La récente nomination d’un nouveau président de la Commission de l’UEMOA par Macky Sall en remplacement du démissionnaire Cheikh Hadjibou Soumaré suscite assez d’interrogations . Est-ce un revirement de Macky Sall vis-à-vis du Niger qui attend que le Sénégal lui passe le témoin conformément à l’accord qui lie les deux pays depuis la gouverne d’Abdoulaye Wade. De sources dignes de foi, Macky Sall avec le soutien de la Côte d’Ivoire entend bien maintenir le statu quo ante dans la direction des institutions sous régionales. A Niamey, apprend-on, pas de surprise. C’est de bonne guerre. Et Macky Sall avec la pression de son opinion publique entend céder la présidence de l’UEMOA avec la certitude que le Niger renoncera au poste de Vice-gouverneur de la BCEAO en faveur du Sénégal. Sinon l’on s’achemine apparemment vers un volte-face de Macky Sall.
« Si la Côte-d’Ivoire garde la BCEAO et le Bénin la BOAD, il n’est pas question que nous perdions l’UEMOA, alors que nous sommes quand même la seconde économie sous régionale ». Telle est la position du Sénégal au sortir de la 49ème session extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) en juin dernier à Dakar. En suivant le traitement qui est fait de cet événement par la presse sénégalaise notamment par rapport au remplacement du sénégalais Cheikh Hadjibou Soumaré par un nigérien, l’on se rend compte que c’était bien un enjeu national pour la presse sénégalaise. Face à l’évidence, après que le président Issoufou ait brandi l’accord signé par Wade l’époque président du Sénégal, son successeur Macky Sall s’est vu devant un fait accompli. Et le président Issoufou avait lancé le défi au président Sall de ne pas tenir l’engagement de son prédécesseur devant ses pairs ; et ainsi le Niger prendrait acte.
La presse sénégalaise était très alerte sur le fait que si Macky Sall respectait ce deal paraphé par Wade, il serait celui par qui le Sénégal allait perdre un poste. Comme l’a martelé Le Quotidien : « …face à son opinion publique, à passer pour l’homme par qui le Sénégal aura perdu le seul poste de responsabilité qui reste au pays ». Une chasse gardée en somme. C’est ainsi que Macky Sall avait changé de fusil d’épaule en posant une conditionnalité avant de respecter l’engagement écrit de son pays.
Pour le moment, dans l’entourage de Macky Sall, le mot d’ordre est clair : le poste de président de la Commission de l’Uemoa est au Sénégal et doit le rester. «Si la Côte d’Ivoire garde la Bceao et le Bénin la Boad, il n’est pas question que nous perdions l’Uemoa, alors que nous sommes quand même la seconde économie sous-régionale.», écrit le journal sénégalais Le Quotidien en ligne.
Pour avoir entériné cet accord, l’ex président Wade a été voué aux gémonies par la presse de son pays. « Le sommet extraordinaire des chefs d’Etat de l’UEMOA de cette année, à Dakar, s’ouvre sur un fond de désaccord suscité par la convoitise du poste de président de la commission. En effet, ce poste étant traditionnellement occupé par un sénégalais, le président Macky Sall, hôte de ce sommet, accueille mal que son homologue nigérien lui conteste cette légitimité. Mais, si on en est là, c’est par la faute de l’ancien chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade », rapporte le site leral.net. Le prédécesseur de Hadjibou Soumaré est un malien, en la personne de Soumaila Cissé. C’est donc faux de prétendre que c’est un poste dévolu au Sénégal.
Pourtant, ce que la presse sénégalaise considère comme une ‘’bourde’’ et même une ‘’erreur diplomatique’’ de Wade obéit à une logique : restaurer la rotation au niveau des autres institutions régionales comme la BCEAO et la BOAD. En effet, Wade tout comme Issoufou avait pour ambition de créer une certaine équité dans la gouvernance de ces institutions. On le sait comme le soutient le sénégalais El Hadj Abdou Sakho, ancien commissaire de l’UEMOA : « Il n’y a jamais eu de texte pour dire que le président de la Commission de l’UEMOA doit être de nationalité sénégalaise, comme il n’y a jamais eu de texte pour dire que le poste du Gouverneur de la BCEAO est réservé à la Côte-d’Ivoire. Il s’agit simplement de gentleman agreement qui fait que depuis leur création, la BCEAO et l’UEMOA avaient toujours été dirigées respectivement par un Ivoirien et par un Sénégalais ».
C’est dire que Wade avait fait la concession au Niger non pas pour faire mal à son pays mais en voulant mettre en avant un principe très cher également au président du Niger : la rotation de la direction de nos institutions régionales et sous régionales, gage de transparence et d’équité.
A l’endroit de notre confrère Leral.net, il faut dire que dans l’optique de Wade, il n’était nullement question pour le Sénégal de se ‘’faire harakiri’’ en cédant au Niger la présidence de la Commission de l’UEMOA. Wade avait, de ce point de vue, une vision plus large et plus exigeante que le maintien du statu quo prôné par Macky Sall et son entourage.
Abordant dans le sens du non-respect de l’engagement sénégalais par Macky Sall, notre confrère sénégalais L’Observateur écrivait : « Mais comme le président Wade avait pris l’engagement de céder la présidence au Niger à la fin du mandat de Cheikh Hadjibou Soumaré, le président Sall, qui a hérité de cet accord, a renégocié le départ de l’ancien Premier ministre du Sénégal. Des sources autorisées, expliquent que le président Sall a accepté de céder la présidence de la Commission, à condition que le Niger libère de son côté le poste de Vice-gouverneur de la BCEAO au Sénégal. Un poste moins lourd que la présidence de l’UEMOA, mais acceptable comme compensation. »
Et le même journal de s’immiscer jusque dans les affaires intérieures du Niger en annonçant dans un inter titre du même article : « Un proche de la Première dame du Niger pressenti à la tête de l’UEMOA », juste pour faire diversion.
On le voit, cette polémique entre le Niger et le Sénégal n’avait pas lieu d’être si seulement d’un côté comme de l’autre l’on s’était tenu à l’esprit et à la lettre de l’accord qui lie le Sénégal au Niger. Il est question du respect de l’engagement d’un pays au nom de la continuité de l’Etat. Avec l’éventualité d’un volte-face sénégalais, les Nigériens sont plus que jamais interpellés de la nécessité de savoir faire front commun face à l’intérêt général. Une vertu bien ancrée au Sénégal.
Elh. M. Souleymane