Dans sa quête des jeunes leaders, ceux-là qui font ou feront le Niger, que de merveilles pour Niger Inter ! Dans différents domaines d’activité, au Niger ou ailleurs, ces jeunes donnent le meilleur d’eux-mêmes pour bâtir leur avenir et par ricochet leur pays. Avec un profil exceptionnel, Hadiza Amadou Maiga s’inscrit dans la dynamique de ces jeunes décideurs de demain. Interview.
Niger Inter: Pouvez-vous vous présenter a nos lecteurs et internautes?
Hadiza Amadou Maiga : Moi c’est Hadiza Amadou Maiga. Je suis née a Tchirozerine, ma mère est touaregue et mon père sonrai . Je suis très fière de mon brassage ethnique. J’ai passé mon enfance jusqu’au collège a Tchirozerine ensuite j’ai fait le lycée municipal de Niamey. Apres mon bac je me suis inscrite a l Institut Africain de Technologie (IAT) pour la filiere banque finance. J’ai trente (30) ans je suis mère d’un garçon de quatre (4) ans et demi. J’ai une licence en banque finance et un master en gestion des projets mais je me suis reconvertie en styliste juste après mon master.
Niger Inter : Pourquoi à la fin de vos études vous avez choisi le privé au lieu de servir l’Etat comme le font la majorité des jeunes?
Hadiza Amadou Maiga : Le fait de servir dans le privé au lieu de l’Etat était un choix qui s’était imposé à moi. En effet, une banque de la place a demandé le meilleur élève de chaque établissement pour un concours et mon école m’avait proposé. C’était juste après mon BTS. C’est ainsi que débuta ma carrière dans le privé.
Niger Inter : Sur votre page facebook c’est plutôt vos ateliers de couture Hadyline que vous mettez en avant. Entre votre formation et la couture, il y a, comme qui dirait, un fossé, une incohérence…..
Hadiza Amadou Maiga : En effet, oui, il y a vraiment un fossé entre les études que j’ai faites et le métier que j’exerce. Je ne l’ai pas étudié, je l’ai appris sur le tas, par passion. Tout le monde me disait mais attends avec tout ce que tu as dans la tête, c’est dans la couture que tu atterris finalement??? Les gens m’ont dit en face que ca ne marcherait pas, que les femmes n’ont pas la patience de gérer des ateliers. Tout le monde ou presque me décourageait au lieu de me motiver. Mais comme on dit, avec la foi on peut déplacer des montagnes. Aujourd’hui, Dieu merci, je suis à ma 6eme année dans ce domaine et je ne me plains pas. Bien au contraire ! Je possède présentement deux ateliers de couture dénommés Hadyline Creation. Nous faisons des coutures pour hommes, femmes et enfants. J’organise depuis 3 ans un défilé de mode annuel en l’occasion de la journée internationale de la femme couplé d’un défilé traditionnel faisant ressortir les ethnies ou régions du Niger.
Niger Inter : Vous êtes jeune avec une gamme d’activités. Comment êtes-vous parvenue à vous investir dans l’économie, la culture et le social?
Hadiza Amadou Maiga : Je suis certes jeune mais je pense que avoir de l’ambition, vouloir réussir dans ce qu’on fait n’est pas une question d’âge. Mais plutôt une affaire de personnalité de chacun. Jai toujours aimé le contact avec les gens, aller vers les gens apprendre et partager. Mon brassage ethnique fait que l’amour de la culture devient une seconde nature pour moi. Je n’ai pas hésité un seul instant quand des artistes de la place avaient besoin de moi. Y en a d’autres c’est moi même qui vais vers eux. Comme vous le dites, j’œuvre effectivement a la fois comme couturière, nous aidons également les femmes à se prendre en charge en les formant pour avoir des activités génératrices de revenus (AGR) et nous intervenons aussi dans les orphelinats. Je fais le suivi de certains orphelinats à Niamey a travers des dons alimentaires, médicaux ou par l’organisation des ateliers récréatifs dans leur centre. De fois on nous appelle pour des soins en urgence de certains orphelins pour leur évacuation ou prise en charge de l’hospitalisation. Et comme je suis du domaine de la culture, j’ai aidé beaucoup d artistes pour l’élaboration de leur clip vu toutes les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Je gère aussi plus de 87 groupement féminins a travers des AGR ou les femmes se regroupent et forment des petites entités. Nous les aidons a travers des petits prêts (sans intérêt). Nous leur faisons des formations (culinaire, artistique, domestique…), l’objectif étant que chaque femme en 6 mois se retrouve avec au moins 5 métiers qu’elle aura appris pour se débrouiller dans la vie.
Niger Inter : Comment fonctionnent ces AGR et quels sont vos objectifs ?
Hadiza Amadou Maiga : Les activités génératrices de revenus (AGR) sont à mes yeux le premier recours des femmes pour penser à leur émancipation économique. Toute femme est capable d’apprendre un métier et d’en faire son gagne pain. Nous aidons bénévolement des groupements de femmes, on leur propose des formations, elles choisissent en fonction de leur réalité et nous disent voila ce qu’on veut apprendre et la formation est gratuite. Il y a des femment qui nous appellent en dix jours ou deux semaines pour nous montrer ce qu’elles ont pu réaliser après la formation. S’il y a des corrections on les apporte et on les encourage dans le cas contraire selon nos moyens on les aide avec des matières premières pour leur fond de commerce.
Niger Inter : S’occuper des orphelins est sans conteste une œuvre de bienfaisance vivement recommandée par l’islam. Comment aviez-vous décidée d’intervenir dans les orphelinats?
Hadiza Amadou Maiga : M’occuper des orphelins en fait c’est venu naturellement. Je me rappelle ma première action envers les orphelinats c’était il y a huit (8) ans, j’étais encore a l’école. Un ami a eu un accident. Nous étions la a attendre qu’il sorte et il y a des sœurs qui étaient venues a l’hôpital avec un enfant de quatre (4) ans. C’était insupportable à voir comment ce petit était brulé. Notre ami était sorti mais avec mes camarades de classe, on était resté jusqu’au bout pour voir comment le petit allait s’en sortir. Hamdoulillah ! Tout s’était bien passé. La semaine d’après on est allé le voir dans cet orphelinat. Ainsi de suite, après quelques visites j’ai pris gout à visiter les orphelinats. Et c’est ainsi aujourd’hui que j’essaie d’accompagner dans la mesure du possible ces enfants en situation de détresse à retrouver un peu de joie. Ces enfants privés à vie par le destin de la chaleur de leurs parents. Ces enfants qui ont le droit a devenir des personnes jouissant de leurs pleins droits.
Niger Inter : En tant que jeune femme entrepreneur quels sont les défis à relever dans le contexte nigérien?
Hadiza Amadou Maiga : les défis à relever dans le contexte du Niger c’est d’abord le changement de comportement et de mentalité.
Il faut qu’on arrive à un stade ou la femme ne sera plus que celle qui ne s’occupe pas que simplement du foyer. Il faut une grande avancée au niveau de la scolarisation des jeunes filles car tout part de l’éducation. Les autorités sont en train de beaucoup investir dans le domaine de la santé mais nous savons tous qu’il nous faut beaucoup plus de moyens que ca. Ensuite que les femmes leaders et activistes qui sont nos mamans et mamy pour quelques unes, s’assurent que la relève est bien en marche. Il ne doit pas y avoir de barrières entre nous car même si nous avons nos idées à nous, on a besoin de leurs expériences sur le terrain pour corriger certaines lacunes. Enfin, la tolérance doit être a mon avis la clef de tout, elle est le chemin qui mène vers la paix donc soyons tolérants. Et dans ce sens, je pense que les hommes doivent nous accepter dans le respect de la différence qu’a voulu le Créateur entre nous. On ne peut pas développer le pays en confinant à la femme dans un rôle marginal. Si plus de la moitie de la population reste a la traine, je crois que tous les efforts du pays pour se développer risquent d’être voués a l’échec.
Niger Inter : Vous êtes un exemple pour les jeunes en indiquant la voie du succès. Selon vous la réussite est-ce que c’est avoir des relations, un mentor ou bien avoir de la vision et des objectifs dans la vie?
Hadiza Amadou Maiga : Pour moi, la réussite c’est une question de volonté. J’étais arrivée à un stade de ma vie ou réussir était devenue ma seule option. Bien sûr j’avais un mentor, mon modèle, mon inspiration de tout temps qui est ma mère car je ne fais que reconduire ses actions en y apportant ma petite touche. Depuis mes 5 ans j’ai vu ma mère s’occuper des autres, je la voyais toujours en train d’initier des femmes a des activités manuelles, leur apprendre la teinture de sorte du coup c’est devenu naturel chez moi. Je lui dis simplement merci infiniment et je suis très fière d’elle d’avoir façonné ma personnalité avec des valeurs on ne peut plus motivantes.
Niger Inter : Quelle est votre vision pour le Niger ?
Hadiza Amadou Maiga : ma vision du Niger aujourd’hui est que toutes les femmes et tous les jeunes s’unissent comme une seule personne afin de relever les défis tous ENSEMBLE. Ma vision du Niger est qu aujourd’hui, nous jeunes entrepreneurs comprenions mieux les enjeux qu’il y a autour de cette question épineuse du rôle de la jeunesse dans notre pays et agir en conséquence. Faire en sorte que notre pays soit le reflet de la paix et de la tolérance.
Niger Inter : Le thème de la récente journée nationale de la femme nigérienne c’était sur la participation politique des femme. Quelle est votre opinion sur le leadership féminin au Niger?
Hadiza Amadou Maiga : Le leadership féminin au Niger devrait être visionnaire et doit s’inscrire dans l’action. Les femmes sont toujours sous représentées aussi bien comme éligibles que dans les fonctions dirigeantes malgré les multiples efforts. Il faut que les femmes soient aidées à développer leurs compétences, qu’elles soient soutenues dans leur lutte et enfin qu’elles puissent penser à la lutte collective avant la lutte personnelle.
Niger Inter : Un économiste musulman a dit que la clef de la richesse c’est le don parce que soutient-il le fait de donner n’a jamais appauvri personne. et même bien au contraire, dit-il. Quel commentaire vous inspire cette reflexion?
Hadiza Amadou Maiga : Je réponds par cette citation d’Aristote qui m’inspire: « chacun doit s’efforcer d’être utile a autrui car un bienfait est rarement sans récompense mais surtout se souvenir que même après tant d’années le soleil ne dit jamais a la terre tu me dois ». C’est vous dire que je partage 100% cette réflexion qui encourage à faire des bonnes œuvres a l’endroit de nos semblables. L’autre dimension du don c’est vraiment le fait qu’on éprouve plus de plaisir à donner qu’à recevoir. Et je pense que l’exclusion de l’humain dans nos sociétés modernes exige qu’il y ait plus d’âmes sensibles aux problèmes des « indignés », aux nécessiteux dans nos villes et villages.
Niger Inter : En tant que jeune vous êtes très certainement marquée par le sens du leadership des hommes et des femmes d’ici et d’ailleurs. Quels sont vos leaders modèles hommes et femmes en dehors de votre mere citee plus haut?
Hadiza Amadou Maiga : Mon modèle de leader homme reste incontestablement NELSON MANDELA et au niveau féminin malgré son jeune âge, MALALA, la jeune pakistanaise est attachante et admirable.
Réalisée par Elh. Mahamadou Souleymane