Par décision prise en Conseil des ministres du 19 septembre 2024, le gouvernement a reporté au 28 octobre prochain, la rentrée des classes, initialement prévue au 2 octobre dernier. Ce choix bien que motivé par l’impact des dommages causés par les récentes inondations dans le pays, soulève plutôt des inquiétudes chez les enseignants contractuels vacataires qui vivent déjà une situation de précarité, en dépit de leur contribution non moins négligeable dans le système éducatif.
La décision du report de la rentrée scolaire 2024-2025 n’est pas en soi, une mauvaise chose, puisqu’elle fait suite au constat de l’indisponibilité des salles de classe, occupées en partie par les sinistrés des récentes inondations que le Niger a connues cette année. Aussi, avec ces intempéries, plusieurs salles de classe ont été impactées, voire détruites par les pluies diluviennes, rendant ainsi impossible la reprise des cours. Cependant, cette décision prise par le gouvernement laisse plusieurs enseignants contractuels vacataires sur le carreau, eux qui sont sans salaire durant toute la période des vacances scolaires. Comme en témoigne M. Moussa, enseignant vacataire dans une école privée de la place. « Dire que les responsables des établissements scolaires privés sont des capitalistes, n’est pas faux, mais que l’Etat qui est censé nous aider, ne le fait pas, je ne sais pas quoi dire », s’est-il plaint, en tentant d’expliquer les conditions de vie très difficiles des enseignants contractuels qui tirent le diable par la queue.
Bien que cette décision du report de la rentrée de quelques semaines de plus soit bien fondée, cela fait plutôt grincer des dents au niveau des enseignants contractuels vacataires des établissements privés. Ceux-là qui sont sans salaire durant toute la période des vacances scolaires, se voient encore prolonger leur calvaire, dans un contexte de flambée généralisée des prix des produits de première nécessité. Un avis partagé par Malick, enseignant vacataire dans un collège privé de la place, pour qui, ce report bien que fondé, ne l’arrange pas du tout. « Lorsque vous discutez avec les collègues sur le sujet, ils sont tous unanimes que ce report est un manque à gagner, en étant déjà dans une situation de misère », se lamente-t-il.
Pour qui connait la situation de précarité des enseignants du privé, « le premier mois de la rentrée, c’est pour prendre des prêts et faire face à diverses dépenses », confie Malick, ajoutant qu’ ‹‹ avec ce report, nous sommes obligés de serrer nos ceintures en attendant le 28 octobre prochain ››.
Malgré le fait qu’ils soient relégués au second plan, les enseignants contractuels vacataires surtout, occupent une place importante dans le système éducatif nigérien. Ils ont pratiquement les mêmes charges que leurs collègues titulaires, et pourtant, le traitement salariale diffère.
En 2001, pour pallier au problème criard de manque d’enseignants, en particulier au niveau des écoles primaires publiques, l’Etat du Niger a décidé de recourir aux enseignants contractuels. Une solution provisoire qui s’est plutôt pérennisée au fil des années. D’ailleurs, ceci fait l’objet, chaque année, de revendications légitimes du Syndicat National des Agents Contractuels et Fonctionnaires de l’Éducation de Base (SYNACEB) qui réclame la fin de la contractualisation et le recrutement direct et sans concours de l’ensemble des enseignants contractuels.
Il faut dire qu’en réalité, ils sont recrutés pour une durée déterminée, notamment deux ans renouvelables une seule fois. D’où cette dénomination d’enseignants contractuels. Malheureusement, leur statut n’évolue guère et ils sont nombreux à cumuler plusieurs années de contractualisation dans l’enseignement, sans pour autant voir leur condition s’améliorer, ne serait-ce qu’en termes de rémunération ou autres avantages dont bénéficient royalement leurs collègues enseignants titulaires. Une sorte de discrimination qui pénalise lourdement ces acteurs du système éducatif dont la contribution n’est plus à démontrer.
Parmi les discriminations auxquelles sont confrontés ces enseignants contractuels, il y a la rémunération connue sous le vocal de ‹‹ pécule ›› d’environ (75.000 fcfa) le mois, leur statut qui n’est même pas intégré dans celui de la fonction publique. Bref, autant de discrimination qui accentue la condition de précarité dans laquelle végètent les enseignants contractuels.
Cette précarité, les enseignants vacataires notamment des écoles privées, la vivent encore plus. Ils sont recrutés pour une durée déterminée, par les responsables d’établissement, pour dispenser des cours aux heures d’enseignement et rémunérés à la tâche, selon le calcul du nombre d’heures effectuées. Avec un traitement salarial dérisoire, ces enseignants vacataires ne disposent d’aucune couverture sociale et sont à la merci des responsables d’établissement qui peuvent les révoquer à tout moment. Une précarité qui ne dit pas son nom.
Le 5 octobre dernier, la communauté internationale a célébré la journée mondiale de l’enseignant autour du thème, ‹‹ valoriser les voix des enseignants : vers un nouveau contrat social pour l’éducation ››. Un thème qui en dit long sur la nécessité de valoriser le métier de l’enseignant.
Koami Agbetiafa