Jamais une alliance d’une telle nature n’a fonctionné à un aussi plein régime. Ça fourmille, ça gaze de tous côtés, ça allume les feux sans arrêt, les stratèges des deux côtés, du camp Lumana comme de la frange de l’entourage de l’ancien Président Bazoum Mohamed multiplient les idées et les innovations pour prendre d’assaut la transition politique en cours au Niger.
Le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) doit pouvoir piloter la transition avec beaucoup de dextérité pour éviter les embûches. Pris en sandwich entre deux feux, sa marge ne sera pas facile. Dès les premiers instants, les autorités de la transition savaient qu’ils allaient devoir composer avec l’opposition totale des partisans du Président déchu Bazoum Mohamed.
Aidés par la France et aussi par un important stock de ressources financières issues du business du pétrole, les principaux activistes de la famille politique Bazoum ont élu domicile à l’extérieur du pays. Dans les hôtels des capitales africaines et européennes, ils ont mis en place un vaste réseau d’action pour agir sur l’opinion nationale par le biais du contrôle de l’information. Leur domaine de prédilection est bien entendu celui de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme avec en toile de fond, la manipulation de l’information dans toute sa laideur. Plus que les terroristes eux-mêmes, les QG Bazoum de l’extérieur ont aujourd’hui une plus grande nuisance sur la quiétude nationale par la présentation des bilans ou des situations désastreuses très amplifiées dans laquelle les cellules Bazoum ont excellé.
Outre cette opposition naturelle, la transition du CNSP pourrait aussi redouter une autre opposition, celle du front Lumana. Opposition de circonstance, elle devait monter en puissance au fur et à mesure qu’elle aura l’impression de perdre la main dans le contrôle de la transition. Elle a pourtant beaucoup misé sur le putsch du Général Abdourahamane Tiani. Elle a voulu s’approprier la transition et a même revendiqué le coup d’État parce qu’elle voulait le récupérer à son compte pour placer les éléments de son agenda. Un agenda qui pourrait se décliner en trois points principaux: Primo, casser le PNDS Tarayya, le parti au pouvoir avec Bazoum Mohamed et disperser ses forces. Secundo, procéder à une vaste chasse aux sorcières par la traque et l’emprisonnement de tous les cadres PNDS, en premier lieu l’ancien Président de la République Issoufou Mahamadou, la bête noire de Lumana et Hama Amadou.
L’image d’un Président gagneur et qui a réussi des résultats politiques et économiques qu’aucun autre homme politique n’a réussi constitue un obstacle majeur pour la candidature possible de certains leaders politiques dont l’image est toujours associée aux malversations financières, aux déboires judiciaires et à leurs échecs dans la gestion. Il faut alors casser le PNDS, casser ses dirigeants. Et tertio, réussir des placements des cadres Lumana à divers leviers de l’administration pour s’assurer des bons appuis en perspective des prochaines élections. L’échec de Lumana dans ces trois compartiments de son agenda pourrait la pousser en monter en opposition contre le CNSP et rejoindre ainsi ses anciens amis, les fractions bazoumistes du PNDS Tarayya.
Cette alliance a déjà fonctionné par le passé avant le coup d’État du 26 juillet 2023. Elle a mis en relation les deux acteurs contre la vielle garde du PNDS Tarayya que Bazum Mohamed a voulu écarter du parti pour mettre en place des nouveaux cadres qui lui sont totalement dévoués. Cette alliance d’avant le putsch a pris pour cible l’ancien président Issoufou Mahamadou et la direction du PNDS. Au pouvoir à l’époque, le réseau Bazoum a financé des activistes Lumana qui ont inondé les réseaux sociaux des publications dirigées contre Issoufou Mahamadou et son entourage. Des opérateurs économiques proches de Bazoum Mohamed ont entretenu des relations soutenues avec des activistes des réseaux sociaux pendant que Bazoum lui-même rencontrait à l’extérieur du pays Hama Amadou, le patron de Lumana.
Le retour aux intrigues
Le retour à cette alliance pourrait être acté pour accélérer le travail de sape contre la transition du CNSP qui est déjà poursuivi par le bloc Bazoum. Des interventions courantes des amis de Bazoum tentent de saper le moral des Forces de défense et de sécurité (FDS) en jouant sur cette allusion aux négociations avec les terroristes, notamment cette dernière opération réussie qui a permis la libération des otages militaires de Boni. Si l’entourage de Bazoum a la maîtrise de l’action terroriste cherchant à déstabiliser le CNSP, le camp Lumana lui a l’habitude de la manipulation politique.
C’est peut-être dans ce sens qu’on pourrait lire cette lettre attribuée à la direction du PNDS qui appelait ses militants et les cadres de l’ancienne coalition politique MRN pour des actions de mobilisations politiques. De son côté, la cellule Bazoum insiste beaucoup ces derniers temps sur le retour du CNSP à des négociations avec les terroristes. Comme pour dire que le Général Tiani Abdourahamane et la transition n’ont plus rien à reprocher à Bazoum qui a négocié avec les terroristes. Mais ce que les amis de Bazoum ne disent pas, ce que ce n’est pas Bazoum qui choisit avec quel groupe terroriste il doit dialoguer, c’est la France avec ses services de renseignements qui indiquent qui sont les terroristes amis du Niger avec qui il faut négocier et qu’il faut libérer. Les négociations de Bazoum et les terroristes libérés constituent en somme la manifestation totale d’une forme de promotion et d’entretien du terrorisme sous la bienveillance de la France. Et c’est cela qui a été reproché à Bazoum. Mais pas le principe de négociation en soi.
Mais ce qui est sûr, les deux parties dans le retour à cette sainte alliance vont continuer à produire d’autres brouillards pour continuer à brouiller l’opinion nationale, à créer des situations d’angoisse pour fragiliser le front de soutien aux autorités militaires de la transition.
Ibrahim Elhadji dit Hima