INTERVIEW: Mme Ousseini Hadizatou YACOUBA brosse l ’état des lieux de la condition de la femme nigérienne.

A l’occasion de la 59eme session de la Commission de la condition de la femme des Nations-Unies, une importante délégation de femmes nigériennes conduite par la ministre de la population, promotion de la femme et protection de l enfant Dr Maikibi kadidiatou Dandobi séjourne a New-York. Pour en savoir plus Mme Ousseini Hadizatou Yacouba, Directrice de cabinet adjointe en second / PRN a bien voulu accorder a Niger Inter l’entretien qui suit. Elle brosse ici un état des lieux de la condition de la femme nigérienne de la conférence de Beijing a aujourd’hui.

Niger Inter : Pouvez nous dire brièvement l’objet de votre rencontre de New York?

Mme Ousseini Hadizatou Yacouba : L’objet de notre rencontre à New-York se situe dans le cadre de la participation du Niger à la 59ème session  de la Commission de la Condition de la Femme (CSW). C’est  une commission fonctionnelle du Conseil Economique et Social des Nations Unies (ECOSOC), exclusivement consacrée à l’égalité des sexes et à la promotion des femmes. La Commission est un organe directeur mondial institué en 1946. Chaque année au mois de mars, elle tient sa session au siège des Nations Unies, à New York.

Le thème de la présente session est axé sur Beijing+20, c’est à dire la mise en œuvre de la déclaration et la plateforme d’action de Beijing. Il vous souviendra qu’en 1995, s’est tenue à Beijing, la 4eme Conférence Internationale des Femmes, au cours de laquelle une déclaration et une plateforme d’actions déclinée en 12 domaines prioritaires ont été adoptés par les Etats et Organisations participants. Ces documents sont devenus les cadres de référence pour tous et la CSW en fait des évaluations année après année.

Les sessions de la CSW rassemblent des représentants des Etats membres, des entités des Nations Unies et des organisations non gouvernementales (ONG) de toutes les régions du monde. Le Niger ne reste pas en marge et sa délégation est conduite chaque année par la Ministre en charge du portefeuille de la promotion de la femme.

Il s’agit, au cours de cette session, d’examiner les résultats atteints dans la mise en œuvre du Programme d’actions de Beijing, les défis rencontrés ainsi que les opportunités en faveur de la réalisation de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et d’identifier les priorités à inclure dans le programme de développement pour l’après-2015.

La délégation du Niger conduite par la Ministre de la Population, Promotion de la Femme et Protection de l’Enfant, Dr Maikibi Kadidiatou Dandobi, est composée d’officiels gouvernementaux, de parlementaires, d’acteurs de la société civile et des partenaires œuvrant dans le domaine du développement et de la promotion de la femme au Niger.

Notre participation consiste à prendre part, selon nos différentes capacités,  aux différentes consultations, réunions officielles, sessions thématiques, évènements parallèles, dans le but de contribuer aux résultats globaux de la session.

Les membres de notre délégation sont donc activement occupés à maximiser leur participation dans toutes les instances de la session afin de contribuer et accroitre la visibilité du Niger dans cette rencontre très stratégique et historique qui se situe 20 ans après la conférence mondiale de Beijing.

New York est donc un espace pour nous, femmes nigériennes pour faire entendre nos voix et nous positionner sur les opportunités.

A la fin, la commission adopte des conclusions essentiellement concertées sur le thème de l’année. Les conclusions concertées contiennent une analyse du thème prioritaire et un ensemble de recommandations concrètes destinées aux gouvernements, aux organes inter-gouvernementaux et aux autres institutions, acteurs de la société civile et autres parties prenantes pertinentes, en vue de leur mise en œuvre aux niveaux international, national, régional et local. En plus des conclusions concertées, la Commission adopte également un certain nombre de résolutions sur un éventail de questions.

Niger Inter : Après la commémoration de la journée internationale de la femme le 8 Mars dernier, en tant que  nigérienne pouvez-vous dire votre opinion sur la situation de la femme nigérienne aujourd’hui ?

Mme Ousseini Hadizatou Yacouba : Le Samedi dernier 08 mars, les femmes du monde entier ont célébré la journée internationale de la femme,  qui a mis l’accent sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, une feuille de route historique signée par 189 gouvernements il y a 20 ans, et qui établit le programme d’actions pour la réalisation des droits des femmes.

Au Niger, la journée a été commémorée à l’échelon national à travers diverses manifestations. Le Ministère a lancé une marche pour la paix pour exprimer le soutien des femmes nigériennes à la paix à la sécurité et la défense nationale dans ce contexte de lutte contre Boko Haram.  Les « 100 Femmes Leaders », édition de l’UNFPA, ont aussi organisé des activités de coaching dans des centres de jeunes.

La situation de la femme nigérienne aujourd’hui est multidimensionnelle ; si on la place dans le cadre de Beijing+20, on constate qu’il y a des acquis, des progrès considérables ont été accomplis depuis, mais beaucoup de lacunes subsistent encore.

En termes de réalisations :

Il y a une stabilité politique et institutionnelle favorable aux organisations féminines pour s’investir, aux côtés du gouvernement à la promotion de la femme ; En effet, le cadre législatif et institutionnel (mise en œuvre de la politique nationale Genre) actuel encourage à la réalisation des droits des femmes.

En matière d’éducation, l’adoption en 2012 de la Lettre de Politique Sectorielle de l’Education et de la Formation (PSEF, 2013-2020), englobant divers secteurs éducatifs, a permis un élan en termes d’accès et de qualité dans le cadre de l’enseignement pour les filles/femmes.

A cela, s’ajoute le développement et l’accroissement des services sociaux de base et la promotion de l’équité sociale, nombre de politiques sectorielles élaborées et mises en œuvre par le MP/PF/PE et les autres secteurs sont en train de contribuer à l’amélioration continue du cadre juridique et stratégique déjà existant.

Un programme d’autonomisation des femmes est élaboré, il comporte quatre composantes à savoir :

  • L’allègement des tâches domestiques des femmes ;
  • L’appui aux productions agricoles et pastorales ; dans le cadre de l’initiative 3N, les communes leurs allouent des terres pour entreprendre l’agriculture pluviale ou irriguée.
  • L’octroi de micro- crédit,
  • Les nombreuses actions d’accompagnement dont elles bénéficient à travers les centres d’éducation et de promotion féminine.

Des instruments de protection sociale tels que le projet Filets sociaux mettent en œuvre plusieurs actions au profit des femmes, notamment la formation en vie associative, sur la promotion de la santé et les Pratiques Familiales Essentielles.

Niger Inter : Quels sont les défis majeurs  à relever s’agissant des droits  de la femme nigérienne?


Mme Ousseini Hadizatou Yacouba : Sur le plan économique, la croissance économique n’est pas suffisante pour garantir le respect des droits des femmes, la pauvreté féminine est chronique surtout en milieu rural.

Les violences basées sur le genre constituent les plus grands défis. Des pratiques sociales existent qui condamnent la femme à l’iniquité et à l’inégalité, ce qui fait que la femme nigérienne n’échappe pas à certaines inégalités récurrentes.

Les difficultés pour les femmes d’accéder à la propriété foncière, au système de crédit bancaire et à l’emploi, la vulnérabilité alimentaire plus accrue chez les femmes, engendrent un exode des populations rurales (femmes et enfants) vers les grandes agglomérations.

L’harmonisation de la législation nationale dans divers domaines de la protection de la femme, avec les engagements internationaux du pays (CEDEF, Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et son protocole facultatif), est loin d’être achevée.

La forte poussée démographique (3.9%) et la jeunesse de la population exigent des investissements importants pour faire face à la demande sans cesse croissante en matière d’éducation. La pression exercée par cette forte croissance sur le système éducatif limite l’impact des efforts consentis et fragilise l’offre existante.


Niger Inter :
 Que font les organisations féminines pour renverser la tendance en ce qui concerne la condition de la femme rurale ?

Mme Ousseini Hadizatou Yacouba ; Les organisations féminines nigériennes (groupements féminins, Associations et ONG et Syndicats) mènent de nombreuses activités  de sensibilisation, de formation et d’incitation aux activités génératrices de revenus (cultures de contre saison, de petits commerce, etc, …), de gestion de crédits, d’organisations et de structurations des groupements féminins, d’embouches. Elles contribuent significativement à  la cause des femmes et au développement du pays. Les femmes ont vite réalisé que la vie associative est la meilleure voie pour se battre, donner son opinion, mener le combat de tous les jours contre certaines pratiques qui sont à la base de leur vulnérabilité. Je pense que le combat doit être permanent à tous les niveaux pour renverser la tendance. Dans ce sens le programme de la renaissance accorde une place primordiale a l’épanouissement de la femme en général et de la femme rurale en particulier. La condition de cette dernière est tributaire de la situation générale du pays. Il est permis d’espérer un mieux être en profondeur pour chacun et tous avec le programme de la renaissance du Niger sous la conduite éclairée du président de la République Issoufou Mahamadou et son gouvernement.

Propos recueillis a New York par Elh. Mahamadou Souleymane