Libération de Serge Lazarevic : le récit de Mohamed Bazoum, du chef de la diplomatie du Niger

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Quel rôle précis a joué le Niger dans la libération de Serge Lazarevic ? En ligne de Niamey, Mohamed Bazoum, le ministre nigérien des Affaires étrangères, répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Quelle est votre première réaction ?

Mohamed Bazoum : Nous sommes animés par un sentiment de soulagement. Je suis très heureux de voir quelqu’un promis à une mort pratiquement certaine, recouvrer sa liberté et renouer ainsi avec la vie.

Serge Lazarevic avait l’air radieux, tout sourire, malgré évidemment les 20 kg qu’il a perdus…

Oui. Il dit qu’il a perdu 20 kg. Il devait être bien colosse ! Il a l’air plutôt en forme.

 

Vous l’avez trouvé comment, sur le plan physique ?

Sur le plan physique, on n’a pas l’impression qu’il sort de l’épreuve qui a été la sienne pendant trois longues années si difficiles.

Il a tenu le coup ?

Il a bien tenu le coup, en effet.

C’est le président Issoufou qui a appelé ce mardi matin le président Hollande pour l’avertir de la libération de Serge Lazarevic. Comment ça s’est passé ?

Ça fait déjà une année, c’est-à-dire le 6 décembre dernier à l’occasion du sommet de Paris sur la sécurité, qu’on a appris que le président Hollande avait demandé au président Issoufou de s’occuper de son cas à lui aussi, après le succès qu’il avait eu dans la libération des otages d’Arlit. Et c’est depuis lors que le président Issoufou a mis en place son équipe et lui a confié cette mission. Mohamed Akotey (un Touareg nigérien médiateur, ndlr) et ses amis se sont déplacés neuf fois, m’a-t-il dit, dans des conditions toujours très difficiles, parfois périlleuses même. Et c’est à l’issue de cette neuvième mission qu’ils sont revenus avec l’otage.

C’est le fruit du travail d’une équipe très expérimentée ?

Oui. A mon avis, si le travail de cette équipe a été chaque fois couronné de succès, cela tient principalement à sa connaissance du terrain et des hommes qui servent d’intermédiaires, même pour eux, et cela tient aussi à la confiance que cette équipe a toujours inspirée à ses partenaires. Le président Issoufou, même s’il n’est pas un ami des terroristes et des preneurs d’otages qu’il a toujours combattus – cela est su de tous -, est resté à leurs yeux un homme respectable. Et lorsqu’il a été avec eux dans une relation de partenariat contraint, comme c’est le cas à chaque fois, cela a donné lieu à un succès au travail entrepris par les équipes qu’il a mises en place.

Est-ce que ça tient aussi au fait que Mohamed Akotey est un Touareg, comme les ravisseurs ?

Oui. Mohamed Akotey est un Touareg Ifoghas qui a beaucoup de parents, on va dire, beaucoup de connaissances à Kidal. Et ce sont ces personnes-là qui prennent des contacts, qu’on le veuille ou pas, avec Aqmi, et qui connaissent les différents acteurs qui lui ont facilité sa mission. Il a su utiliser les bonnes personnes pour accéder à ceux qui prennent les décisions.

A côté de Serge Lazarevic tout sourire, ce mardi soir à la présidence de Niamey, on a vu bien sûr le président Mahamadou Issoufou, le Touareg Mohamed Akotey et le général Lawel Chékou Koré, le chef des services de renseignement…
Tout à fait. C’est l’institution qui s’est occupée de cette mission à chaque fois que le président a décidé de faire ce travail.

Le président a remercié son homologue malien, Ibrahim Boubacar Keïta, pour sa « contribution ». Qu’est-ce que ça veut dire ?

Ça veut dire que la libération de cet otage n’aurait pas été possible si les services du Mali et du Niger n’avaient pas travaillé de concert, et si le président Ibrahim Boubacar Keïta n’avait pas été tout aussi engagé que le président Issoufou, tout simplement.

Quelques jours avant cette libération, les deux ravisseurs présumés de Serge Lazarevic et Philippe Verdon ont été relâchés par les autorités maliennes. Tout le monde pense évidemment qu’il y a une relation entre les deux événements…

Oui, j’ai entendu ça. J’ai lu ça dans la presse. Mais je ne suis pas au fait des détails de la procédure en vertu de laquelle tout cela a été possible.

François Hollande a salué l’engagement personnel de Ibrahim Boubacar Keïta.

Tout à fait.

Peut-il y avoir libération sans le versement d’une rançon ?

Je n’en sais rien. Vraiment, ce ne sont pas des questions dont je m’occupe particulièrement.

Pourquoi est-ce de plus en plus par le Niger que sont libérés les otages enlevés au nord du Mali ?

Parce que tout simplement, ils sont détenus par des personnes avec lesquelles des Nigériens comme Mohamed Akotey sont en mesure d’avoir des contacts susceptibles de bouger sur des bons résultats. Nous devons à notre stabilité, qui est le résultat d’une gouvernance conçue principalement par le chef de l’Etat Issoufou Mahamadou, de pouvoir prendre des engagements et de les accomplir.

Il y a une famille qui doit souffrir particulièrement aujourd’hui, c’est celle de Philippe Verdon, l’autre otage, celui qui a été tué. Que dites-vous à sa famille ?

Oui, j’avais moi aussi un pincement au cœur et je me disais que Philippe Verdon aurait pu être hier soir sur le perron de la présidence de la République du Niger avec son ami, Serge Lazarevic. Et peut-être que l’émotion que j’ai éprouvée de penser à lui, aujourd’hui, est plus forte que celle que j’ai ressentie lorsque sa mort avait été annoncée. J’imagine que c’est le cas de sa famille à qui je pense, en effet, et à qui je présente mes condoléances.

Par Christophe Boisbouvier ( RFI )