« Le goitre le plus fréquent au Niger, c’est le goitre du à la carence en iode. Le Niger, de par la prévalence du goitre qui est inférieure à 5%, n’entre pas dans la catégorie des pays qu’on peut dire à indice goitreux important. Cependant, il y a des poches par-ci, par-là, sur le territoire où la carence en iode est très prononcée », déclare notre invité de la semaine, Docteur Ali Ada. Il est Médecin Spécialiste en Endocrinologie (Science des Hormones), Diabétologie et Maladies Métaboliques. Nous l’avons rencontré pour qu’il éclaire nos lecteurs sur le goitre, une maladie qui touche la glande thyroïde et dont les causes sont multiples.
Niger Inter : Le goitre est une maladie dont on parle de moins en moins. Dites-nous Docteur, qu’est-ce que le goitre ?
Dr Ali Ada : Le goitre est une maladie qui touche la thyroïde. C’est quand la thyroïde augmente de volume, peu importe la cause. De par le passé, il y avait ce qu’on appelait le goitre endémique ou le goitre par troubles de carence en iode qui était carrément une pandémie certaines zones du monde étant fortement touchées. Cette carence en iode qui, dans beaucoup de régions du monde, entraîne la formation du goitre qui, à peine visible chez l’enfant, devient volumineux à l’âge adulte. Ce goitre endémique est de loin le plus fréquent. Effectivement, les troubles de carence en iode ont été, un moment, jusqu’aux années 1990, le cheval de bataille de l’OMS. C’est pour apporter une solution à ce problème que, l’iodation du sel a été préconisée partout dans le monde, c’est-à-dire tout sel de cuisine doit être enrichi en iode avant sa consommation. C’est le cas actuellement au Niger. Effectivement il a été constaté une diminution nette de la prévalence du goitre endémique même dans les zones carencées en iode. Ceci dit, il y a bien sûr d’autres causes du goitre en dehors de la carence en iode.
Niger Inter : Le goitre est, comme vous le dites, une maladie qui touche la thyroïde. A quoi sert la glande thyroïde ?
Dr Ali Ada : La glande thyroïde est importante dans la vie de l’homme parce que c’est elle assure des fonctions importante dont:
– le réchauffement de l’organisme pour lutter contre le froid. La personne qui n’a pas beaucoup d’hormones thyroïdiennes, devient frileuse et si le déficit est prononcé et perdure peut faire des chocs hypothermiques avec baisse constante de la température. Par exemple quand il fait frais, elle n’arrive pas à garder sa température à 37°. La glande thyroïde a un rôle de calorigénèse, c’est-à dire de production de chaleur.
– Les hormones thyroïdiennes jouent un grand rôle dans la croissance chez l’enfant. L’enfant qui naît avec une thyroïde déficiente va être très petit de taille, c’est ça qu’on appelle un nanisme dysharmonieux.
– Un autre effet très important des hormones thyroïdiennes est la maturation du système nerveux central. Un enfant qui naît avec un déficit en hormones thyroïdiennes, aura une des capacités intellectuelles diminuées, c’est le crétinisme.
L’importance de ces fonctions thyroïdienne fait que dans beaucoup de pays le test de détection d’insuffisance thyroïdienne néonatale est systématique pour tout bébé à la naissance.
Le déficit constatée est, immédiatement, substitué à vie et l’enfant va évoluer normalement en termes de croissance, de calorigénèse, de capacités intellectuelles. Si au cas contraire, le diagnostic est méconnu ou tardif l’enfant ne va pas grandir et, même si après administration des hormones thyroïdiennes, ses capacités intellectuelles seront en-dessous des normes. Du reste cette diminution des capacités intellectuelles était fréquemment en milieu scolaire des zones carencées en iode et l’introduction de sel iodé a nettement amélioré la situation.
Niger Inter : Quels sont les différents types de goitres et ce qui les caractérise ?
Dr Ali Ada : Le goitre le plus fréquent, comme je disais ci-haut, est le goitre par carence en iode ou goitre endémique. Ce déficit en iode fait que, la thyroïde n’arrivant pas à synthétiser convenablement les hormones thyroïdiennes, augmente le volumes de son tissu, son volume comme pour récupérer d’avantage diode pour la synthèse des hormones thyroïdiennes. En dehors de cette entité il y a, par exemple, ce qu’on appelle le goitre simple de la femme jeune, fréquent autour de la trentaine sans qu’on sache le processus pathologique en cause, ces sujets n’étant pas carencés en iode. Il y a aussi les goitres inflammatoires ou thyroïdites dans ce cas le goitre est généralement douloureux. Dans certaines circonstances les goitres peuvent être hyperfonctionnels par synthèse excessive d’hormones avec signes cliniques au niveau de l’organisme. Ils peuvent être hypofonctionnels la thyroïde déficitaire n’arrive pas à remplir ses fonctions. Il y a les goitres qui peuvent avoir un contenu liquide, c’est ce qu’on appelle les goitres kystiques et les kystes peuvent être de différentes natures. Il y a aussi des goitres qui peuvent revêtir un caractère malin, donc c’est des goitres cancéreux. Là, aussi, il y a différents types de cancers de la thyroïde.
Il a été constaté aussi la prévalence de goitre dans la populations en cas d’accident nucléaire avec un fort potentiel de cancérisation.
Niger Inter : Quel est le type le plus fréquent au Niger et pourquoi ?
Dr Ali Ada : Le goitre le plus fréquent au Niger, c’est le goitre du à la carence en iode. Le Niger, de par la prévalence du goitre qui est inférieure à 5%, n’entre pas dans la catégorie des pays qu’on peut dire à indice goitreux important. Cependant, il y a des poches par-ci, par-là, sur le territoire où la carence en iode est très prononcée. Dans les années 1990, le Pr Daouda Hamani (paix à son âme) a fait une grande enquête nationale au niveau en milieu scolaire. Il a trouvé des poches de carence en iode, dans ces régions l’indice goitreux était au-delà de 5% est beaucoup plus important que dans d’autres. Un deuxième type de goitre fréquent chez nous est le goitre de la Maladie de Basedow qui une hyperthyroïdie présente dans 85% des cas chez la femme jeune. La prévalence de ce type de goitre est augmentée dans les zones d’insécurité parce que la tension psychologique et émotionnelle fait partie des facteurs déclenchant de ce type d’hyperthyroïdie.
Niger Inter : pour quelles raisons les femmes sont-elles les plus touchées par cette maladie ?
Dr Ali Ada : La plupart des maladies endocriniennes, pas seulement le goitre, sont beaucoup plus fréquentes chez les femmes. A vrai dire, on ne connaît pas la raison exacte. On peut toutefois avancer que la femme ayant un peu plus d’hormones et surtout avec des variations cycliques durant sa vie (la petite enfance, la puberté, les grossesses, les allaitements, la ménopause, etc) est beaucoup plus sujette à avoir des perturbations hormonales et à faire ce qu’on appelle les endocrinopathies que l’homme.
Niger Inter : Comment reconnaître qu’une personne est atteinte du goitre ou est en voie de l’être ?
Dr Ali Ada : Pour reconnaître qu’une personne est goitreuse, deux possibilités : le médecin peut découvrir un goitre au stade débutant, uniquement en palpant la loge de la glande thyroïde qui est en bas du cou. Le goitre peut ne pas être spontanément visible mais le médecin, lors de l’examen clinique du patient, peut retrouver une excroissance de la glande thyroïde, donc un goitre débutant. Souvent, le goitre peut être découvert à certaines circonstances par exemple, chez une personne qui rit avec la tête en extension, ou lors de la déglutition. Ça peut être un goitre spontanément visible. Ça peut être, à cause de gênes induite par exemple la douleur de la face antérieure du cou induite par les thyroïdites. Il y a aussi la manifestation des signes évocateurs d’hyperthyroïdie ou d’hypothyroïdie. En ce moment, le médecin, en palpant ou par une échographie, peut retrouver l’augmentation du goitre. A noter qu’il y a certains types de goitres qui peuvent préexister mais qui ne sont pas visibles. Ce les goitres endothoraciques, des goitres ensachés dans le thorax. C’est souvent à l’échographie, au scanner ou lors d’une radiographie thoracique qu’on découvre la présence de ce type de goitre à situation est intra-thoracique.
Niger Inter : Certaines catégories de goitres sont liées à l’alimentation. Qu’est-ce qu’il ne faut pas consommer pour éviter de les contracter ?
Dr Ali Ada : Oui, certains goitres peuvent être en relation avec l’alimentation. Par exemple les goitres endémiques sont dus à une carence en iode, c’est-à dire que les aliments que la personne consomme n’ont pas suffisamment de teneur en iode pour permettre à la thyroïde de fonctionner normalement. Cela se voit surtout dans les zones montagneuses, l’iode, étant beaucoup plus fréquente au niveau de la mer et dans les plaines. Ceci dit, en dehors de la carence en iode, il y a d’autres aliments qui peuvent avoir un effet goitrigène. Il a été rapporté qu’une consommation excessive de choux ou de manioc peut provoquer le goitre. Beaucoup d’aliments ont été incriminés, mais il faut une consommation soutenue, régulière et en quantité importante. L’effet n’est pas vérifié chez tous les individus puisqu’on pense que certains composants de ces aliments peuvent emprisonner l’iode contenu dans l’alimentation et gêner son absorption au niveau du tube digestif, pour provoquer une carence en iode.
Niger Inter : En cas de dépistage de goitre quels soins apporter à la personne atteinte ?
Dr Ali Ada : Il y a une diversité de goitres, cela veut dire que les moyens thérapeutiques sont aussi assez diversifiés. Mais, quand un goitre est volumineux et qu’il commence à être compressif, c’est-à dire qu’il commence à comprimer les organes du voisinage comme la trachée artère, entraînant des difficultés respiratoires, ou encore l’œsophage, ce qui va provoquer des troubles de la déglutition. Il y a aussi, les vaisseaux du cou qui passent à côté, l’artère carotide et la veine jugulaire qui ne sont pas loin, peuvent être comprimés et entraîner des désagréments. Le goitre peut être intra-thoracique il va comprimer aussi comprimé les organes de voisinage. Dans ces différents cas de figure, il faut recourir à la chirurgie. De la même manière, pour les goitres qui ont un potentiel cancéreux ou qui sont cancéreux, le plus souvent la chirurgie est le premier recours. Cette chirurgicale peut être complétée ou non par des moyens thérapeutiques comme l’irradiation de la zone cervicale ou par la prise de certains médicaments anticancéreux.
Les autres types de goitres relèvent le plus souvent de traitements médicamenteux et dans certains cas spécifiques le recours au traitement par l’iode radioactif..
Niger Inter : peut-on éradiquer complètement cette maladie du moment où certaines personnes en souffrent d’une manière héréditaire ?
Dr Ali Ada : On ne peut pas dire qu’on peut éradiquer complètement le goitre puisque tout dépend de la cause. Le type sur lequel l’iodation du sel a eu un effet, c’est le goitre endémique. La prévalence de ce goitre dans beaucoup de régions a considérablement diminué parce que l’OMS en a fait un problème de santé publique et l’iodation de sel a été un des moyens qui a fait reculer cette prévalence. Ceci dit, les autres causes restent, les causes des hyperthyroïdies, des hypothyroïdies, des cancers thyroïdiens. Effectivement, leur fréquence varie d’une région à une autre et aussi certains types de ces maladies ont un potentiel héréditaire. Ce n’est pas une hérédité directe mais une prédisposition familiale. Certaines femmes issues d’une famille où il y a un problème de dysthyroïdie sont susceptibles de faire des maladies thyroïdiennes plus que les femmes dont les familles n’ont pas de problèmes de thyroïde.
Niger Inter : Votre mot de la fin ?
Dr Ali Ada : Les maladies de la thyroïde sont des maladies très fréquentes.Les dysthyroïdies constituent le deuxième groupe des endocrinoapthies les plus fréquentes après le diabète donc c’est une pathologie relativement fréquente. Dans 85% des cas c’est la femme qui est concernée et, généralement les femmes jeunes. Donc, il ne faut pas banaliser le goitre , en présence de cette boursouflure dans la partie intérieure du cou, il faut consulter un médecin. Comme on l’avait vu, il y a différent types de goitres avec des potentialités morbides c’est à dire d’induire une maladie ou bien même, pour certains, des potentialités létales, c’est-à dire, si on ne fait rien, ça peut conduire à la mort. Il faut donc consulter le médecin qui va définir le type de dysthyroïdie, et éventuellement orienter vers un spécialiste pour des investigations complémentaires plus poussées et une prise en charge thérapeutique adéquate.
Propos recueillis par Bassirou Baki