Ces derniers temps, dans nombre de quartiers de la capitale, la consommation de stupéfiants, notamment la chicha au sein de la jeunesse, prend une proportion très inquiétante. Comme une addiction, le phénomène attire beaucoup de jeunes en les exposant en même temps à plusieurs dangers sur leur santé. Depuis une semaine, la police passe de quartier en quartier pour sensibiliser les jeunes sur les méfaits de la chicha.
Que ce soit dans les fadas, aux abords ou au sein de certains établissements scolaires, ou encore dans certaines buvettes de Niamey, la chicha se vend comme des petits pains au vu et au su de tous.
La chicha encore appelée le narguilé est un tout composé de bouteille ou de vase rempli d’eau, d’un fourneau où brûle le produit en question et le long tuyau traversant le vase d’eau jusqu’à l’extérieur pour sortir la fumée. C’est cette fumée inhalée qui est à l’origine de plusieurs pathologies dans l’organisme. Pour un produit dont la consommation n’est sans conséquence sur la santé, quels sont alors les risques auxquels s’exposent les jeunes ?
Les méfaits de la chicha sur la santé
D’après une étude du groupe de Régulation du Tabac de l’OMS publié en 2005, la chicha ou ‘’ water pipe smoking ’’ en anglais « est considérée comme une menace à la santé publique ». Et contrairement aux idées préconçues, la fumée de la chicha a aussi des effets néfastes sur les poumons ainsi que des symptômes respiratoires, similaires aux effets de la cigarette sur l’individu. Ce qui trompe le plus les jeunes, c’est cette sensation d’une odeur agréable que dégage la fumée. Une fumée qui selon Dr Omar de la clinique Afoua à Niamey, a des effets toxiques sur l’organisme.
« La chicha a une cancérigène directe sur les voies respiratoires et donne une dépendance comme les autres drogues » fait-il savoir. Aussi la consommation de ce produit entraine t-elle des risques cardiovasculaires et respiratoires, la tuberculose, les risques de cancer de poumon, de l’oesophage, des bronchites chroniques et l’hépatite virale.
Aussi renseigne-t-il : « on observe une recrudescence des cancers des voies aériennes, principalement chez la femme, probablement lié à ces habitudes. On observe aussi à un taux élevé de jeunes dans les centres psychiatriques à cause de la consommation de stupéfiants tels que la chicha et la drogue.
Les dangers pour les jeunes
La consommation de la chicha dans les fadas, les mariages, les baptêmes et même au sein des établissements scolaires semble devenir le chouchou des jeunes, créant du coup une dépendance vis-à-vis du produit. Voilà qui a d’ailleurs motivé cette campagne de sensibilisation lancée depuis le 8 novembre 2021 par la division de la protection des mineurs et des femmes de la sécurité publique, de la police nationale du Niger, à l’endroit des jeunes, au sein des écoles, dans les fadas et même dans les quartiers sensibles de la capitale.
À travers cette campagne, la police entend sensibiliser la jeunesse y compris les mineurs, sur les méfaits de la chicha sur la santé publique.
Pour cette première phase, elle procède d’abord par une approche de sensibilisation pour ensuite aller à la répression où la loi sera appliquée contre les contrevenants.
Nous sommes venus ‹‹ discuter avec les jeunes par rapport à ce fléau. Est-ce qu’ils sont conscients des dangers auxquels ils s’exposent ››, a lancé l’officier de police, lors d’une séance de sensibilisation dans une école de la place.
Cette campagne qui s’inscrit dans le cadre de la lutte contre la délinquance juvénile au Niger, vise donc à amener les jeunes à prendre conscience des dangers de la chicha, de la drogue et des stupéfiants. La consommation de la chicha comme l’a reconnu la police, prend de l’ampleur au sein de la jeunesse à Niamey, c’est pourquoi il urge d’agir pour arrêter l’hémorragie au sein de la société.
Pour un produit dont la commercialisation est prohibée, ‹‹ Où est-ce que ces jeunes trouvent-ils la chicha ? ››, s’interroge Ousmane, élève en classe de 4è.
En effet, il est important de rappeler qu’il existe au Niger des arrêtés ministériels interdisant l’importation, la distribution et la commercialisation de produits stupéfiants, tout comme la chicha. Comme celui d’octobre 2017 du ministère du commerce et de la promotion du secteur privé portant sur l’interdiction, l’importation, la distribution et la vente de chicha ou narguilé au Niger.
En clair, ceux qui s’adonnent à cette pratique s’exposent à la rigueur de la loi, puisque la loi l’interdit.
Le comble est que « les grands apprennent aux petits et la chaine continue » s’indigne Ousmane, élève en classe de 3è dans un établissement de la place.
Selon cet enseignant d’un CES à Niamey, cette consommation de la chicha explique sans nul doute, les comportements de nervosité, d’excitation et d’insolence qu’on observe de plus en plus chez les jeunes d’aujourd’hui, même à l’école.
Autre dimension qu’a pris ce phénomène, est cette envie de consommer de la chicha qui tente aussi les jeunes filles. ‹‹ Hormis les lieux de mariage, de baptême et les fadas, il existe aussi un coin, non loin de mon quartier Bobiel où l’on peut voir des jeunes garçons tout comme des jeunes filles qui consomment de la chicha », s’indigne Sahiya, lycéenne.
Et au Proviseur du CES France Amitié Niger au quartier Recasement, Monsieur Issoufou Yahaya, d’ajouter que « le phénomène de la chicha est lié à la drogue, mais encore plus à l’irresponsabilité des parents dans l’éducation de leurs enfants ››.
Encore faut-il le souligner, il existe à Niamey un autre type de chicha, pas aussi grand que ce qui est habituellement utilisé, mais plus discret et donc facilement utilisable par les jeunes scolaires notamment de façon sournoise à l’insu de tout le monde. Ce que reconnait d’ailleurs Mahamadou Moussa, censeur de CES Koira Kano Nord lorsqu’il affirme que « c’est un truc nouveau, donc on ne comprend pas ça ». Ce que les jeunes appellent « chicha électronique ou électrique » existe bel et bien. Ce qui constitue donc un véritable danger pour la santé des jeunes scolaires et en même temps, un problème de sécurité publique.
La campagne de sensibilisation lancée depuis peu par la police nationale est à encourager. Entre le bâton et la carotte, elle entend, dans un premier temps, procéder par la sensibilisation. Ensuite suivra une phase d’évaluation et éventuellement de la répression afin d’endiguer un mal qui guette la jeunesse et qui contribue à la délinquance juvénile au sein de la société.
Koami Agbetiafa
Niger Inter Hebdo N°43 du mardi 23 Novembre 2021