Plus le temps passait inexorablement, plus les pistes conduisant au pouvoir se brouillaient pour l’ARDR, perdue au milieu de nulle part, tel un bateau ivre sans gouvernail de direction, tanguant au gré des vagues, voué irrémédiablement à un naufrage certain. A quelques mois seulement des échéances électorales de 2016, elle patauge en plein doute et incertitude, car les écuries sur lesquelles elle comptait se lancer dans la course électorale, c’est- à—dire les formations politiques majeures (MNSD, CDS et Lumana), ne sont pas aujourd’hui en ordre de bataille. Depuis sa création aux forceps en 2013, après le cuisant échec de la constitution d’une nouvelle majorité parlementaire pour mettre le Président de la République en cohabitation, l’ARDR n’aura jamais eu une âme véritable pour exister, d’abord politiquement, ensuite pour espérer constituer une alternative crédible au régime de la renaissance du Niger. En effet, ce n’était pas une alliance au sens noble du terme en ce qu’elle a de réfléchi et de constructif pour une nation en transition démocratique comme la nôtre, mais bien au contraire, un ramassis de politicards revanchards frustrés d’avoir perdu leurs situations de rente qu’ils croyaient de droit divin. Dans l’analyse des causes objectives de leur déchéance politique actuelle, ces politiciens caviars ne s’étaient jamais livrés à une introspection personnelle, une remise en question de soi afin de tenter de repartir sur de nouvelles bases plus saines. Inconséquents en eux-mêmes, dénués de toute grandeur d’âme qui est l’apanage des grands hommes, baignant entre inconstance et trahison politiques, ils font croire que tous leurs malheurs actuels proviennent d’un seul homme : le Pré- sident Issoufou. Dans cet aveuglement suprême, devant cette absence de mea culpa pour reconnaî- tre leurs propres erreurs, les principaux dirigeants de l’ARDR tentent d’esquiver ce qui fut leur part de responsabilité dans le destin politique qui est aujourd’hui le leur. Dans ces conditions, comment une alliance pareille, qui n’avait rien d’auguste comme celles historiques (AFC, FRDD, CFDR), pourrait-elle incarner l’espérance au Niger ? Or, pour qu’une organisation humaine, quelle qu’elle soit, puisse incarner l’espoir, faudrait-il encore que ses dirigeants soient exemplaires à tout point de vue, c’est-à-dire désintéressés, d’une grande abnégation et surtout d’un grand courage politique à toutes épreuves ! Or, lorsque l’on tente d’analyser le caractère de chacun des trois personnages qui président actuellement aux destinées de l’ARDR, l’on se rendre compte que les vertus citées plus haut n’ont jamais été la possession de ces politicards qui avaient profité à un moment de certains concours de circonstances heureux pour se hisser aux plus hautes places de la république. Tour à tour, nous dresserons les portraits croisés de ces trois hommes politiques sans doute arrivés à une fin de carrière dont ils refusent l’échéance pourtant inéluctable. Nous débuterons cette triste saga avec Mahamane Ousmane alias Nafarko,’’ le premier président démocratique élu’’, le premier pré- sident déchu !
Mahamane Ousmane, de la sublimation de rêve, à la déchéance totale
De lui, les Zindérois ne garderont à son actif que la clôture du cimetière musulman de la ville, histoire de bénéficier d’une maison au paradis comme cela est promis pour l’auteur d’une telle action ! Porté naguère par une déferlante verte et aussi par les forces démocratiques face au candidat du conservatisme, au début de la dé- cennie 90, Mahamane Ousmane accéda à la magistrature suprême alors qu’il était un parfait inconnu de la majorité des Nigériens. Il semblait porteur d’une grande espérance populaire, notamment les aspirations à la démocratie et à la liberté du peuple nigérien et aussi le désir de changement après plusieurs décennies de régime monolithique. Malheureusement pour les démocrates nigérien, Mahamane Ousmane ne fut point l’hirondelle annonciatrice du printemps démocratique pour lequel les forces vives de la nation s’étaient battues trois ans plus tôt. On ne retiendra de son éphémère règne que le dé- clin de l’esprit civique avec le développement d’un affairisme débridé au sommet de l’Etat dont il était luimême le chef d’orchestre. Sous son règne, que de régression dans tous les domaines de la vie nationale. Mahamane Ousmane n’avait jamais été ni le président de la prospérité, ni de la postérité en trois ans de gouvernance. Et c’est en toute logique que les Nigériens applaudirent sa chute en 1996, lorsque le Colonel Baré eut mis fin à la ‘’ré- création’’ (le wassosso) en montrant que la baïonnette ne servait pas seulement à se curer les dents creuses, mais pouvait aussi permettre de donner un coup de pied dans le derrière ! Comble de lâ- cheté, il signa même l’acte selon lequel il renonçait, volontairement, au pouvoir, trahissant ainsi la grande confiance que les démocrates nigériens lui avaient accordée en l’élisant à la magistrature suprême. N’ayant plus une grande consistance électorale du fait du tassement de la CDS sous son magistère controversé, il se transforma alors en simple porteur d’eau pour être désormais le faiseur de roi au Niger. Grâce à ce nouveau fond de commerce auquel il réduisit la CDS, il put monnayer (au propre comme au figuré) son allé- geance à Tandja Mamadou contre le perchoir à l’Assemblée Nationale qu’il régenta pendant une décennie. Il profita alors de ce strapontin pour parfaire sa connaissance du monde en voyageant dans les quatre coins du globe, cumulant casquette sur casquette, et last but not the least, il multiplia ses frais de missions de façon exponentielle. Et comme tout à une fin en ce bas monde, Nafarko ne fit que huit misérables pour cent de voix aux dernières élections gé- nérales de 2011, pire il ne put même pas être élu député dans la future assemblée de la septième république ! C’était-là le début de sa descente aux enfers qui s’achèvera avec la perte de la présidence de la CDS au profit du taureau du Gobir, Abdou Labo. Devenu aujourd’hui un simple SDF de la politique nigé- rienne, dévoré par une haine morbide contre le Président Issoufou, on peut affirmer, sans risque de se tromper, que les lampions de la carrière politique de Nafarko se sont dé- finitivement éteints. Les dernières gesticulations ne sont que le reflet des derniers ébats d’un agonisant. Personne de sérieux au Niger ne le regrettera, aucun livre d’histoire politique ne mentionnera son calamiteux passage à la tête de l’Eta : simple accident de parcours du Niger ! Le deuxième gâchis politique fut incontestablement, Hama Amadou,’’ le compagnon politique’’ de Tandja, aujourd’hui devenu HP (Honorable Parisien) ou pour les intimes le Fugitif.
Hama Amadou ou le complexe du sac au dos !
Il avait connu son heure de gloire politique lorsqu’il était le fringant et tout-puissant PM sous la paisible Cinquième république. Hama réalisa l’exploit unique au monde, dans un régime semi- présidentiel, durant tout un mandat de cinq ans, d’avoir totalement éclipsé le président de la république, pourtant pivot des institutions dans un régime de cette nature, en réduisant celui-ci à l’inauguration des chrysanthèmes ! Sacré Hama ! Rappelez-vous ce qui se racontait dans toutes les ‘’fadas’’ de Niamey : Tandja na kouana, Hama na ga sata’’, autrement dit, ‘’pendant que Tandja dort, Hama est en train de voler’’ ! Cette image populaire exprimait une idée simple : Hama le PM était le vrai patron du Niger. Il faisait et défaisait tout ce qui lui plaisait ou ne lui plaisait pas. Les rares citoyens qui refusaient de marcher dans ces pas forcés, notamment les journalistes et les militants mal-pensants du partis, lorsque les premiers étaient tout simplement embastillés sans aucune forme de procès équitable pendant que les seconds faisaient l’objet d’ostracisme aigu à l’intérieur du MNSD. Il avait formaté aussi bien le MNSD que tout l’appareil de l’Etat pour le ‘’hamiser’’, c’est-à-dire ré- duire tout à sa dimension, sa volonté : ne pouvait accéder à un poste de responsabilité important qu’en passant par le tamis du hamisme. Au finish, tout l’Etat lui appartenait. Il avait su créer, construire de toutes pièces, une mafia clanique pour piller les ressources publiques par le biais des LAP, PSOPP, des marchés de gré à gré ou autres plus commodes, par entente directe, afin de se constituer un trésor de guerre hors du commun ! Jamais dans l’histoire contemporaine du Niger, l’on n’avait assisté à une si forte collusion entre milieux d’affaires et instances dirigeantes au plus haut sommet de l’Etat qu’avec Hama Amadou comme PM ! L’homme était si sûr de lui, de sa force de frappe qu’il avait envisagé de se présenter aux élections présidentielles de 2004 à travers le GRGN 21 de l’une de ses amazones, Hadiza Seini. A cette époque, il était à l’acmé (apogée) de sa carrière. Presque tout lui réussissait jusqu’à la date fatale du 31 mai 2007, lorsqu’il fut chassé comme un malpropre de la primature avec l’aide de sa propre majorité qu’il n’avait d’ailleurs pas hésité à qualifier de ‘’majorité sans âme’’ ! Commença alors sa lente et longue descente aux enfers qui le conduisit d’abord au goulag de Koutoukalé où il passa dix mois de prison, ensuite il s’exila durant de longs mois pour ne réapparaitre furtivement qu’à l’occasion des obsè- ques du vénérable PF, Djermakoye (Paix à son âme) en juin 2009. Du fond de sa cellule à Koutoukalé, il assista impuissant à la prise de pouvoir pour le contrôle du MNSD par le duo Seini/Albadé à l’issue du congrès de Zinder de Février 2008, consacrant ainsi ses obsèques politiques. Cruelle désillusion pour celui qui avait tout mis en œuvre pour la présidentielle de 2009 ! Sorti de prison pour des raisons de santé avec l’aide précieuse du Tarrayya, il prit, rapidement, la poudre d’escampette pour un long exil à l’étranger qu’il se fit un malin plaisir de prolonger après le lancement du mandat d’arrêt international contre les trois leaders de la CFDR de l’époque. Ouvrons ici une parenthèse pour rappeler à nos chers lecteurs les grandes retrouvailles entre Mahamane Ousmane et sa seconde épouse grâce au courage de Zaki qui transporta cette dernière de Niamey à Abuja pour la remettre, comme un colis, à la disposition de son époux ! Mais revenons à notre Usain Bolt national pour signaler la fin de son premier exil juste après la chute de son ‘’compagnon politique’’ en février 2010. Bref, ce qui importe de souligner ici, c’est l’ingratitude et le refus d’accepter la volonté divine dont il fit montre en conspirant matin, midi et soir pour tenter de renverser la MRN en prenant, sournoisement, langue avec Seini Oumarou et Mahamane Ousmane. Il devait profiter de la formation du gouvernement d’union nationale pour passer à l’action. Il prit alors comme prétexte la fameuse ‘’histoire de coquilles vides’’ pour claquer la porte à la MRN, pensant pouvoir mettre en cohabitation le Président Issoufou. Malheureusement pour lui, Dieu avait décidé autrement, et son entreprise funeste fut un échec cuisant. C’était le dé- but du ‘’kamé kamé’’, c’est-à-dire du cafouillage, car le plan A ayant lamentablement échoué et en l’absence d’un plan B, il s’était mis à improviser. L’affaire des petits Ibo importés du Nigéria viendra enfoncer le clou de sa déchéance politique. Préférant fuir, lâchement, pour sauver sa peau au lieu de répondre à la convocation du juge, Hama Amadou, par cet acte inhabituel dans notre société empreinte de valeurs chevaleresques, déclina fortement de l’estime populaire dont il jouissait auprès de beaucoup de compatriotes. En réalité, quand on analyse de près le parcours politique de Hama Amadou, on se rend, bien souvent, compte qu’en dépit du statut victimaire dont il veut, toujours, se parer, le personnage est la cause de ses propres malheurs. Que n’avait-il pas sous la septième république, en termes d’avantages, de postes de responsabilité pour lui et son parti, parfois même au détriment du principal parti, le PNDS, ou des autres partis alliés ? Le LUMANA FA était considéré comme l’allié stratégique au sein de la MRN et ses militants étaient chouchoutés et dorlotés. Malgré tout ce traitement de faveur, Hama n’était point satisfait car il trouvait injuste que ce fût Issoufou à la présidence et non lui. Voilà ce qui conduisit Hama à sa perte politique, exactement comme dans la mythologie grecque, lorsqu’Icare, à force de vouloir trop s’approcher du soleil, avait fini par se brûler les ailes et périt ! Aujourd’hui, exilé pour longtemps à Paris on ne sait pour combien de temps, par la force des choses, il devrait faire désormais le deuil, dé- finitivement, de ses ambitions pré- sidentielles. Terrible gâchis. Hama est fini, définitivement fini ! Le troisième larron de cette saga noire est incontestablement Seini Oumarou, ce ‘’bawan Allah’’, que rien ne prédestinait à la carrière politique. Nous vous renvoyons à notre article de la page suivante qui lui est spécialement consacré.
Adamu Bako & Zak
ECHOS DU NIGER N° 02 – DU 10 JUIN 2015