Aminou Laouali est Coordonnateur de SOS-Civisme-Niger. Ancien Secrétaire Général de l’USN, Rapporteur Général de la Commission politique de la Conférence nationale souveraine, ‘’le Grand camarade’’, adepte des grands débats a choisi de faire carrière dans la société civile responsable œuvrant pour l’enracinement des valeurs démocratiques. Celui qui incarne le modèle vivant d’acteur de la société civile pour sa rigueur et l’objectivité de ses prises de position rend ici hommage à Mamadou Tandja.
Après avoir occupé une place prépondérante au sein du Conseil Militaire Suprême (CMS), de 1974 à 1987, il était pressenti, pour ses qualités intrinsèques d’officier supérieur de l’armée nigérienne (rigueur, sens de l’honneur et de la dignité, amour de l’ordre et de la discipline) comme devant « naturellement » succéder au Général Seyni Kountché, dont il a dirigé les obsèques officielles. Pour des raisons diverses, les Forces Armées Nigériennes (FAN) ont préféré désigner le Général Ali Chaibou, officier le plus ancien dans le grade le plus élevé, pour faire office « d’amenokal », arbitrant ainsi la guerre de succession opposant les trois principaux prétendants : Mamadou Tandja, Moumouni Djermakoye et Amadou Seini Maiga.
Nommé Ministre de l’Intérieur lors du premier soulèvement des forces vives de la nation pour la revendication démocratique, vraisemblablement pour réprimer le mouvement populaire, Mamadou Tandja eu le flair de l’esprit de l’époque comme dira Hegel et résista à cette tentation….
Après la proclamation du multipartisme en novembre 1990, il dirigea la mutation du parti-Etat, le Mouvement National pour la Société de Développement (MNSD) en parti politique ; et avec l’institutionnalisation des élections pluralistes décidées par la Conférence Nationale Souveraine, Mamadou Tandja s’engagea dans la conquête du fauteuil présidentiel, comme il aimait l’appeler en Haoussa « Kudjera shugaban kassa ».
En effet, il avait une idée de lui-même et de l’Etat. Il ne voulait être ni député, ni Président de l’Assemblée Nationale, encore moins Premier Ministre. Quoiqu’il figura sur la liste des candidats aux législatives de son parti en 1999, pour des raisons qui restent à élucider, il ne voulait rien de moins que la fonction présidentielle comme étant celle qui correspondait à l’idée qu’il se fait de lui-même et de son rôle dans son pays.
Avec Moussa Tchangari et au nom du journal Alternative, nous l’avions rencontré plusieurs fois, y compris à domicile, quand il était opposant au régime de l’AFC (Alliance des Forces du Changement) et du Général Baré. Mamadou Tandja, j’ose m’avancer, n’est ni un démocrate, ni un républicain, ces notions n’étant, dans son schéma, que des données du moment avec lesquelles il faut s’accommoder. De même, les classifications idéologiques (gauche, droite, centre, centre-gauche, centre-droite, etc.) n’avaient aucune résonnance chez lui. Il avait tout simplement un sens élevé de l’Etat, d’un Etat pragmatique qui doit être mis au service du peuple, notamment au service des plus pauvres, des agriculteurs, des éleveurs, des jeunes et des femmes rurales. Ni révolutionnaire, ni réactionnaire, Mamadou Tandja était un patriote et nationaliste convaincu.
Mamadou Tandja était convaincu que le Niger, avec ses énormes ressources naturelles, n’était pas un pays pauvre, mais un pays potentiellement riche, qui ne doit pas faire la cour aux puissances étrangères, bien au contraire. Il l’avait clairement affirmé lors d’une conférence des cadres à Tahoua en fin 2009, dans une déclaration en Haoussa relayée par Télé Sahel : “Ni nan muku wan nan karyar, ya’u, a nan. Nan da yan shekaru, kassashen waje, su zassu neman mu, sabada arzikin mu“ (c’est moi qui vous dit ce mensonge ici, aujourd’hui : dans près peu d’années, les pays étrangers (développés), viendront eux-mêmes nous chercher à cause de nos richesses). C’est pour cette raison que l’on n’a jamais vu Tandja mobiliser indéfiniment l’avion présidentiel pour des visites d’Etat ou d’affaires à l’étranger.
Homme ouvert, j’ai eu l’honneur de le rencontrer au palais présidentiel à deux reprises. La première fois, au nom de SOS-Civisme-Niger, avec les leaders religieux (AIN, CASIN, AMEEN, Mgr Michel Cartatéguy), dont j’étais le porte-parole pour plaider pour la mise en place du Conseil Islamique du Niger (CIN). Tandja donna, séance tenante, instruction à son Ministre de l’Intérieur de le faire en une semaine et de lui rendre compte. Ce fut fait. La deuxième fois, avec le Premier Ministre Hama Amadou, en compagnie des députés Allemands…
Mieux qu’aucun autre Président avant lui, Mamadou Tandja avait compris les vraies priorités du Niger : création des richesses, via l’industrialisation, investissement dans l’agriculture, l’élevage et les secteurs sociaux de base, comme en témoignent la revalorisation des salaires des médecins, des contractuels de l’enseignement, la gratuité effective des soins pour les enfants de 0 à 5 ans et la construction des centres régionaux de la mère et de l’enfant, etc. Contre l’avis de tous les sceptiques, Mamadou Tandja a démontré que le Niger est un pays pétrolier, permettant au pays d’être « solvable ».
Mamadou n’a pas eu, à ma connaissance, de médaille, ni de décoration des pays étrangers ou d’organismes internationaux. Je crois qu’il n’en a pas besoin. Mais, il eut la Médaille des populations nigériennes avec lesquelles il communiquait directement en Haoussa, en Fulfude et en Kanuri, dans une rhétorique authentique et culturellement intégrée.
Il avait commis une seule erreur, monumentale, inacceptable, et qui lui a été politiquement fatale : celle d’avoir voulu rester au pouvoir à la fin de deuxième et dernier mandat. Et ceci expliquant cela, Issoufou Mahamadou a eu l’honnêteté de déclarer, dans une interview à RFI, à peu près : « si Tandja n’a pas fait Tazatche, peut-être que je ne serai jamais Président ».
Avec tous les Nigériens, je prie qu’Allah lui fasse rémission de ses péchés et le reçoive dans son Paradis Eternel. Amine.
Je prie les Imams, Prêtres et Pasteurs de dire une prière pour le repos de son âme.
Aminou Laouali, coordonnateur de l’ONG SOS civisme