A l’instar des autres départements de la région de Dosso, celui de Dioundiou se trouve aussi confronté à de trafics en tous genres, sources d’insécurité multiforme, que les autorités départementale, communale et coutumière cherchent à combattre par des campagnes régulières de sensibilisation des populations.
Contrebande de carburant frelaté et de drogue en tous genres, vol de bétail, banditisme armé, conflits autour de la gestion des ressources naturelles, etc., constituent les principaux maux qui assaillent la commune rurale de Dioundiou. Ces phénomènes, sources de violence physique, occasionnent hélas souvent des blessés et des morts au sein des populations. Pour les combattre, les autorités de Dioundiou ont décidé de recourir à la sensibilisation comme stratégie d’intervention. Et cela porte ses fruits, selon le 1er maire adjoint de la commune rurale. ‘’Dioundiou est bien sécurisée aujourd’hui grâce aux efforts déployés par les autorités départementale et communale, en synergie avec la chefferie traditionnelle’’, déclare Issoufou Noma.
Representant chef de canton de Dioundiou
L’arme infaillible de la sensibilisation
‘’Ces caravanes de sensibilisation regroupent les trois maires du département, le Préfet et les chefs traditionnels. Elles sillonnent tous les villages grâce à l’appui de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix (HACP), pour s’entretenir avec les populations sur toutes les formes de sécurité, la coexistence pacifique entre agriculteurs et éleveurs, la lutte contre la fraude du carburant, le trafic illicite des stupéfiants, le banditisme armé, etc.’’, explique Noma. Les messages véhiculés à l’occasion de ces caravanes sont bien perçus par les populations qui collaborent activement avec les autorités administratives en leur fournissant notamment des informations permettant de traquer les trafiquants.
‘’Souvent, c’est même par téléphone qu’elles nous contactent pour signaler les mouvements des fraudeurs et, à notre tour, nous alertons les forces de défense et de sécurité (FDS) afin qu’elles interviennent’’, indique le 1er maire adjoint, satisfait de l’engagement soutenu des populations à leurs côtés dans la lutte contre les fléaux. Même son de cloche chez Elh Mallam Moussa Arbaïn, représentant du chef de canton de Dioundiou, satisfait aussi de la franche collaboration entre les populations et les FDS, qui a permis ‘’de favoriser la création de cette accalmie dans le département’’. Occasion pour Arbaïn de remercier les partenaires pour leur accompagnement de l’initiative et d’exhorter les populations à intensifier la collaboration avec les autorités et les FDS. Cette collaboration doit se traduire une dénonciation systématique les individus suspects parce que le carburant fraudé ‘’sert souvent à ravitailler les bandits qui viennent terroriser les populations’’, selon lui. Tiémago Mamane, maire de la commune rurale de Zabori, est du même avis qu’Arbaïn. Saluant la bonne collaboration de la population avec les autorités et les FDS, Mamane nous parle ici d’une initiative spéciale en cours de mise en œuvre au niveau de son entité administrative.
Outre les caravanes, des centres de regroupement
‘’Les trois communes ont convenu de la création de centres de regroupement où l’on trouve des représentants des jeunes, des femmes, de la société civile, bref de toutes les couches sociales, qui servent de relais entre les populations et les autorités’’, raconte le maire de Zabori. ‘’Chaque mois, nous allons vers les centres de regroupement communaux, avec à la tête de la délégation le préfet, les trois (3) maires, les trois (3) chefs de canton ainsi que les Oulémas pour échanger. La dernière opération que nous avions menée était un peu stratégique, c’était pour rencontrer les éleveurs car nous avons estimé que ce sont des gens qui sont régulièrement sur le terrain et avec lesquels on peut composer pour la recherche de la paix’’, poursuit Mamane, satisfait des bons résultats obtenus grâce à la stratégie. Pour éviter les conflits agriculteurs/éleveurs, par exemple, il a été convenu d’un commun accord que la libération des champs intervienne le 22 décembre 2022. Ce genre de concertations pour prendre de manière consensuelle les décisions engageant la vie de la communauté renforcent la paix et la cohésion sociale au niveau du département Dioundiou. ‘’Grâce à la sensibilisation, les conflits entre agriculteurs et éleveurs ont aussi diminué par rapport aux années antérieures’’, estime-t-on dans le département.
Adamou Alzouma, adjoint du maire de Kara-Kara
Pour Adamou Alzouma, adjoint du maire de Kara-Kara, le fait que la caravane de sensibilisation sillonne chaque mois les localités du département de Dioundiou a développé chez les populations un réflexe d’alerte spontané. ‘’Dès qu’il y a un problème, les populations nous contactent via les numéros qu’on leur a donnés. Grâce à cette collaboration, le mois dernier, la mairie a eu des informations sur des bandits armés en provenance du Bénin qui se dirigeaient vers le Nord et nous avons aussitôt relayé l’information aux FDS pour qu’elles interviennent’’, illustre Alzouma.
Selon Alzouma, la plupart des fraudeurs de carburant sont du Nigéria, mêmes les véhicules sont tous immatriculés dans ce pays voisin, y compris les motos que les jeunes de Kara-Kara utilisent dans le cadre de leurs activités. Cette traque des trafiquants ne se passe hélas pas toujours sans problème. ‘’Il y a deux semaines de cela, dit-il, un agent des douanes a suivi un fraudeur jusqu’au bout d’un village, occasionnant le soulèvement de la population qui a manifesté jusqu’ à la mairie de Kara-Kara’’, a regretté l’adjoint au maire de la commune.
Chef de canton de Kara Kara
Les vaines tentatives des recruteurs
Mais loin d’inciter au découragement, ce genre d’incidents contribue plutôt à accroitre l’ardeur à la lutte contre la fraude, surtout après l’appel lancé par le président de la République à l’endroit de la population pour une franche collaboration avec les FDS, croit savoir Adamou Alzouma. Sans être actuellement confrontées au même type d’insécurité armée meurtrière qui affecte les régions de Diffa, Tahoua, Tillabéry et Maradi, les populations de Dioundiou ne perdent tout de même pas de vue la menace. ‘’Contrairement aux autres, nous ne sommes pas confrontés à ce genre de problèmes, car depuis deux ans, nous avons fait un programme avec l’appui de quelques partenaires et avec nos fonds propres pour tenir des réunions techniques et nous avions initié des caravanes’’, déclare Elh Soumana Godia, chef de canton de Kara-Kara.
‘’Ensemble, avec le préfet, les FDS, les chefs de cantons et les maires, nous dégageons le programme à développer sur le terrain lors des caravanes. Généralement, nous faisons un regroupement et choisissons un thème que nous développons autour de la sécurité’’, ajoute Godia. Les pistes de discussions portent généralement les types de contributions que peuvent apporter les populations dans le cadre de la lutte contre les bandits pour mieux faire percevoir les enjeux et la manière dont la collaboration peut se dérouler. ‘’Les messages transmis lors des missions de deux ans ont été bien compris et c’est ce qui leur a permis de déjouer pas mal de choses. Il y a eu des tentatives de recrutement des jeunes, ici même à Kara-Kara’’, souligne le chef de canton, donnant des cas précis : ‘’Trois (3) véhicules sont venus et ont tenté de recruter 60 jeunes. Aussitôt informé de l’affaire, le préfet a dépêché une brigade qui était en route quand les recruteurs ont pris la fuite’’.
D’autres cas similaires ont été déjoués dans un village, à côté de Goudrou, où des individus avaient tenté de recruter des jeunes, promettant de verser 5 millions de francs aux parents de chaque jeune. ‘’Une des personnes convoitées par les recruteurs était très jeune, ils sont venus voir sa maman pendant 4 semaines et un jour, elle leur a demandé ce qu’ils veulent faire avec son enfant. Ils ont répondu avoir constaté que l’enfant est courageux et qu’ils voulaient le recruter pour travailler avec lui. En contrepartie, ils nous ont promis 5 millions’’, relate Godia.
Et le chef de canton de Kara-Kara de poursuivre : ‘’Elle est partie raconter l’affaire au chef du village qui a touché, à son tour, le chef de canton. Les recruteurs ont une périodicité et selon cette périodicité dans la localité, une patrouille a été mise en place et depuis lors ils ne viennent plus’’.
Concernant la persistance de la fraude de carburant, elle s’explique surtout par le fait que Dioundiou fait frontière avec le Nigéria. ‘’Nous faisons frontière avec le Nigéria, ils passent par ici pour aller vers le nord Doutchi en transportant du carburant et même la drogue sur des motos’’, pense-t-il. Les renseignements sur les mouvements des bandits et des trafiquants sont fournis discrètement aux autorités pour ne pas exposer les sources, selon le chef de canton de Kara-Kara.
Des prières aussi pour conjurer les fléaux
En dehors de cette forme de collaboration, il est aussi sollicité des populations des prières régulières pour faire régner la paix, la sécurité et la quiétude sociale dans la zone. ‘’Nous donnons à chaque village un peu de moyen pour qu’à chaque prière, les fidèles invoquent Dieu pour nous épargner des fléaux’’, mentionne Godia, content du climat de confiance né entre les FDS et les populations grâce notamment aux caravanes de sensibilisation. ‘’Au départ, les populations avaient peur des FDS, mais aujourd’hui toute appréhension est dissipée entre elles’’, constate-t-il. Dans la commune de Kara-Kara, les campagnes de sensibilisation sont davantage axées sur les thématiques de la sécurité, des vols à main armée mais aussi les conflits agriculteurs/éleveurs.
‘’Dans certaines caravanes, nous abordons la question des conflits entre agriculteurs et éleveurs pour amener les gens à comprendre qu’il n’y a pas l’un sans l’autre, qu’ils sont complémentaires ; que tout le monde est en même temps agriculteur et éleveur. Si vous voyez 10 vaches, 7 ou 8 appartiennent à des agriculteurs ; ils les ont confiées à l’éleveur qui pratique aussi l’agriculture pour avoir le complément alimentaire’’, explique le chef de canton.
Relativement au phénomène du vol, il concerne surtout le bétail ; les bandits volent des gros et des petits ruminants vers l’ouest, transitent par la localité en direction du Nigéria où les animaux sont vendus.
‘’Lors de leur passage, ils campent dans les parages. Ce sont généralement des Peulhs et des Touaregs et le bétail qu’ils convoient pourraient être des animaux volés. Malheureusement, ils ont contaminé nos enfants qui s’adonnent aussi à de petits vols dans le village’’, déplore Godia, constatant que c’est devenu un métier pour de nombreux jeunes de la zone.
Pour lutter contre le fléau, des séances de sensibilisation sont organisées au profit des jeunes sur la gravité du vol et des intermédiaires sont formés et munis de badges pour surveiller les mouvements lors des marchés hebdomadaires. ‘’Quand vous arrivez, on vous demande d’où vous venez et si vous achetez, on vous demande aussi où vous les conduisez. Au cas où vous achetez un grand nombre de têtes, on vous fait escorter par des gens pour vous éviter un éventuel braquage en cours de route’’, explique le chef de canton de Kara-Kara, appelant les populations à renforcer davantage la collaboration avec les autorités et les FDS. ‘’Les informations qu’on demande aux populations de fournir aux FDS c’est dans leur intérêt. Si les FDS sont attaquées, elles peuvent se défendre, mais nous, nous sommes désarmés. Il faut respecter les consignes qu’on nous donne’’, conseille Elh Soumana Godia, le chef de canton de Kara-Kara.
Issa Moussa