait la fierté de notre armée. Et dont j’espère que la parution continue. Je fus ensuite envoyé en stage militaire en Israël pendant 7 mois en compagnie d’Abdoulaye GAOURI et Moussa HASSANE (Paix à son âme) qui avait fini sa carrière comme Commandant. A notre retour nous devions créer un Centre pour former la milice ou jeunesse du parti RDA au Pouvoir . Cela ne m’avait pas agréé et le même jour où le Président DIORI Hamani nous avait reçus à son bureau je fus muté à Agadès à la 2è Compagnie Saharienne Motorisée CSM et les autres aussi au Groupement Nomade d’Ingal et à la Compagnie de Zinder. Je suis revenu à Niamey où j’ai passé mon Diplôme Militaire de Certificat Interarmes CIA à Tondibia. Deux mois après, je fus arrêté en compagnie de quelques camarades » pour tentative de coup d’état dont mon grand frère le Capitaine Amadou HASSANE DIALLO (Paix à son âme) avait été accusé comme étant le fomentateur. Il sera condamné à mort et effectuera 13 ans de cellule, un de mes frères magistrat fut condamné à vie et allait mourir en prison politique et quant à moi condamné aussi « à perpétuité » c’est à dire à vie j’ai croupi dans une cellule sur une natte pendant 6 ans avant d’être gracié pour le restant de ma peine à subir. Ma vie et celle de mes parents n’ont pas été seulement « sucrées ou rose » pour paraphraser ceux qui ont eu une vie de paradis . Mon beau-frère, avait été démis de son portefeuille de ministre de la défense puis envoyé comme Ambassadeur à Bruxelles en Belgique avant de mourir quelques mois à Niamey dans un mystérieux accident à Niamey un soir. J’ai tenu à bien énumérer cette glorieuse et triste page de ma vie. La vie est une trajectoire qui va du berceau au cercueil . Ironie du sort parce que toutes ces détentions se sont déroulées dans le terrible camp Pénal de Tillabéry réputé pour un être un camp pénal. Ce fut là où l’administration coloniale expédiait les plus grands criminels. Et bien 32 ans après ma peine, je suis devenu Maire de cette ville de Tillabéry. La vie est une véritable scène de théâtre où nous sommes tantôt acteurs ou spectateurs. C’est une vérité absolue car nul au monde ne maitrise ni son destin ni celui d’autrui. Mais » celui qui a vaincu sans péril triomphe sans gloire » Ceux qui sont habitués aux facilités n’ont encore rien compris de la vie. Pour moi les difficultés sont une source d’école et de leçons qui éduquent. Voici ma vie militaire. Une carrière qui avait bien débuté et qui m’a échappé tout jeune. Je ne dirais pas qu’elle est brisée mais qu’elle fut rectifiée comme toute autre carrière par le destin. Je peux remercier Dieu pour m’avoir encore laissé la chance d’être toujours en vie. J’ai été décoré de plusieurs Médailles Etrangères et Nigériennes. Je suis titulaire d’une médaille Israélienne qui m’avait été donnée par le Président BEN GOURION. Le Président Mahamane OUSMANE m’a décoré de la Médaille de Chevalier dans l’Ordre de Mérite, Le Président BARE m’a décoré de la Médaille de l’Officier dans l’Ordre National, le Président TANDJA m’a décoré de la Médaille de Commandeur dans l’Ordre National à titre Exceptionnel et enfin le Président ISSOUFFOU m’a décoré de la Médaille de Grand Officier.
Il m’a fallu refaire ma vie pour rattraper le temps perdu. Ce qui n’est pas du tout facile vu que le Niger était toujours sous le régime du RDA parce que la plupart des portes m’étaient fermées. J’ai dû me battre comme un lion. D’abord j’ai passé le bac A4 puis me suis inscrit à l’école des lettres avec le soutien inestimable de ma famille que je tiens à remercier ici pour m’avoir donné le substrat nécessaire dont je suis fier aujourd’hui.
Niger Inter : Parlez-nous de votre carrière de journaliste…
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : C’est à l’arrivée des militaires au pouvoir en 1974 que j’ai pu être recruté comme Journaliste en dépit des réticences des responsables de l’époque. J’étais journaliste au Sahel Hebdo où j’animais les rubriques « Villes et Villages »et les « collèges privés » qui venaient d’être créés. J’animais également parfois la rubrique « Quoi de neuf ? » puis des commentaires et des reportages.
J’ai ensuite passé le test pour entrer à l’Ecole Supérieure de Journalisme ESJ de Paris et l’Ecole des Hautes Etudes Internationales au 44 Rue de Rennes devenue 6 Place Saint Germain de Pré , surnommée le Quartier Latin , disons le « cœur de la France ». J’ai donc obtenu mes deux Diplômes : celui des Hautes Etudes Internationales et celui de l’Ecole Supérieur de Journalisme.
J’ai ensuite passé les tests d’entrer à l’Institut Universitaire de Technologie IUT Carrières de l’Information à l’Université de Bordeaux III où j’ai obtenu mon Diplôme Universitaire de Technologie DUT en Information et Communication. J’ai soutenu un Mémoire sur l’Agence Panafricaine d’Information. J’ai été admis à l’Institut d’Etudes Politiques de la Faculté de Droit Université Jean MOULIN Lyon III . j’ai donc soutenu un Mémoire de Maitrise sur la Société de Développement National avant de Soutenir un Mémoire sur l’OUA pour obtenir mon DEA en Sciences Politiques et enfin ma Thèse de Doctorat en Sciences Politiques Spécialité :Droit Public Interne toujours sur « L’Organisation de l’Unité Africaine face aux réalités Africaines et aux Problèmes des Etats Membres – Contribution à l’Unification d’un Continent 1963 – 1992 Thèse disponible au siège de l’OUA puis de l’U A et que j’ai personnellement remise au Président Alpha Omar KONARE et à Jean PING. Dès ma soutenance, elle fut envoyée au Secrétaire Général de l’époque Salim Ahmed Salim. J’ai au cours de ma carrière de Journaliste été nommé DG de l’ONEP par décret Présidentiel en Conseil de Ministres. J’y suis resté deux ans jusqu’au Coup d’état de Daouda Malam Wanké qui m’avait débarqué et j’avais cédé ma place à l’actuel Conseiller en Communication du Président de la République . J’ai gardé un bon souvenir avec des camarades que j’avais retrouvés et j’ai beaucoup appris et ai pu mettre mes compétences à la disposition de mes frères et de mon pays. J’avais apporté quelques améliorations sans bouleverser l’essentiel d’ailleurs je me souviens d’un Editorial que j’avais rédigé sur BARE et un journaliste, un ami notamment OMAR Ali m’a dit « non DG, on ne passe pas ce papier. » Et on ne l’a pas passé même étant Conseiller auprès du Président TANDJA, je suis toujours allé voir mes collègues à l’Office Nationale d’Edition et de Presse (ONEP). Un jour OMAR me répliqua « DG tu es un démocrate » se rappelant certainement du fait que je puisse accepter d’être censuré étant Directeur général de l’Office. Je considère le journalisme comme une famille où l’on partage tout et où l’on doit se protéger. Mais lorsqu’on est Chef on doit assumer, protéger , couvrir et aider les collègues et son personnel.
Ma carrière en journalisme m’a conduit à assumer également la fonction du Conseiller Technique en Communication du Président de la République TANDJA Mamadou pendant 5 ans jusqu’au Coup d’état du Commandant Salou DJIBO qui m’avait aussi débarqué . D’ailleurs je rends hommage à tous ces Chefs d’Etat qui m’ont confié des hautes responsabilités de l’Etat. Je n’oublie pas CHEIFFOU Amadou qui m’avait nommé chargé de Mission à son Cabinet à la Primature et le Président Mahamane OUSMANE à qui je dois mon poste de Maire . J’ai connu des moments heureux et parfois de regrets au niveau d’une équipe autour d’un dirigeant. Mais ces Chefs d’Etat m’ont offert l’occasion de servir mon pays. Ce dont je leur suis très reconnaissant. Je profite de votre tribune pour le manifester. D’autant plus que je garde toujours de bons rapports et une grande estime en leur endroit. Je l’ai dit dans mon dernier livre « De l’Organisation de l‘Unité Africaine à l’Union Africaine : S’unir pour construire ». J’ai écrit 4 livres dont l’un : Le Niger se Construit TANDJA Mahamadou : Promesses tenues a été traduit en langue Chinoise . Voilà qui suis-je et ce que je retiens de ma carrière de journaliste qui me colle à la peau puisque j’ai fondé et dirigé un journal La Liberté devenu par la suite La Liberté Nouvelle.
Niger Inter : Quelles différences faites-vous dans la pratique du métier sous la dictature et aujourd’hui ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : Merci pour cette pertinente question parce que les contextes sont très différents aussi bien dans le temps que dans l’espace . Notre contexte était logé dans une période d’un régime militaire d’exception. Un régime où le Chef Suprême qu’était le Président avait pouvoir de vie et de mort sur chaque citoyen. La Presse ou disons tous les médias qui étaient étatiques n’étaient que la voix de leur Maitre . L’actualité tirée des conférence de rédactions n’avaient pour menu que les activités du Chef de l’Etat et de son gouvernement suivies de celles des Préfets des Régions. Tout le monde se tenait au « carreau ». Le vrai Ministre de la Communication était le Chef de l’Etat que l’on appelait illégitimement « Président de la République » puisqu’il faut être élu pour se munir du titre de Président. La Constitution étant suspendue, sans Assemblée nationale allez comprendre. Même sous la Première République régime de Parti Etat RDA c’était idem. On disposait des moyens pour fonctionner mais les outils de travail étaient archaïques Au niveau des rédactions nous disposions des machines à clavier avec des secrétaires formées sur le tas qui malgré leur bonne volonté ne pouvaient travailler qu’en passant parfois pour aller plus vite avec dix doigts. Quant aux reportages les responsables avaient peur de s’exprimer pour cela il faut des semaines avant d’obtenir une audience pour effectuer un simple entretien. C’est motus et bouche cousue. Et là encore il faut des notes de service ou l’intervention du Directeur de l’Information. Sinon on est trimballé de Gauche à droite. Une fois l’article et le reportage terminés il faut attendre le bon vouloir des rédacteurs en Chef qui à leur tour soumettent nos écrits au Directeur qui n’a souvent pas le temps et les papiers attendent pendant que le temps passe. A un moment c’était le ministre en personne qui tenait à les lire alors qu’il est souvent en Conseil ou en voyage. Que de galères ! Mais une fois que ce parcours de combattant est franchi, il reste maintenant l’impression. L’imprimerie était un autre casse-tête chinois parce qu’il faut rester à côté des télétypistes pour leur lire le texte mot à mot. Et eux n’ont pas poussé leurs études loin. En plus c’est avec le marbre qu’ils travaillent. Donc ils tapent avec les doigts et tirent des bandes que nous devons corriger encore. Le journal sort lorsque les bandes sont corrigées et on les colle les unes aux autres avant de les tirer. C’est dire que notre présence était obligatoire jusqu’à la signature du B à T ( Bon à tirer et jusqu’à la sortie du journal parfois jusqu’à 5 h du matin. Quant à l’Hebdomadaire on passe le weekend pour terminer vers 3 h ou 4 h du matin. On passe tout son weekend ainsi que les jours de fête à l’imprimerie. On prenait souvent nos repas sur place. Mais nos articles étaient bien rédigés et on dénombrait peu de fautes pas comme de nos jours où la lecture de certains journaux vous donnent des maux de tête . Les journalistes se comptaient au bout des doigts. On était fier d’être journaliste. Aujourd’hui vous disposez d’énormes moyens et potentialités mais l’excellence n’est pas au rendez-vous car tout le monde peut devenir journaliste sans la moindre souffrance ou formation. On va sur internet et c’est fini on a son journal tout fait, il suffit de le mettre sur le marché Hop le tour est joué . C’est bien dommage.
Niger Inter : Vous êtes également politologue, un journaliste peut-il être militant d’un parti politique et faire son travail de journaliste ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : Mais nous avons connu le journalisme de la pensée unique avec des grandes contraintes sans outils de travail sophistiqués, mais la fonction était honorée et respectée. Aujourd’hui avec l’avènement de la démocratie, il n’y a plus d’éthique ni de déontologie à respecter. II est vrai que de nos jours nous avons également de bons journalistes qui entrent dans la profession alors que d’autres foncent tête baissée et font feu de tout bois. Ceux-là doivent faire extrêmement attention parce qu’un chirurgien n’est pas un charcutier et comme dit le Fondateur et Directeur de l’EFOPPRIMES , on ne peut pas faire d’un âne un cheval de course. Ce qui est vrai du reste. II faut se perfectionner, aimer le métier par amour et par vocation. Pour moi la liberté est universelle et elle est un tout. Mais chaque citoyen est libre de se choisir la fonction qu’il veut, d’exercer le métier qu’il veut pratiquer, de pratiquer la religion de son choix, d’adhérer au parti politique qu’il veut, d’avoir des opinions Et….c’est une décision personnelle et elle n’engage que l’auteur. La loi fondamentale est là pour réguler les actes des auteurs. Et d’ailleurs comme je le dis le journalisme est une passerelle par laquelle on passe pour faire de la politique. Combien d’hommes et femmes politiques sont passés par le journalisme ? N’a-t-on pas dit d’ailleurs que « le journalisme mène à tout pourvu de savoir s’en sortir » ? IIs sont nombreux .Car un bon journaliste a la plume et la parole faciles . Ce qui manque à beaucoup d’hommes politiques. En plus le bon journaliste dispose d’un carnet d’adresses assez consistant. II a une facilité de persuasion et peut bien argumenter pour facilement convaincre. Partout dans le monde, s’il n’y a pas de journalistes qui font de la politique le monde serait devenu très triste .II faut seulement aimer son métier et savoir le pratiquer.
Niger Inter : Quelle est votre perception de la presse nationale aujourd’hui ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : A chaque époque sa manière de faire. Le Président TANDJA disait « Zomon zamani sey caren za mani » autrement dit à chacun son temps. Nous sommes dans un moule, un monde globalisé et de nos jours tout semble se ressembler. Chez nous comme partout en Afrique nous devons aimer notre métier et l’exercer en respectant justement toutes les règles déontologiques. II y a chez nous des choses qui fâchent dans la manière de traiter certains sujets . Parce qu’ils sont traités avec le maximum de légèreté avec des diffamations , des affirmations gratuites ou même des insultes qui obligent les signataires soit à présenter des excuses ou de se retrouver devant les tribunaux, inutilement. Un journaliste et son « canard » doivent refléter une véritable crédibilité. Mais j’ai bon espoir que tout cela va s’améliorer avec le temps parce que ce n’est pas une course de vitesse mais de fonds. Il faut peut-être donner le temps au temps.
Niger Inter : Nous avons au Niger un conseil supérieur de la communication censé réguler la communication mais l’intrusion du politique l’en empêche et ce, sous les tous les régimes comment expliquez-vous cet état de fait ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : Vous savez que c’est la Conférence Nationale Souveraine qui a décidé de la création d’un Organe de régulation des Médias. Ce qui est une bonne initiative pour freiner l’anarchie de cette force de frappe et ce contrepouvoir puissant. C’est comme tous les Ordres disons celui des Magistrats et des Avocats où les paires s’auto disciplinent. Cela a permis d’éviter des dérives qu’il n’est pas facile d’enrayer. II faut tout d’abord que chaque organe disons journal se plie aux règles que tous les médias ont décidé de mettre en place, à volonté c’est à dire le CSC . La peur du gendarme est le début du commencement de la sagesse disait un jour à une de nos réunions des journalistes, le Capitaine Cyrille GABRIEL, alors Ministre de la communication. C’est bien vrai parce que le CSC à beau mis en garde , sanctionné, il revient aux Médias de comprendre leur douleur. Mais, ce n’est pas pour autant que j’excuse le CSC d’ailleurs qui s’y emploie pour nettoyer les écuries d’Augias. En effet, on ne doit pas par exemple permettre à un média qui ne remplit pas les conditions de création et d’existence de paraitre. Je donne quelques exigences. Sinon comment peut-on comprendre qu’un journal qui n’a pas de siège, ou qui ne respecte pas la fréquence de parution, ou qui ne tient pas de comptabilité puisse obtenir le quitus ? Même si c’est le Procureur de la République qui donne le quitus de la parution. Son rôle n’est pas de suivre les médias sauf que j’ai personnellement été victime. En effet mon premier titre était Labari. Un matin j’ai vu ce n° paraitre et cela sans qu’on ne m’avertisse. Nous étions dans les années 1995 puis j’ai pris La liberté. Mais c’est avec plaisir que notre confrère Ali IDRISSA a créé un Média Labari qui nous informe et nous éduque . Voilà parfois ce que le manque de suivi produit. C’est tout comme les formations politiques ou autres organes qui se créent en ne remplissant pas les conditions requises. II faut se discipliner. C’est la recherche du gain facile mais qui peut tourner au ridicule et faire mal à la Société. En plus il y a la pression exercée sur cette structure où on peut dénombrer des intouchables comme partout. Mais le CSC dont les membres choisis par leurs paires dépend du budget de l’Etat et le patron est le Représentant du Président de la République ainsi que du Président de l’Assemblée et du Premier Ministre qui ont aussi leurs quotas. Cependant si l’on veut l’indépendance du CSC, il faut absolument que ses membres comme les Directeurs des Organes de Presse soient cooptés par le Parlement. IIs ont ainsi plus de latitude pour agir dans l’intérêt de la Presse et de la Société . Mais, à mon avis, les membres du CSC sont de vrais professionnels c’est sur le plan juridique qu’ils ne sont pas protégés. Le CSC et les Médias ne doivent pas être des adversaires. Bien au contraire, il faut aussi leur faciliter la vie au cours de leurs mandats respectifs. Cela aussi demande de la solidarité confraternelle. Mais pour répondre précisément à votre question, je pense que si les problèmes demeurent et on observe une certaine régression par rapport à l’esprit de la Conférence Nationale c’est bien parce que le pouvoir politique ne s’accommode pas forcément avec la liberté de presse. Je pense que si on voudrait d’une véritable démocratie, il est grand temps de laisser cette institution jouer le rôle qui lui est dévolu.
Niger Inter : Comment être journaliste et fonctionnaire autrement dit comment travailler comme journaliste et fonctionnaire dans les medias publics ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : Mais comme je l’ai dit plus haut, un journaliste n’est pas un super homme. II sert la société et cela à tous les niveaux. Maintenant lorsqu’il est élu ou nommé à un poste politique comme cela m’est arrivé moi-même, on assume ses fonctions en laissant aux autres journalistes le soin d’exercer leur métier. Mais, il peut parler de journalisme et même donner son point de vue sur des questions médiatiques. Parce que la profession colle à la peau et on y est pour toute la vie. On peut aussi prendre son indépendance comme je l’ai fait en quittant la fonction publique de moi-même depuis que j’ai fini mes études. D’ailleurs tous les postes politiques que j’ai occupés j’avais tout juste un contrat avec l’Etat. C’est pourquoi à chaque fois qu’un régime m’éjectait de mon poste je reprenais ma liberté . C’est un choix difficile que j’ai fait mais que j’assume avec fierté. Parce que si j’étais à la fonction publique on pouvait m’envoyer dans un petit coin pour compter les étoiles ……naturellement. Pendant mes traversées du désert ,le temps que j’aie un emploi, je galérai mais j’ai préféré cela que de subir des humiliations lorsque le pays change de régime.
Niger Inter : Au Niger on parle de corruption dans les milieux de la presse. La tendance de la presse nigérienne est bipolaire (pouvoir et opposition). Pensez-vous qu’on est forcément corrompu lorsqu’on a une conviction politique ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : Dans tous les pays du monde la corruption fait école. Mais dans nos traditions africaines il y a ce qu’on appelle la solidarité que les occidentaux appellent corruption. La vie est un monde de donnant-donnant. Et comme on dit ce sont deux mains qui se lavent. Mais il faut le faire dans la transparence. II arrive à tout le monde d’offrir ou de faire des cadeaux. C’est humain. Cependant lorsqu’on gère le bien commun on doit faire attention parce que le jour où il faudra rendre compte viendra. Tôt ou tard. Mais le milieu politique est une jungle qui ne se fait pas de cadeau, iI faut être prudent .
Niger Inger : qu’est-ce que la ligne éditoriale d’un organe de presse ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : La ligne éditorialiste repose sur la philosophie du journal et celui qui finance l’organe de presse a un droit de regard sur ce qui se dit ou s’écrit. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner de voir les médias publics être au service du pouvoir dont ils dépendent et qui les financent. Naturellement, lorsqu’on paye vos condiments vous n’avez aucun pouvoir sur le menu. C’est clair le Président Ahmed SEKOU Touré disait que « Nous n’avons pas obtenu notre indépendance pour perdre notre liberté » Si on n’est pas d’accord on quitte le navire et on va chercher ailleurs. Ce n’est pas plus difficile que cela. II n’y a pas de Presse indépendante. Au vrai sens du mot parce que derrière se cachent des grands intérêts. Ll faut simplement aussi tenir compte du lectorat qui est exigent. On ne peut pas changer le monde à sa guise.
Niger Inter : Aujourd’hui Mediapart accuse Jeune Afrique de corrompu quelle est votre opinion sur le rôle de ce doyen de la presse panafricaine ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : Mais Mediapart dont E PENEL a été et demeure la vedette a eu des comptes à régler avec Pierre PEAN qui par son livre La face cachée du Monde a fait virer son confrère du Monde. Mais moi je respecte Jeune Afrique mais le coup fourré joué à notre compatriote et confrère ABBA Seidik m’a décontenancé à plus d’un titre. Mais vous savez que le monde des métiers est aussi une terrible jungle. C’est bien triste.
Niger Inter : En tant que doyen et politologue que dites-vous de ce qu’on appelle « concassage » des partis politiques attribué par l’opposition au président de la République ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : C’est également très triste pour ce que vous nommez « le concassage des partis ». J’ avais d’ailleurs dans mes interventions et écrits condamné le nomadisme politique à un moment où un seul député que je ne nommerai pas a fait changer de majorité. Et cela a dû conduire à une prise de pouvoir par l’Armée. Je n’ai personnellement jamais compris à quoi cela peut nous conduire. Je pense que nous mettons à mal notre démocratie acquise de très hautes luttes. Mais comme la politique est un jeu de dupes, bon il y a aussi des ambitions personnelles. De toutes les façons chacun assumera un jour ou l’autre la responsabilité de tels comportements. Je me demande comment des personnes qui se sont tout le temps combattues les yeux dans les yeux peuvent – ils tout de go composer honnêtement. Est-il possible de défendre un programme politique que l’on a toujours rejeté pour un poste éphémère de ministre ? Mais au Niger tout est possible parce que toutes les formations politiques se sont combattues, dans un pays où nous avons assisté à des alliances contre nature, des cohabitations éphémères, des Républiques qui dégringolent avec 9 Présidents depuis l’Indépendance et 4 coups d’Etats ; Et en dehors du Président TANDJA qui a fini 2 mandats avant de vouloir initier un Tazartché auquel moi-même j’étais pleinement associé en tant que Conseiller et J’assume pleinement puisque c’est un débat d’idées , aucun président n’a pu achever son mandat de 5 ans sans avoir été débarqué. C’est pour cela que je pense que nous avons tous intérêt à accompagner le président ISSOUFOU afin qu’il achève son mandat sans tempête . Le Peuple désignera son prochain président dans 7 mois. ll y va de l’intérêt de notre démocratie balbutiante. Nous aurons gagné en démocratie pour enfin nous consacrer au développement de notre pays victime et qui attend tout de nous tous à juste titre d’ailleurs. Laissons la politique aux politiciens parce que le moment venu, ils se retrouveront comme ils l’ont toujours fait. Aidons les à construire .Parce que chacun de nous , à son niveau , a une responsabilité et un rôle à jouer.
Niger Inter : En tant que citoyen nigérien quelle est votre opinion sur l’affaire dite des bébés importés ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : L’affaire des bébés importés est plus qu’un scandale humain. C’est une honte pour un nigérien dont même le Code de Justice n’y a jamais pensé. II faut que tous ceux qui sont concernés de près ou de loin soient jugés afin de tirer un trait sur cette monstruosité Nous avons d’autres chats à fouetter. Surtout dans le domaine sécuritaire.
Niger Inter : Le Niger va vers les élections générales bientôt. Quels sont vos conseils pour un dialogue entre pouvoir et opposition à ce propos ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : En effet nous allons vers des élections générales bientôt comme vous le dites. Notre pays a organisé plusieurs élections, DIEU merci et en dépit de quelques imperfections comme cela était arrivé avec BUSH où il a fallu compter et recompter avant de trouver le bon ticket, nous avons toujours pu dominer nos passions face à l’intérêt commun. Je n’ai personnellement aucun conseil à donner. Je pense que le Président ISSOUFOU est un homme averti que le temps a forgé pour avoir fait avec tous les pouvoirs et surtout être resté plus de 20 ans dans l’Opposition. II a eu toute la latitude d’observer tous ces pouvoirs et tous ces hommes politiques qu’ils a côtoyés et qu’il connait bien. Rien qu’avec la collecte des erreurs commises par ses prédécesseurs, il peut déjà se tirer d’affaire. II n’a pas besoin de Conseil et il n’a pas droit à l’échec. II a obtenu sa victoire grâce à une combattivité sans relâche et je crois qu’il doit en tirer bénéfice. Quant à l’Opposition, elle a déjà exercé le pouvoir et sait qu’en démocratie seules les urnes tranchent. Puis chaque régime est jugé par ses actions constructives et le citoyen est seul maitre et arbitre du jeu. II faut argumenter avec des cas concrets même si en politique on met parfois du piquant dans la sauce. Je pense que les Nigériens sont assez mûrs dans ce domaine et qu’ils savent ce qu’ils veulent, Ils savent également sanctionner. C’est un peuple d’une grande valeur, patient mais très lucide.
Niger Inter : Quelle lecture faites-vous du style de gouvernance du président Issoufou ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : Je crois que c’est au peuple nigérien qui a prêté ce mandat qui va juger le moment venu. Et donnera son avis. Quant à moi mon opinion importe peu sinon qu’en tant que citoyen je constate des bonnes actions mais également des failles au niveau de cette gouvernance. Mais en vain, l’l’homme est infaillible. Je pense que le Président et son équipe savent à quoi s’en tenir .Je sais seulement qu’il y a des améliorations à apporter et pense que s’il obtient le suffrage prochain il devrait mieux écouter et rendre plus souvent visite aux populations pour discuter avec elles. II pourra s’enquérir directement des nouvelles sur le terrain. Je lui conseillerai de s’impliquer plus parce qu’après son deuxième mandat, son parti présentera aussi un candidat. II peut aller prier dans un quartier de Niamey un vendredi ou inviter des jeunes ou des femmes, des policières, des gendarmettes,, des pileuses, des femmes agents des eaux et forêts toutes catégories en leur disant : merci la République vous est reconnaissante. II pourra multiplier autant d’actions afin que le peuple garde un meilleur souvenir de lui. La politique est aussi un art. Je sais qu’il est entouré d’excellents conseillers.
Niger Inter : Avez-vous un mentor ou un modèle en tant que journaliste ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : Je ne sais pas ce que vous appelez mentor et je ne sais pas si j’en ai . Mais comme tout le monde il y a des gens que j’admire et DIEU seul sait qu’ils sont légion.
Niger Inter : Pouvez-vous citez au moins trois grands journalistes au Niger et dans le monde que vous avez admirés tout au long de votre carrière journalistique?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : J’admire beaucoup de gens qui ont pu accomplir ce que la vie ne m’a pas permis de faire. Voyez-vous lorsque j’étais à l’école primaire de Téra, j’avais toujours été le premier de ma classe. Je me rappelle que de la classe de CE2 j’allais enseigner les mathématiques en langue Djerma aux élèves du CM2 ; puis j’avais organisé une grève contre l’administrateur blanc Abel BOURLON pour l’obliger à faire défricher notre terrain de sport avec le Caterpillar. Et le postier de mon village un Dahoméen Mr KOUIKOUI m’appelait « avocat défenseur ». Et tout petit j’avais juré de faire l’armée, le journalisme et la politique. Et j’en ai fait les 3. Sauf la prison que je n’avais pas prévu, je l’ajoute à mon palmarès. J’admire par exemple Hubert BEUVE MERY qui n’a jamais fait du Journalisme et qui a créé le journal le Monde. Quelle formidable personnalité qui a aidé à révolutionner le monde entier ! J’ai connu Roger GICQUEL , meilleur présentateur du Journal de 2O H sur TF1 dans les années 8O.
Au Niger je peux parler de DIADO Amadou et HAROUNA Niandou à la presse écrite avec lesquels j’ai eu à travailler à l’information lorsque j’étais Journaliste. Il y’a également HIMA Dama-Dama, Halirou Bakoye, AMADA Bachar, BOUREIMA Ali ( Paix à son âme) journaliste à la radio et télévision en langue Djerma, Haoussa et Peulh. Ils font partis des pionniers du journalisme au Niger. Je cite aussi Feu Daouda DIALLO (Paix à son âme) qui était mon ministre et ensuite mon collègue lorsque j’étais Conseillé en communication à la Présidence.
Niger Inter : Quels sont vos conseils à l’endroit des professionnels de la communication ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : A priori je n’ai pas de conseils à prodiguer. Je pense que tout ce que j’ai dit plus haut pourrait servir de conseils sinon de pistes ou de repères pour accompagner mes jeunes confrères dans la voie d’un journalisme de qualité aussi bien au Niger que dans le monde. Je leur conseille surtout de se munir à chaque fois du bréviaire aux métiers de la communication. De ne jamais pervertir la profession et d’en être très fiers. Certes nous devons aussi accompagner nos jeunes loups parmi lesquels d’ailleurs il y a de jeunes talents. Je leur demande de ne pas être trop pressés et de suivre les pas de leurs devanciers parce que « l’enfant qui grandit a besoin de lumière ». IIs sont encore jeunes et ont l’avenir devant eux. Cependant comme dit une publicité « que la vie est très courte pour s’habiller ».
Niger Inter : en tant que doyen quelle est votre perception de Niger Inter ?
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO : Niger-Inter est une tribune d’information qui nous permet de nous informer, de nous sensibiliser, d’échanger de débattre….il nous donne l’occasion de discuter, de débattre des sujets de sociétés parfois dans une contradiction positive malgré la distance. Je rends hommage aux initiateurs et aux animateurs de cet organe de presse. S’il n’existait pas il fallait l’inventer et DIEU merci parce qu’il existe.
Niger Inter n’est pas de trop dans la sphère médiatique, nous lui rendons grâce et prions DIEU qu’il continue d’occuper toute sa place pour continuer à défendre les justes causes, le droit et la justice en servant de porte-voix aux sans voix c’est-à-dire au Citoyen lambda. Dieu le lui reconnaitra. Pour moi qui suis Nigérien et Journaliste c’est un honneur de voir des jeunes se jeter à la piscine afin de réveiller les consciences encore endormies . Je lui souhaite longue vie, bonne chance et courage. Je demande aussi aux autres confrères de soutenir Niger-Inter dans sa noble et digne mission. La relève est déjà assurée. DIEU merci.
Réalisée par Elh. Mahamadou Souleymane