Le 65ème sommet ordinaire des Chefs d’Etats et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), tenu le dimanche 7 juillet 2024 à Abuja (Nigéria), a désigné le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye comme facilitateur aux côtés du togolais Faure Eyadéma entre l’organisation et les trois pays ayant annoncé leur retrait de celle-ci en février dernier et qui ont dans la foulée mis en place l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Une mission d’importance pour l’avenir de l’intégration de l’Afrique de l’ouest que Diomaye Faye semble prendre très au sérieux, mais qui, d’aucuns n’hésitent point à qualifier d’impossible…
Seul Chef d’Etat de l’organisation non encore en place lors des sommets ayant pris des sanctions contre le Niger à la suite du coup d’Etat du 26 juillet 2023, le sénégalais Diomaye Faye bénéficie d’un avantage pour parler à ses homologues du Burkina Faso, du Mali et du Niger. C’était, en effet, la gestion des événements du 26 juillet par l’organisation sous régionale qui avait mis de l’huile sur un feu qui donnait l’impression de s’affaiblir.
Autre avantage, Diomaye Faye semble de part sa jeunesse et le parcours politique de son parti, plus proches de certaines idées qui mobilisent aujourd’hui des masses au sein de plusieurs pays ouest africains et qui constitue le socle du soutien populaire dont bénéficient les autorités militaires des trois pays de l’AES.
Il peut en outre savoir compter sur la force de l’appareil diplomatique sénégalais qui est à même de pourvoir le Chef de l’Etat en appui-conseil nécessaire dans la délicate mission qui est désormais la sienne. Ne perdons pas de vue également l’importance des confréries religieuses musulmanes dont notamment celle des Tidianes Niassiens qui comptent des adeptes en millions et dont les positions ont un impact non négligeable sur les évènements en cours dans ces trois pays. On a encore en mémoire la formidable mobilisation de ces leaders du nord Nigéria ayant calmé les ardeurs du président Bola Tinubu à déclencher une opération militaire au Niger.
Mais seulement, en dépit de tous les atouts dont dispose le président sénégalais, la tâche sera hardie. D’une part, les trois Etats dont il a la charge de ramener dans l’escarcelle de la CEDEAO ont suffisamment avancé dans la construction de l’AES. Cette dernière a été érigée en confédération le 6 juillet 2024, lors d’un sommet à Niamey.
En outre, l’AES semble bénéficier d’un soutien populaire même contesté qui est à même d’inciter ses dirigeants à maintenir leur cap, car à contrario, la CEDEAO donne l’impression d’une vieille organisation dépassée qui n’a pas su se mouvoir au rythme des opinions nationales et qui est surtout demeurée trop institutionnelle.
Cet avis semble être partagé par Diomaye Faye lui-même, lorsqu’il proclame « impératif » de poursuivre « les réformes idoines pour adapter la CEDEAO aux réalités de son temps et consolider notre marche collective vers nos objectifs communs ». C’est qui permettra à l’organisation de se débarrasser des « clichés et stéréotypes qui la réduisent à la posture d’une organisation soumise aux influences de puissances extérieures et distante des populations qu’elle a la responsabilité historique de servir, conformément à son Acte constitutif ».
Toutefois, l’engagement du sénégalais pour éviter le retrait des trois pays qui « serait le pire des scénarios et une grande blessure au panafricanisme que les pères fondateurs nous ont légué et que nous avons la responsabilité historique de sauvegarder et de transmettre aux générations futures » ne souffre d’aucun doute.
Oumou Gado