Débat politique : Le clan Bazoum et la société civile

« Tout celui qui m’a insulté, je le laisse à Dieu ». Cette formule de résignation, tirée du langage Hausa, vient du très célèbre acteur de la société civile, Nouhou Arzika, qui a préféré s’en remettre à la volonté de Dieu, plutôt de s’élancer dans un mano à mano avec les acteurs politiques de l’entourage du Président renversé Bazoum Mohamed.

La semaine dernière, à la faveur d’un débat télévisé auquel il participait, Nouhou Arzika faisait un rappel sur les circonstances du coup d’État militaire du 26 juillet 2023. Un coup d’État dont les seuls acteurs sont les éléments militaires qui ont pris l’initiative de le mener sans l’aide, ni le soutien de personne. Aussi, il n’existe personne de la société civile qui puisse revendiquer un rôle dans cet événement historique, personne alors pour se donner une quelconque légitimité pour dicter des ordres aux auteurs du coup d’État du 26 juillet 2023.

Il a suffi de ce rappel pour que des acteurs politiques du cabinet de l’ancien Chef d’État se déchaînent sur l’activiste à travers des publications où ils ont multiplié attaques et accusations contre Nouhou Arzika.

Dans un écrit, un d’entre eux s’est voulu très accusateur, menaçant de faire des divulgations concernant l’acteur de la société civile. Alternant insultes et accusations, les anciens membres de l’équipe de l’ex-Président se sont relayés dans leurs assauts contre Nouhou Arzika, accusé de tous les péchés d’Israël.

Visiblement, depuis qu’ils ont compris qu’il a pris fait et cause pour le soutien au Général d’Armée Tiani Abdourahamane, tombeur de leur ancien patron Bazoum Mohamed, ils ne ratent aucune occasion pour l’attaquer. L’attaque en règle déclenchée par l’ancienne équipe de Bazoum n’est pas sans révéler une sorte de réaction d’humeur ou de frustration contre l’activiste de la société sur qui, ils ont quelque peu compter pour prendre la défense de leur patron qui est encore gardé dans les appartements du Palais de la présidence, depuis le coup d’Etat qui l’a renversé, en même temps que son épouse Hadiza Mabrouk.

La désolation de l’ancienne équipe de Bazoum Mohamed est d’autant plus justifiée que depuis les évènements du 26 juillet, le couple présidentiel ne bénéfice presque d’aucun soutien des milieux des acteurs et défenseurs des droits de l’homme et de la démocratie.

Au niveau national, l’essentiel des acteurs de la société civile ont très vite manifesté leur soutien aux militaires du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), organe militaire mis en place par Tiani Abdourahamane et ses compagnons au lendemain du coup d’État.

Une méfiance de la société en réaction à la France

Aujourd’hui, l’essentiel du soutien à l’ancien président est composé des acteurs politiques de son cabinet en exil. La société civile et les défenseurs des droits humains se sont gardés de se placer dans le soutien d’un ancien président qui est apparu comme l’homme lige de la France. Tout le destin politique de Bazoum s’est ruiné lorsqu’il a été découvert depuis le départ, que la France était dans son casting politique. La France était sur le point de lancer un raid militaire de grande ampleur pour le rétablir dans ses fonctions à la présidence de la République. Lorsque cette tentative de première heure avait échoué, la France a confié la destinée de Bazoum à la CEDEAO, à l’Union européenne et à des actions de sabotage diplomatiques qu’elle a perpétré pour étouffer le pouvoir nigérien sur la scène diplomatique à Internationale et aussi sur le plan financier.

En octobre 2023, quelques mois après le putsch, la France a tenté une opération d’exfiltration de l’ancien président qui a viré au fiasco. Quel acteur de la société civile nigérien peut désormais s’associer dans cette vaste entreprise de casse du Niger ? Toute la société civile s’est rebiffée, Bazoum est devenu un dossier 100% français. Depuis Paris et les capitales africaines complices de la France, les équipes Bazoum mises en planque balancent des torpilles médiatiques dans la tentative de nourrir un soulèvement populaire au Niger.

Des actions couplées avec un coaching du terrorisme. L’autre aspect qui a compliqué le dossier Bazoum, c’est cette collusion avec le terrorisme qui sévit au Niger et dans les autres Etats voisins, un terrorisme largement soutenu et entretenu de bout en bout par la France qui fournit renseignements, équipements et formations aux éléments terroristes. L’implication de la France et la découverte tardive de son rôle sur le terrain a conduit les Etats du Mali, du Burkina Faso et du Niger à prendre leur distance avec l’ancienne métropole. Ce qui a débouché à une vaste crise politique, diplomatique et militaire avec la France.

Bazoum, c’est aussi la « Petrolium connexion »

Si durant son règne, le président Bazoum s’est arc-bouté derrière un discours foncièrement anti-corruption, très vite, il est apparu que c’était une posture bien orchestrée de façon millimétrée pour faire diversion. Pour détourner l’attention de l’opinion nationale et internationale, Bazoum Mohamed a préféré sacrifier son parti politique, accusé de grosses corruptions. Ce qui a fait écran sur les affaires de famille. Parce que le grand enjeu, c’est la bataille autour de la manne pétrolière, et toutes les grosses opérations sont déjà passées sous le contrôle de la famille.

Les Saad, la famille du président Bazoum et les Ben Mabrouk, celle de son épouse, contrôlent déjà 100% des marchés de seconde importance liés à l’exploitation pétrolière. Si les Chinois ont pris les gros marchés les plus complexes, au niveau national, ce sont les Ibrahim Saad, neveu de Bazoum, Abdallah Mansour parent libyen de Bazoum, Mounem Salem, neveu de Bazoum, Mohamed Ben Mabrouk, Ali Ben Mabrouk, Charafedine Ben Mabrouk tous des oncles de la première dame Hadiza Mabrouk qui raflent des milliards de francs CFA des opérations liées aux travaux de maintenance, des commandes et autres business pétroliers.

Bazoum, un président directement sous tutelle de la France, Bazoum dans le management du terrorisme régional, Bazoum lourdement empêtré dans la mafia pétrolière. Avec un tel profil, quel acteur de la société civile pouvait s’en approcher sans laisser des plumes ? Toutefois, la France a essayé de lancer en orbite des structures satellites qu’elle a approché, mais c’était sans aucun succès.

Aujourd’hui, le dossier Bazoum qui fait l’objet d’une instruction judiciaire depuis sa mise en accusation par la Cour d’État n’intéresse plus sur le plan national. Même les réseaux français s’y éloignent.

 Ibrahim Elhadji dit Hima