Assises nationales : Quelque chose n’a pas fonctionné

Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné lors des travaux des Assises nationales ?  Qu’est-ce qui a fait défaut alors que tout le monde s’attendait à ce que ces Assises débouchent sur une production intellectuelle de haute facture ? Le Président de la transition, le Général Tiani Abdourahmane l’a dit : « ces Assises devaient intervenir des mois plutôt, mais pour des situations sécuritaires face aux menaces qui pointaient sur le Niger, elles n’ont pu se tenir suivant le calendrier initial ».

Ce décalage de temps aurait dû être utilisé pour mûrir des réflexions, pour affiner les propositions et les contributions recueillies de toute part. Dans cette logique, il était logiquement attendu un travail qui puisse mettre entre les mains du CNSP, une bonne base de données très précieuses pour la mise en place des institutions et les politiques très équilibrées devant permettre relancer le pays. Mais pourquoi alors les attentes des Assises se sont effondrées ? Pourquoi cet ébranlement qui a conduit à un affaissement de la pensée ?

Entre rupture et trahison

Quoi qu’on puisse dire, c’est que les travaux de ces Assises ont porté la marque du parti Lumana. Ils ont manœuvré pour être dans la proximité avec le régime militaire de la transition. Quand toutes les composantes nationales ont soutenu les autorités du CNSP en charge de la transition contre les menaces de la France et de la CEDEAO, les militants Lumana eux, ont eu l’habileté de jouer résolument dans l’esprit de soutien contre poste avec les autorités de la transition.

Par des petits mots, par des petites sorties, ils ont su avancer leurs pions. À certains moments, le président du Front patriotique pour la souveraineté (FPS) n’hésitait pas à publier que « le FPS n’est le comité de soutien de personne », que c’est grâce à eux si le CNSP existe…. Des insinuations ou menaces feutrées qui ont eu de l’effet, puisque les militants lumanistes, avec leurs structures de la société civile, vont être les interlocuteurs privilégiés du CNSP.

À cette époque déjà, se posait la question de savoir pour qui roulent les structures de la société civile où s’étaient repliés une forte majorité des militants Lumana de la capitale ? Pour Hama Amadou ou pour leur propre business politique ?

Toujours est-il que le décès de l’ancien patron de Lumana semble avoir accéléré leur indépendance. Sans porter le deuil, ils ont choisi aujourd’hui de tuer l’esprit Hama Amadou.

La proposition de dissoudre les partis politiques est aujourd’hui perçue comme une deuxième mort de Hama Amadou. Quand le jeudi 20 février dernier, Barry Bibata Niandou prononçait la synthèse des Assises, Hama Amadou avait dû se retourner dans sa tombe. Si Issoufou Mahamadou s’est posé comme le plus grand bâtisseur de toute l’histoire politique récente du Niger, Hama Amadou lui est resté l’homme politique le plus talentueux de tout l’échiquier politique.

Celui que la presse appelle « l’animal politique » est devenu en effet, année après année, comme le temple du génie et de la ruse en politique. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, Hama Amadou se pose comme l’homme politique le plus rusé et le plus habile que tous les adversaires redoutent.

Dissoudre les partis politiques, c’est totalement effacé ce grand homme de la mémoire des Nigériens. Une facette de cette mémoire, c’est justement le parti Lumana qu’il a créé, alors qu’il était dans les geôles de Tandja Mamadou. Lumana est le symbole de cette agilité, de cette ruse, de cette intelligence politique par laquelle, de l’intérieur de sa prison, il s’était préparé à lancer une nouvelle carrière politique alors que Tandja Mamadou l’avait dépossédé du MNSD-Nassara qu’il avait sauvé de la dissolution par la Conférence nationale souveraine, des années auparavant.

Aujourd’hui, ce ne sont pas les adversaires de la Conférence nationale, encore moins l’administration de Tandja qui n’a pas vu venir la création de Lumana qui proposent au CNSP, la dissolution des partis politiques. Ce sont plutôt ceux-là qu’on appelle les « fils spirituels de Hama » qui font feu de tout bois pour effacer l’empreinte de son génie politique.

Or, la meilleure stature d’un héritier, c’est de perpétuer l’héritage. Aujourd’hui, c’est la mort dans l’âme, que l’enfant de Hama Amadou, le sieur Ismaël Hama Amadou, que tous les artificiers, à l’image de Soumana Sanda, Oumarou Dogary, Tahirou Saidou le Président du parti, Sani Malan Sani, Abdourahmane Saidou, toutes ces grandes figures qui ont été de tous les combats aux côtés de Hama Amadou, qui ont vécu impuissants « la mort de Lumana » entre les mains de tous ces enfants, à qui Hama Amadou avait tout donné et pour lesquels il a accepté tous les sacrifices.

Dans l’entourage politique du défunt tribun, sans doute que cette proposition (dissolution des partis politiques) est perçue comme une trahison. Plutôt que de perpétuer la flamme de la lutte, ils ont préféré l’éteindre ou la trahir. Ils ont tué Lumana pour mettre en orbite leurs propres structures de la société civile.

 La durée de la transition

La proposition de la durée de la transition, cinq (5) ans renouvelables est un prolongement de cet effacement ou de cet assassinat du parti. La règle du jeu ici, c’est « j’y suis, donc j’y reste ». En fait ici, il s’agit de rejeter définitivement la démocratie, de rejeter toute perspective d’élection. Un mode de régime est en place, il fonctionne avec un pouvoir militaire soutenu par leurs structures de la société civile, notamment le FPS et le M62, entre autres. Cette logique a débouché sur une deuxième trahison : la trahison contre le président de la transition, le Général Tiani Abdourahmane. Dès sa première sortie publique, il avait annoncé les visions cadres qui doivent servir de repère sur la durée de la transition. Abdourahmane Tiani a renouvelé à différentes occasions, lors de ses entretiens avec la presse, ses engagements sur la durée limite de la transition. Il s’agit de s’organiser sur une période qui n’excédera pas trois ans. Mais ces activistes, comme par insubordination, comme par défi, ont continué à clamer une transition de longue durée. J’y suis et j’y reste. Et pour cela, ils ont choisi là aussi de trahir la volonté exprimée par le Général Tiani.

Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné pour que les Assises nationales basculent totalement dans cette ambiance de rupture ou tout simplement de trahison coup sur coup avec l’esprit de Hama Amadou et ensuite avec la volonté du Général Tiani Abdourahmane ? Quelque chose a cassé, quelque principe vertu a fait défaut. Et à la place, seule logique du grand remplacement a prévalu. Les lumanistes, avec le soutien de quelques supplétifs du Tazartché ont fait le vide autour du CNSP pour s’y installer. Et cela dans la durée, cinq ans renouvelables.

 Ibrahim Elhadji dit Hima