Le Niger traverse une étape importante de son histoire politique. Le pouvoir militaire en place depuis le 26 juillet 2023 semble déterminé à restreindre davantage les libertés d’expression, de presse et d’association.
En temps normal, c’est le ministère de l’intérieur qui met en demeure une association qui ne renouvelle pas ses instances. Mais sous le CNSP, c’est ce ministère qui en interdit. Tel a été le cas de la Maison de la Presse dont l’Assemblée générale élective devait se tenir le 23 décembre 2023.
Un courrier du ministère de l’intérieur a été envoyé, le vendredi 22 décembre à 19h39, au président du bureau sortant, lui demandant de surseoir à la tenue de l’assemblée générale convoquée trois semaines auparavant.
Suite à cette lettre du ministère de l’intérieur obligeant le report de cette AG, le Conseil d’administration s’est tenu le dimanche 24 décembre 2023 et a décidé de fixer une nouvelle date, le 30 décembre 2023, tout en s’engageant à satisfaire à certains détails évoqués par le courrier du ministère de l’intérieur.
Il agissait notamment de la plainte que certaines organisations membres de la Maison de la presse ont adressé au ministère de la communication selon laquelle elles n’ont reçu la notification de la convocation de l’Assemblée générale que via les réseaux sociaux, alors que c’est sur cette base que certaines d’entre elles ont déposé leurs candidatures à divers postes à pouvoir. Malgré tout, le bureau sortant a commis les services d’un huissier de justice pour remettre individuellement aux structures membres les copies des lettres, le procès verbal de la réunion du Conseil d’administration et les captures de transmission avaient été déposé au ministère de l’intérieur.
Mais contre toute attente, le ministère de l’intérieur revient à la charge, le 29 décembre 2023, pour interdire cette fois-ci la tenue de l’Assemblée générale élective au motif de « risque de troubles à l’ordre public ». Les membres de l’association étaient face à un choix cornélien : Obtempérer à l’injonction du ministère et mettre la structure faitière des medias en porte-à-faux avec les textes de la République car n’ayant plus d’organe dirigeant au delà du 31 décembre, ou passer outre l’interdiction et devenir des hors la loi avec toutes les conséquences pour l’association et ses animateurs. La première option a été la plus évidente, car il fallait préserver le cadre associatif.
S’en est suivi un mois d’expectative. Ensuite bim !! Le monde entier découvert avec effarement, qu’après avoir interdit le renouvellement de l’organe dirigeant, le ministère de l’intérieur prend un arrêté pour « suspendre l’arrêté d’exercice de la Maison de la presse ». La même décision mettait en place un comité ad hoc pour la gestion de ladite association.
Un recul dont les premiers responsables ne sont autres que certains hommes de médias. Ces derniers, en fondant leurs espoirs de contrôler l’association sur un coup de pouce du pouvoir militaire, ont offert à ce dernier l’occasion d’en finir avec la structure faitière des medias. Ils n’avaient guère cru en leur capacité de convaincre leurs confrères à placer leur confiance en eux. Et ils sont servis. D’ailleurs très bien servis. Les militaires ne les croient même pas capables de gérer l’association de façon provisoire. Pour preuve, le comité ad hoc mis en place est présidé par le secrétaire générale du ministère de l’intérieur et composé de celui du ministère de la communication, du directeur générale des affaires politiques et juridiques du ministère de l’intérieur, du directeur des libertés publiques du ministère de l’intérieur et du directeur de la législation du ministère de la communication.
On ne sait si on doit en rire ou pleurer. C’est à croire que ces hauts fonctionnaires n’ont pas mieux à faire dans un pays qui cherche sa voie face aux multiples défis que de « gérer » une association. Le secrétaire général risque alors d’être à la tête de milliers d’associations s’il est acquis qu’en République du Niger, il sera désigné comme dirigeant de toutes les associations dont les instances dirigeantes n’ont pu être renouvelées dans les délais impartis par la loi. Mais quelle loi ?
Oumou Gado