« En politique, tout comme en relations humaines, il faut être humble et réservé pour garder de l’espace pour demain et après-demain », déclare M. Ibrahim Yacoubou
Candidat à la dernière élection présidentielle, ancien Directeur de cabinet adjoint du président Issoufou, président du parti MPN Kiishin Kasa et actuel chef de la diplomatie nigérienne, M. Ibrahim Yacoubou se confie à Niger Inter Magazine. Dans cet entretien exclusif, il a parlé de la diplomatie nigérienne, de son engagement politique, ses déboires avec le PNDS, ses rapports avec le général Salou Djibo et bien d’autres préoccupations des nigériens.
Niger Inter Magazine : Présentez-vous à nos lecteurs et internautes.
Ibrahim Yacouba : Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour cette occasion que vous me donnez et transmettre mes salutations à vos lecteurs. Pour revenir à votre question, je me nomme Ibrahim Yacouba. Depuis avril 2016, le Président et le premier ministre m’ont fait la confiance de me nommer ministre des affaires étrangères, de la coopération, de l’intégration africaine et des nigériens à l’extérieur. Avant, et comme vous le savez peut -être, j’ai été plus syndicaliste qu’autre chose dans ma vie. L’essentiel de ma carrière d’agent des douanes, je l’ai passée comme syndicaliste au sein du SNAD et des centrales syndicales auxquelles nous avions appartenu .Dès le collège, à vrai dire j’étais dans le syndicat scolaire. Mon rapport avec le combat syndical est donc assez précoce et il ne m’a plus jamais quitté jusqu’à mon engagement dans la vie politique. J’ai commencé à jouer un rôle politique important à partir de la transition du CSRD où j’ai servi comme Rapporteur Général du Conseil Consultatif National (NDLR : le parlement de transition sous Salou Djibo).
J’ai été également ministre des transports à partir d’avril 2012 et 16 mois plus tard Directeur de cabinet adjoint durant le premier mandat du président de la République S.E Issoufou Mahamadou. C’est à cette période que je me suis engagé publiquement sous les couleurs d’un parti politique. Aujourd’hui, et ce depuis onze mois, je préside le parti MPN Kiishin Kasa sous la bannière duquel j’ai été candidat aux élections législatives et présidentielles de 2016.Voilà ce que je peux dire assez rapidement par rapport à cette question; mais en vérité aucune présentation ne me paraît plus belle et plus valorisante que celle d’être un citoyen nigérien, tout simplement.
Niger Inter Magazine : Vous êtes présentement chef de la diplomatie nigérienne. Notre pays n’est pas assez bien connu du reste du monde. Quelle est votre touche pour améliorer l’image du Niger vu par les autres ?
Ibrahim Yacoubou : Vous savez tout est relatif. La visibilité d’un pays est une construction socio-politique et économique de longue haleine. Le président de la république Isoufou Mahamadou depuis six ans y prend une part active et je dois dire que le Niger est de mieux en mieux connu .Je le dis parce qu’il y a un engagement très fort des plus hautes autorités du Niger et une multiplicité d’acteurs qui font que nous sommes de plus en plus présents sur la scène internationale, par la diplomatie, par le commerce ,par le sport et notre culture .Je dois souligner particulièrement la présence politique internationale de notre pays qui se traduit par des prises de position fortes et constantes sur les questions internationales. Sur la plupart des questions qui agitent et intéressent le monde, nous sommes non seulement consultés mais aussi considérés par les autres nations du monde. C’est dire qu’il y a de plus en plus une présence et une visibilité du Niger dans le monde, même si je dois avouer que beaucoup reste à faire. Mais c’est incontestable que ces six dernières années notre carte et notre rayonnement diplomatiques se sont accrus par la présence internationale du Niger et la création des nouvelles ambassades. Nous travaillons pour améliorer notre présence sur le plan économique en tenant compte des différents enjeux dans le monde. Nous y arrivons et nous progressons chaque jour. Je ne devrais pas le dire moi-même, mais je sais que vous pourrez vous faire votre idée par vous-mêmes et par vos moyens, pour constater que le Niger est un acteur diplomatique majeur. Mais je le rappelle, la visibilité d’un pays est une construction de longue haleine et qui fait intervenir de multiples acteurs.
Niger Inter: Le Niger a une importante diaspora. Pouvez-vous nous dire votre approche pour non seulement capitaliser l’expérience des nigériens de l’extérieur mais aussi les impliquer dans le développement du Niger ?
Ibrahim Yacoubou : Oui nous avons une importante diaspora, tant que son nombre que par sa composition et sa répartition géographique. D’ailleurs vous-mêmes en savez quelque chose, vous étiez du nombre pendant un certain temps et vous avez certainement pu apprécier combien elle est riche, diverse et dynamique. La diaspora nigérienne est à la fois un enjeu et un défi pour nous. Nous voudrions qu’elle soit un élément moteur de notre développement économique et un élément central de la consolidation des liens sociaux entre les nigériens de l’intérieur et ceux de l’extérieur .Il est extrêmement important que nous arrivions à mobiliser cette importante diaspora pour le développement du Niger. Pour cela, je dois dire que déjà dans le programme du président de la République elle a été mise en avant et considérée comme la 9ème Région de notre pays. Durant le premier mandat, il a été organisé un grand forum de la diaspora et tous les engagements à l’endroit de la diaspora ont été respectés. Le forum est un cadre extrêmement important pour le projet que nous poursuivons pour notre diaspora Et c’est justement pourquoi le président de la République a décidé d’institutionnaliser le forum de la diaspora. Il y aura donc chaque année un dialogue entre le gouvernement et la diaspora .Leurs aspirations, ce qu’ils veulent faire pour eux-mêmes et pour le Niger seront pris en compte pour qu’ensemble nous puissions profiter du cadre ainsi créé. Nous avons fait en sorte que la double nationalité soit autorisée et consacrée par la loi ; étendu la durée du passeport ; et fait en sorte que les nigériens de l’extérieur sont désormais électeurs et éligibles. Comme le savez ils sont aujourd’hui représentés au niveau du parlement dans l’actuelle législature. Sur le plan politique et institutionnel nous avons donc réalisé des actions structurelles très importantes et attendues par la diaspora. Le renforcement de la carte diplomatique leur assure un plus grand encadrement .Il y a cependant et assez souvent cette distance ou cette méfiance avec nos représentations à l’extérieur. C’est pour cela quand nous les rencontrons nous leur disons que les ambassades ont été créées pour eux et elles sont à leur service. Je sais que nous devons chaque jour faire plus, c’est pour cela qu’il y a deux mois nous avons créé, au niveau du Ministère des affaires étrangères, une Direction de la mobilisation de la diaspora pour améliorer le dispositif qui nous permettra d’atteindre les objectifs que j’ai évoqués plus haut relativement à la diaspora nigérienne.
Nous travaillons assidûment pour que les citoyens nigériens, partout où ils sont, soient considérés, respectés et protégés. Nous travaillons pour que les compétences nigériennes soient valorisées et puissent apporter leur expertise au monde. Nous sommes mobilisés pour que les projets dont ils sont porteurs se réalisent. Je suis convaincu que notre diaspora est un formidable de gisement de capacités et d’idées pour le développement de notre pays. Notre diaspora est une valeur ajoutée à tous points de vue pour notre pays .Nous allons transformer ce potentiel : c’est la volonté du Président de la république et de son gouvernement. Nous voudrions que chaque fois qu’un nigérien de l’extérieur porte un projet que l’Etat se mette à son service pour l’aider à le réaliser, car souvent nos compatriotes à l’extérieur se plaignent d’avoir des projets mais ne savent pas la voie à suivre pour la mise en œuvre. Désormais, dans la limite de nos moyens le cadre est là pour pallier ce genre de problème. Nous avons l’obligation d’identifier les compétences nigériennes pour les aider à postuler aux fonctions supérieures au niveau international. Cette mission aussi nous la menons par le biais de la Direction de la mobilisation des nigériens de l’extérieur. Un autre sujet est la question de l’organisation des nigériens de la diaspora. Je dois avouer qu’il y a des pays où la diaspora nigérienne est bien organisée et dispose de structures dignes de ce nom pour promouvoir et défendre les intérêts des nigériens. Il y a des pays où ces structures sont divisées et éclatées. Il existe d’autres pays où les nigériens ne sont pas organisés du tout. C’est pourquoi au niveau du ministère nous avons convenu que nous allons organiser des réunions dans les principaux centres de concentration de notre diaspora. Nous voudrions échanger avec eux pour voir comment les aider à mieux s’organiser. C’est vous dire vraiment que la diaspora nigérienne constitue pour nous un enjeu de taille. Au demeurant, il n’est pas envisageable de développer harmonieusement et efficacement notre pays sans la mobilisation et l’engagement de la diaspora.
Niger Inter Magazine : On reproche au président de la République S.E ISSOUFOU Mahamadou de trop voyager. D’aucuns disent que même en ces temps de morosité économique le chef de l’Etat voyage sans répit. D’autres mettent en doute même les retombées de ces voyages présidentiels. Que répondez-vous en tant que chef de la diplomatie nigérienne ?
Ibrahim Yacoubou : J’allais dire ¨heureusement¨ d’ailleurs sinon je me demande ce que serait le Niger dans ce contexte international troublé et incertain. En vérité, Je ne conçois pas une telle critique dans le cadre des responsabilités d’un Chef d’Etat qui poursuit des objectifs importants pour son pays et qui doit partout porter la voix de son peuple dans les instances internationales. Sérieusement, vous est-il venu à l’idée une seule fois de considérer qu’il existe aujourd’hui un seul pays au monde capable de s’offrir le luxe de s’isoler du monde? Même s’il est le plus puissant du monde. Maintenant si je dois vraiment répondre et raisonner comme je l’entends sur cette considération de retombées, Je dis simplement à ceux qui mettraient en doute les retombées des missions du président de regarder comment notre budget est constitué. Ils n’ont qu’à voir comment notre développement est financé dans une large part par des ressources extérieures. Vous ne pouvez mobiliser les ressources extérieures et créer la confiance avec les partenaires et investisseurs extérieurs qu’avec des contacts que vous créez avec eux. Le président Issoufou donne de sa personne en dynamisant et en diversifiant notre partenariat avec le reste du monde. IL donne du contenu à la position de notre pays sur les questions de développement, de sécurité du Niger et de la sous-région. Je suis depuis 6 mois le témoin de cet engagement pour notre pays. Je pense qu’il faudrait plutôt saluer le travail international du président Issoufou MAHAMADOU. Parlez aux Chefs de ce monde, lisez les médias diplomatiques spécialisés et vous verrez la position de notre pays. Quand on n’est pas très proches des mécanismes qui fondent les rapports entre Etats et les exigences de la coopération internationale, c’est facile et même charmant d’avoir des positions critiques de ce type. Mais moi par honnêteté, je ne cautionnerai ni ne partagerai de telles positions. Je dis que le président voyage parce qu’il doit porter la voix de notre pays, présenter nos préoccupations de sécurité et de développement, soutenir et défendre les projets du Niger, chercher les ressources et les partenaires qu’il nous faut pour créer les conditions de la mise en œuvre de son programme. Le Niger a quelque chose à dire et à faire sur la scène internationale, et le Président assume convenablement cette charge. Ceux qui suivent les relations internationales savent que les Etats les plus considérés sont les plus présents sur la scène internationale. Le président accomplit une mission internationale importante pour notre pays et moi je suis très honoré et fier d’être à ses côtés dans cet exercice-là.
Niger Inter Magazine : Est-ce que le contexte international qui explique cette approche extravertie des problèmes du pays par le président Issoufou ?
Ibrahim Yacoubou : Mais ce n’est pas une approche extravertie. Ce sont surtout les exigences de gestion d’un Etat qui fait qu’un Chef d’État doit être sur les deux fronts : à l’interne et à l’international .Ce n’est pas propre au Niger .le jour où vous trouverez un pays qui ne veut jouer aucun rôle international je vous prie de me le faire savoir. En plus il n’y aucun déséquilibre par rapport à la politique à l’interne, le président Issoufou a une parfaite connaissance du Niger et de ses problèmes. Et il les gère sans désemparer. C’est ainsi que tous les pays fonctionnent et au demeurant même ceux qui ont les capacités ont toujours besoin de l’étranger. Même si le Niger était autosuffisant en disposant de toutes les ressources, nous ne saurions vivre en autarcie. Il faudrait des échanges avec les autres nations du monde ne serait-ce que pour acheter ou pour vendre. Aujourd’hui les terroristes nous attaquent ainsi que nos voisins. Que serait cette situation si chacun se mettait de côté pour faire cavalier seul ? Non ! Il faut avoir l’intelligence des relations minimales nécessaires pour un Etat. Et ces relations minimales nécessaires sont portées par les activités que le président de la République mène pour l’intérêt du Niger. Quand on sait que l’engagement international du président ne vise souvent qu’à résoudre essentiellement des problèmes internes de notre pays, il n’y a absolument aucune raison de critiquer les missions du président de la République. Autant je reconnais à chacun le droit de critiquer et de rejeter un point de vue, autant je dois dire à ceux qui critiquent ces missions se trompent complètement.
Niger Inter Magazine : D’ancien syndicaliste, vous êtes désormais un homme politique confirmé. Vous avez participé à la dernière élection présidentielle avec un score honorable pour un coup d’essai. La politique est-ce une vocation pour vous ?
Ibrahim Yacoubou : Honnêtement je ne sais pas si c’est la politique qui est ma vocation, mais je sais que toute ma vie je me suis mis au service de la communauté. Je ne suis extrêmement à l’aise qu’au service des groupes .Toute ma vie active, je n’ai fait que le syndicat et la société civile et toujours au nom de mes principes et de mes valeurs: la démocratie, le service du peuple et l’engagement pour mon pays. Les engagements collectifs ont toujours ceci de particulier qu’ils vous amènent souvent dans des dynamiques qui vous dépassent et vous dominent. Déjà au collège j’étais dans le syndicat, à l’école nationale d’administration (ENA) également et quand je suis venu à la douane, je crois que le premier mois de mon intégration j’ai intégré le syndicat. L’essentiel de ma vie ce sont des engagements collectifs et ceux-ci sont souvent des engagements politiques puisque quand vous êtes au syndicat vous êtes obligé de prendre position par rapport à comment le pays est gouverné, à comment vos intérêts sont considérés par le gouvernement. Jamais de ma vie je n’ai réalisé que j’allais être un homme politique. Je ne sais vraiment pas comment je suis tombé dans la politique, mais je ne l’ai jamais programmé ni même imaginé que mon parcours au sein du mouvement social nigérien et altermondialiste me conduirait à la politique. Peut-être que c’est un aboutissement naturel, mais je ne l’ai jamais su moi. Je sais tout de même que le syndicalisme a toujours été t à la limite de la politique. J’avais pensé de ma vie que j’allais être un grand douanier, avec le grade le plus élevé et puis finir ma vie professionnelle et rentrer chez moi cultiver la terre ou donner des cours .
Niger Inter Magazine : Pourtant même étant douanier vous étiez dans des grands débats comme altermondialiste…
Ibrahim Yacoubou : oui, j’ai lu, à l’époque, des journaux qui disaient que c’était singulier ou pas courant. C’est ma part d’engagement social et de défense des intérêts de notre pays ,et ma conviction qu’un autre monde ,nettement meilleur ,plus juste, plus solidaire et plus égalitaire est non seulement possible mais surtout nécessaire .Je pense que chaque citoyen a la capacité d’influencer sur son environnement, sa propre vie. Moi j’ai intégré cela comme un devoir et c’est ça qui se traduit par mon activisme social .Je crois toujours au fait que les engagements des citoyens produisent une vie et un monde meilleurs. C’est cette conviction qui a fondé mon adhésion au mouvement altermondialiste.
Niger Inter Magazine : Votre parti le MPN Kiishin kasa fait partie de la majorité au pouvoir. Que dites-vous à ceux qui reprochent à votre coalition de faire un deal au détriment du peuple notamment après la formation du gouvernement dit de ‘’large ouverture’’ au regard de son caractère pléthorique?
Ibrahim Yacoubou : la composition d’un gouvernement de coalition est une tache extrêmement difficile; je vous prie de me croire que c’est un exercice extrêmement complexe. Cet exercice devient encore plus délicat, plus difficile lorsqu’il se passe dans nos pays où l’édifice démocratique est si fragile et si vulnérable. Le gouvernement de large ouverture dans sa conception et dans son principe est et doit être avant tout un élément de la stabilité politique de notre pays. Et pour y parvenir cela implique la prise en compte de beaucoup de facteurs, y compris peut être malheureusement celui d’en faire un peu plus de ministres que ce que certains ont espéré. Je suis convaincu que vos lecteurs le savent, un gouvernement n’est jamais conçu ou composé pour l’éternité. Peut-être que demain ceux qui auront en charge cette en feront moins. Je sais qu’il y a une charge symbolique sur le nombre, mais je sais tout autant et surtout que le plus important est que ce gouvernement, par sa composition et par le travail qu’il va produire, nous permette d’assurer une bonne stabilité socio politique et la gouvernance la plus efficace pour notre pays .En vérité ,je dis ici mon point de vue parce que je sais, de ce que j’ai observé, que cet exercice ne fut pas du tout aisé. A mon humble avis le gouvernement doit être conçu d’abord comme un élément de la stabilité politique. Dans ce sens un gouvernement ce n’est pas une fin, c’est un moyen. L’essentiel c’est de savoir comment amener les hommes et les femmes qui forment cet instrument qu’est le gouvernement à faire avancer le pays. De mon de point de vue, ce gouvernement tel qu’il a été fait c’est le gouvernement du moment. Je sais que le souci du premier ministre c’est de former un gouvernement assez consensuel et représentatif des forces qui soutiennent le président de la République. Je reconnais qu’au sein de l’opinion l’on ne voit que le nombre, sans considérer les contraintes et défis qui ont amené le président de la République et le Premier ministre à la formation de ce gouvernement de large ouverture. Je demande surtout qu’on nous juge aux résultats.
Niger Inter Magazine : En tant que chef de la diplomatie nigérienne et si on vous demandait à l’extérieur comment expliquez-vous le fait d’être le dernier pays en Indice du développement humain et avoir le plus large gouvernement au monde ?
Ibrahim Yacoubou : On ne me l’a pas encore demandé. Et vous savez les partenaires savent comment les gouvernements sont constitués. Et ils comprennent les défis, les contraintes ou difficultés auxquels les autorités sont confrontées pour mettre en place un gouvernement. Tout le monde comprend le souci de stabilité au Niger au regard du contexte sécuritaire sous régional. Je note le point de vue de mes concitoyens qui demandent de considérer le caractère supposé pléthorique de ce gouvernement. Mais je me dois ,à la vérité, de leur dire que nous sommes tout autant conscient des défis budgétaires ,sécuritaires, et surtout des responsabilités politiques qui sont les nôtres pour que chaque jour qui passe renforce notre démocratie et nos institutions. Le jour où nous aurons réussi ce renforcement, les nigériens qui seront aux commandes en ce temps-là n’auront peut-être même pas besoin de 20 ministres. Donc construisons et travaillons ensemble à renforcer notre démocratie. Dois-je rappeler qu’en 60 ans d’indépendance notre pays n’a jamais connu une transmission démocratique du pouvoir ? C’est un indicateur suffisant pour savoir si nous devons fortement travailler, inclure, élargir et impliquer les fils et les filles de ce pays pour stabiliser notre pays. C’est cela le déterminant, tout le reste n’est que factuel.
Niger Inter Magazine : Au sein de l’opinion il se raconte que vous jouez le ticket du Général Salou Djibo pour 2021. Est-ce une vue de l’esprit ?
Ibrahim Yacoubou : Si aujourd’hui, en ce mois de novembre 2016, quelqu’un parle de 2021, je sais qu’il ne fait pas de la politique ou du moins il est totalement éloigné ou insuffisant sur les dynamiques politiques. J’avoue qu’en politique s’il vous est possible de faire une prévision ou un plan de carrière même sur 2 ans, je dirais que vous êtes très fort. Moi je n’en suis pas capable. Par rapport au général Salou, nous n’avons aucun plan secret. Nous sommes des amis et j’en suis heureux parce qu’il a des qualités sociales importantes. Salou Djibo c’est un homme que j’ai découvert sous la période de transition et depuis j’ai gardé la même ’estime et la même considération pour lui. C’est pour cela qu’après la transition, lorsqu’il a cédé le pouvoir, on est resté ensemble. Avant que je vienne au gouvernement en 2012 et alors même que jetais encore à la douane, je l’ai accompagné dans tous ses déplacements internationaux et j’ai été très présent dans ses activités liées à la fondation dont je suis membre. J’ai eu de l’admiration pour sa rigueur d’avoir tenu tous ses engagements après le coup d’Etat. Il a mis un point d’honneur à organiser la transition dans les délais que les représentants au Conseil Consultatif lui ont fixé et il a laissé le pouvoir aux civils. D’autres, en pareille circonstance auraient tout fait pour s’accrocher au pouvoir; lui, il ne l’a pas fait et il a organisé la restauration de l’ordre démocratique à travers des élections que les acteurs politiques engagés et la communauté internationale ont salué. Je l’ai connu dans ces circonstances et on a gardé de très bons rapports. Et ces rapports demeurent encore tout aussi soutenus. Je dis que ni pour 2016 et encore moins 2021 nous n’avons parlé projet politique avec le général.
Niger Inter Magazine : Pourtant vous êtes membre du Conseil d’administration de la Fondation Salou Djibo. Est-ce de l’amitié ou de la complicité ?
Ibrahim Yacoubou : oui je viens de vous le dire, je suis membre fondateur et membre du conseil d’administration de la fondation. La fondation est une organisation ordinaire et y en plein au Niger .,je ne comprends pourquoi pour celle-là attirerait l’attention plus que de raison.je ne vois pas aussi pourquoi pour des rapports d’amitié on devrait parler de complicité. Je ne comprends ce que cela veut dire pour ce qui nous concerne.
Niger Inter Magazine : Salou Djibo n’est donc pas votre mentor ou directeur de conscience….
Ibrahim Yacoubou : Je n’ai absolument aucun maitre ou directeur de conscience. Franchement, je vais vous déstresser, le General Salou est un ami à moi et nous fonctionnons comme dans tous les rapports humains d’amitié normaux qui existent dans toutes les sociétés, entre deux personnes de bonne foi. Pourquoi voudriez- vous qu’il y ait autre chose de cachée ou un projet politique secret derrière tout ça ? Je sais que vous avez remarqué qu’il n’a jamais pris parole, ni mené des activités politiques depuis qu’il est parti et cela fait aujourd’hui 6 ans. Ne cherchons pas la petite bête, comme on dit; c’est infondé. Reconnaissons au moins qu’il y a de la vertu à tenir ses engagements, notamment lorsqu’il s’agit de laisser un pouvoir qu’on a acquis par la force. Regardez tout autour de vous comment les autres se sont comportés en l’occurrence.
Niger Inter Magazine : Sa gestion est loin d’être vertueuse selon nos informations…
Ibrahim Yacoubou : je ne sais pas de quel aspect vous parlez, ni quelles informations spéciales vous détenez, mais vous pouvez lui demander ou faire une interview de son premier ministre; moi je n’étais pas au gouvernement. Les nigériens et le monde entier ont témoigné que ce commandant de notre armée a pris le pouvoir et l’a rendu aux nouvelles autorités démocratiques en un an. Comme il l’a promis.
Niger Inter Magazine : Alors Directeur de cabinet adjoint du président Issoufou vous disiez que ce dernier en un mandat avait fait plus que les différents gouvernements passés tous réunis. D’aucuns avaient interprété vos propos comme de la complaisance. Comment réagissez-vous aujourd’hui ?
Ibrahim Yacoubou : J’ai affirmé cela sur la base des statistiques vérifiables. La comparaison des réalisations et infrastructures sont sans commune mesure entre, par exemple, les années 2000-2010 et le premier mandat du président Issoufou. Peut-être que d’autres feront mieux et il est souhaitable que chaque jour d’autres fassent plus pour leur pays, mais ce que j’avais dit à l’époque n’était rien de spécial; c’est la réalité intangible des réalisations dans certains domaines .Vous pouvez consulter les statiques des institutions financières internationales et des différents rapports vous verrez que des progrès ont été accomplis. C’est cela le fait.
Niger Inter Magazine : Vous avez eu des incompréhensions avec le PNDS Tarayya, le parti du président Issoufou et vous vous retrouvez de nouveau dans une coalition politique. Quelles leçons avez-vous tirées politiquement de cette épreuve ?
Ibrahim Yacoubou : J’ai tiré beaucoup de leçons de cette expérience. Mais vous savez, de notre vie quotidienne, de nos échecs, de nos chocs et de nos réussites, nous tirons toujours des leçons .C’est le moins qu’on puisse attendre des êtres humains. S’agissant de ce qui s’est passé il y a un peu plus d’un an, c’est pas aujourd’hui que je dirais quelque chose de particulier .Je suis désolé de vous décevoir. Je sais combien les journalistes du Niger et internationaux m’ont mis la pression pour qu’après la déclaration du PNDS je parle à mon tour ;.j’ai refusé cela . Je me suis retenu malgré ces demandes insistantes et répétées des médias nigériens parce qu’en politique ou en relations sociales il faut être très humble et réservé pour garder de l’espace pour demain et après-demain. La politique, c’est mon choix et j’assumerai toutes les conséquences qui s’y rattacheront .Quelques semaines avant mon exclusion, j’ai déposé irrévocablement ma démission de la douane après 25 ans de service. Il semble que ce n’est jamais arrivé dans ce corps. Des collègues m’ont appelé pour me dire de retirer avant que ça n’aille au Ministère des finances. Un bon ami à moi, à qui j’ai opposé un refus catégorique par rapport au retrait de ma lettre de démission m’a écrit un texto pour me dire “tu fais un grand saut dans l’inconnu, il faut le savoir” (rires) . Je n’ai donc absolument jamais pensé que c’est un jeu d’enfants et qu’il existe un risque dont je peux faire l’économie en m’engageant dans la politique, ou que les uns et les autres se caresseraient dans le sens du poil. A partir du moment où j’ai décidé de faire de la politique, j’ai aussi décidé de la faire avec beaucoup d’énergie et même de passion. Moi par principe lorsque je suis dans un projet, je m’y engage totalement et en toute loyauté. C’est pourquoi après la déclaration du PNDS je suis allé à la présidence déposer ma démission et je n’ai jamais hésité un seul instant quant à la volonté de poursuivre mon engagement politique, quelles que soient les adversités.
Niger Inter Magazine : L’incident est clos alors…
Ibrahim Boubou : Totalement. Je n’ai absolument aucune rancœur et rancune contre qui que ce soit. Je ne serai pas à la hauteur de mes responsabilités et mes ambitions si je peux fonctionner par la rancœur et la haine. Jamais. Je remercie Dieu de me donner un cœur aussi gros. Je ne le dis pas spécialement aujourd’hui, je l’ai répété partout depuis que nous avons créé le parti. J’ai dit dans tous les meetings que moi personnellement je pardonne. On ne peut pas évoluer en politique, au service des nigériens et se croire à l’abri des situations comme celles-là .Si demain je devais prendre de nouveaux coups, j’assumerai et j’avancerai Inchallah. Mais ce sera toujours sans rancune. Mais s’il y a une chose sur laquelle je ne changerai jamais : c’est bien mon engagement pour le Niger. Pour cela toute autre chose, toute autre considération me parait secondaire. Pour le Niger, je ne ferai ni l’économie de mon énergie, ni l’économie de mon engagement.
Niger Inter Magazine : Quelle est votre opinion sur l’élection de Donald Trump comme 45ème président des USA ?
Ibrahim Yacoubou : Le président de la république Issoufou Mahamadou a salué et félicité le président élu pour son élection et le peuple américain pour la qualité du scrutin. Le peuple américain a fait son choix et nous le respectons. En tant que ministre des affaires étrangères, je voudrais rappeler que Les Etats-Unis et le Niger entretiennent de relations anciennes et solides. Ces relations sont aujourd’hui à leur niveau économique et politique le plus élevé ,Notre Accord MCC est le plus important accord bilatéral de don dans l’histoire du Niger .Sur le plan politique, diplomatique et en matière de partenariat de sécurité, jamais nos relations n’ont été aussi fortes et importantes. C’est donc un partenaire capital pour nous et avec lequel nous continuerons à travailler pour que ces relations se consolident et soient mutuellement avantageuses. Je sais que l’administration Trump travaillera dans ce sens .Pour notre part, nous y sommes totalement disposés.
Niger Inter Magazine : Le chef de la diplomatie que vous êtes a-t-il le temps pour la lecture ?
Ibrahim Yacoubou : Pas autant de temps qu’avant j’avoue, mais je lis assez souvent. Je vous conseille d’ailleurs de ne jamais arrêter de lire.
Niger Inter Magazine : Peut-on savoir au moins trois livres qui ont influencé votre vision du monde?
Ibrahim Yacoubou : Je ne sais pas si ces livres ont influencé, et dans quelle mesure, ma vision du monde, mais si je dois emporter avec moi trois livres que je relirai à ne jamais m’en lasser, j’emporterai LE PRINCE de Machiavel, L’ART DE LA GUERRE de Sun Tzu et LES DAMNES DE LA TERRE de Frantz fanon.
Réalisée par Eh. Mahamadou Souleymane et Abdoul Aziz Moussa
Niger Inter Magazine ( Novembre 2016)