La pratique remonte aux temps anciens. Cependant, c’est dans les croyances religieuses et traditionnelles que les mutilations génitales féminines trouvent beaucoup plus leur ancrage. Au Niger, elles sont pratiquées sous forme d’excision, c’est-à-dire l’ablation partielle ou totale du clitoris à l’aide d’une lame. Focus sur une pratique dégradante à l’honneur et à la dignité de la femme.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il existe dans le monde, quatre types de mutilations génitales féminines (MGF). Mais celle qui se pratique le plus au Niger, c’est bien entendue l’excision. Plusieurs cas d’ablation partielle et totale sont signalés auprès des associations œuvrant pour la suppression de ces pratiques dégradantes à l’honneur et à la dignité de la femme.
« Même récemment, il y avait une dizaine de filles qui ont été excisées dans la zone de Karea par une dame ». Cela a été révélé par la Brigade de vigilance du Comité Nigérien de Lutte contre les Pratiques Traditionnelles Néfastes (CONIPRAT) qui a « dépêché une équipe de membres du comité dans la zone où ces filles ont été excisées pour procéder avec le concours de la Police, à l’interpellation de l’exciseuse », a expliqué M. Noba Kondjoa, coordonnateur d’un programme au CONIPRAT.
Pour ce dernier, cette pratique existe encore dans beaucoup de localités du Niger où les jeunes filles, généralement mineures, sont contraintes par leurs parents, à se faire exciser.
C’est le cas de Pagidi Bapandi, femme mariée et mère d’un enfant, habitante de la commune de Makalondi, qui se rappelle d’avoir été bastonnée violemment par son père parce qu’elle avait refusé de se faire exciser. « Je porte encore les séquelles sur mon corps », se souvient-elle.
Que dire aussi du cas de Potaga Djiéba, une femme âgée de 39 ans, également de Makalondi, qui a passé quatre années dans son foyer où elle subissait cette forme de torture psychologique de la part de son beau-père, lequel ne buvait plus d’eau de sa main, ni du repas qu’elle préparait, pour la simple raison qu’elle n’est pas excisée.
D’aucuns pensent que la vérité derrière toute cette pratique, est que « la femme qui n’est pas excisée, est considérée comme impure et par conséquent, victime de tout nom d’opprobre dans certains milieux », nous a confié Noba Kondjoa du CONIPRAT.
De nombreuses complications sur la santé
La plupart des complications surgissent après l’excision chez la jeune fille. Selon la sénatrice égyptienne, Dr Rasha Kelej, Directrice exécutive de la Fondation Mercket, Présidente de la campagne « Merck Plus Qu’une Mère » pour la promotion de la santé de la femme, ‹‹ les mutilations génitales féminines (MGF) causent des douleurs, des souffrances inutiles et de nombreuses complications graves auxquelles les femmes sont obligées de vivre avec, le reste de leur vie ››. Cela pour dire que cette pratique ne profite aucunement à la femme.
Pour le gynécologue-obstétricien, Dr Laouali Chekarao Mahamadou, dit Dr Moudi de la Maternité Issaka Gazobi de Niamey, au nombre des complications des MGF, « il existe de risque majeur de contamination au VIH SIDA, due à l’utilisation de matériels non immunisés et sans anesthésie, une hémorragie importante avec des difficultés liées à la miction et à l’exonération en raison de l’œdème qui va persister après l’excision, sans oublier des infections locales ou généralisées, allant jusqu’à la mort de la jeune fille excisée ».
Dr Moudi évoque aussi des complications psychologiques du genre le syndrome de stress post-traumatique, des dépressions et une anxiété.
À long terme, le gynécologue-obstétricien parle des complications liées à l’accouchement, des troubles de la fertilité, tels que la dyspareunie, l’anorgasmie ou encore de troubles de désirs sexuels, la sécheresse vaginale, le risque de développer des abcès pelviens, des infections pelviennes chroniques et des infections urinaires à répétition ainsi que la présence de fibroses au niveau de la vulve, des kystes et même un hématocolpos, caractérisé par l’absence d’écoulement menstruel, entraînant une sténose vaginale. Des complications, sommes toutes dommageables au système reproductif de la femme.
Nécessité de briser le tabou
Pour briser le tabou, « une double approche préventive-répressive est indispensable », estime Noba Kondjoa. La prévention, selon lui, doit nécessairement passer par la sensibilisation. Celle-ci, insiste t-il, doit « englober toute la sphère communautaire, en incluant tous les hommes, les femmes, de même que les adolescents et adolescentes ».
Ce faisant, même celles qui sont surnommées ‹‹ les exciseuses ›› peuvent être amenées à abandonner ce qu’elles considèrent à tort comme un métier plus honorable au profit d’une autre activité génératrice de revenus.
Au niveau de personnes récalcitrantes, « l’approche répressive avec l’application stricte de la loi s’avère impérieuse », selon Noba Kondjoa. Même si notre interlocuteur a fustigé le manque de rigueur dans l’application stricte des lois vis-à-vis des exciseuses ou de leurs complices.
En tout état de cause, il est à rappeler que toute pratique néfaste à la dignité de la femme, est synonyme de violation de droits humains. Comme l’a déclaré la sénatrice égyptienne, Dr Rasha Kelej, Directrice exécutive de la Fondation Merck et Présidente de la campagne ‹‹ Merck Plus Qu’une Mère ››, à l’occasion du 6 février 2022, Journée internationale de Tolérance Zéro à l’égard des mutilations génitales féminines, ‹‹ l’excision n’apporte aucun avantage à la santé, seul le mal ››.
Koami Agbetiafa
Niger Inter Hebdo N°56 du mardi 22 février 2022