Le 29 juillet ne laisse aucun démocrate nigérien indifférent. Cette date marque le rendez décisif du peuple nigérien avec l’Histoire pour la conquête des libertés fondamentales. La Conférence Nationale Souveraine du Niger, sans être une révolution, constitue sans conteste un repère important dans l’histoire du Niger. Abdourahaman Zakaria, un acteur parmi la jeunesse qui a joué un rôle d’avant-garde témoigne. un devoir de mémoire.
La Conférence Nationale Souveraine du Niger (CNS) s’est tenue du 29 juillet au 3 Novembre 1991 et a regroupé toutes les forces vives de la nation. Vingt-cinq ans c’est un quart de siècle et c’est beaucoup dans la vie d’un pays. Un tel évènement mérite une célébration inclusive digne de toute son importance. Au niveau de notre petite personne, c’est un devoir pour nous d’édifier brièvement nos jeunes concitoyens qui n’ont pas eu la chance de vivre cet évènement mais qui leur a été conté et parfois de manière tendancieuse. Cela va de soi, car certains de nos concitoyens n’ont jamais voulu d’un tel évènement pour la simple préservation de leurs intérêts bassement particuliers. D’ailleurs, ils ne ratent aucune occasion pour le caractériser péjorativement et le ternir avec une incivilité qui frise la haine et la phobie.
En effet, la CNS est un évènement très significatif dans l’histoire socio-politique de notre pays. C’est d’ailleurs à juste titre qu’elle a été consacrée au même titre que la proclamation de la République (le 18 décembre 1958) et l’Indépendance Nationale (le 3 août 1960) dans la constitution de la Septième République du Niger et cette même constitution nous fait obligation d’œuvrer à la consolidation de ses acquis.
Après son indépendance, le Niger a connu différents régimes qui ont tous été incapables de prendre en charge les aspirations populaires. Jusqu’en 1990, la situation socio-politique était particulièrement caractérisée par la dictature et la mauvaise gouvernance. En termes de forces politiques en présence il n’y avait que le pouvoir qui faisait et défaisait les choses. Il n’existait aucune forme de contre-pouvoir, c’était le règne de l’absolutisme.
Il a fallu la tragédie du 09 février 1990 au niveau national, et au niveau international la chute du mur de Berlin suivie par l’exigence de démocratisation dans certains pays africains pour que les Nigériennes et les Nigériens commencent à gouter à certains droits et libertés dans notre pays. Il faut retenir que la manifestation de l’Union des Scolaires Nigériens (USN) n’a pas surgi ex nihilo, à l’époque, l’USN avait déjà trente ans d’existence. Il apparaît clairement que l’USN a une riche histoire de lutte permanente pour les valeurs démocratiques et la justice sociale.
Le 09 février 1990 les scolaires nigériens ont librement et démocratiquement décidé de défendre leur plate-forme revendicative générale. Les autorités de l’époque refusèrent d’engager des discussions responsables et sincères avec les scolaires. Au cours d’une marche pacifique organisée par l’USN, face à la farouche détermination des manifestants, le pouvoir a choisi comme réponse une répression brutale et barbare. Ce jour-là, les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles, le bilan était très lourd, trois morts et plusieurs blessés du côté des scolaires. Les condamnations fusaient de partout au niveau national et international. C’était le moment choisi par le Syndicat National des Enseignants et Chercheurs du Supérieur ( SNECS), la centrale syndicale Union des Syndicats des Travailleurs du Niger ( USTN) et ses syndicats affiliés comme le Syndicat National des Enseignants du Niger ( SNEN), le Syndicat National des Travailleurs des Mines (SYNTRAMINES) et bien d’autres syndicats pour entrer en action.
Très vite, une synergie de revendications et de luttes syndicales s’est créée. Cet qui a permis à l’USN et les autres syndicats de sensibiliser et de mobiliser leurs militants et au-delà une majorité écrasante de nos compatriotes pour passer des revendications corporatistes aux revendications purement politiques. Des sujets tabous comme la démocratie et le multipartisme étaient les principales exigences des Nigériennes et des Nigériens. La liberté d’expression commença à se matérialiser avec l’émergence d’une presse privée et indépendante.
La lutte pour la démocratie et les libertés s’est accentuée et les évènements se sont succédé consacrant des victoires du peuple nigérien en général et des forces démocratiques en particulier. Le 1er mai 1990, fut l’occasion pour l’USTN de revendiquer le multipartisme intégral. Les luttes démocratiques des syndicats se radicalisaient et devenaient multiformes. Le rapport des forces étant en faveur des forces syndicales, le Conseil Supérieur d’Orientation Nationale (CSON) par la voix du feu Général Ali Saibou (paix à son âme) abdiqua et accepta le multipartisme intégral. Le camp des forces démocratiques s’était élargi avec la naissance des partis politiques.
Face à la diversion, la diffamation, l’intimidation et la répression utilisées par les autorités, le Comité Directeur de l’USN dans sa stratégie de mieux organiser et coordonner la lutte démocratique avec les syndicats et les partis politiques nouvellement créés initia la création d’une plus large coalition des forces démocratiques. C’est ainsi qu’est né le Comité de Coordination des Luttes Démocratiques (CCLD). Fidèle à son habitude le pouvoir a fait feu de tout bois pour diviser et liquider ce nouveau cadre. Comme à l’époque seule la lutte payait, les forces démocratiques ont poursuivi leur petit bonhomme de chemin pour obtenir la convocation de la conférence nationale.
La CNS était une confrontation entre les forces du changement et les forces rétrogrades,mais elle s’était bien déroulée avec un examen sans complaisance de la situation socio-politique du Niger de 1960 à 1990. Certes, les approches et les stratégies ont divergé, mais des décisions objectives ont été prises et des recommandations ont été faites pour des perspectives plus reluisantes dans différents domaines de la vie de notre pays. La CNS est le fruit des luttes et de tous les sacrifices consentis par les forces démocratiques pour faire de la démocratie une réalité dans la vie de tous les jours dans notre pays. Il faut surtout préciser que nous n’avons jamais considéré la CNS comme une révolution ou une panacée.
La démocratie nigérienne est chancelante, elle cherche à se stabiliser. Pour un développement harmonieux de notre pays, c’est un devoir pour nous tous de la rendre dynamique et viable en posant des sérieux débats sur la démocratie et la vie politique au Niger.
Zakaria Abdourahaman