Dans son acception juridique la Non-prolifération signifie l’ensemble des politiques et instruments internationaux qui concourent à la prévention de l’accès par les Etats, en violation de leurs engagements internationaux, à des armes de destruction massive (nucléaire, chimique, biologique) et leurs vecteurs.
La non-prolifération vise donc à limiter la détention et la dissémination de ces trois catégories d’armes à un nombre restreint d’Etats. Dans ce contexte, chacune des armes de destruction massive sera régit par un accord et un organe international propre :
- Le Traité sur la Non- Prolifération nucléaire (TNP) pour l’arme nucléaire, avec l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) comme organe compétent.
- La Convention sur les armes chimiques suivie par l’Organisation pour l’Interdiction des armes chimiques (OIAC) basée à La Haye (Pays Bas)
- L’Accord sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction (CABT)en anglais Biological Weapons Convention (BWC) entrée en vigueur le 26 mars 1975.
L’ensemble de ces trois catégories d’armes est désigné sous le sigle collectif anglais Nuclear, Biological and Chemical (NBC) par opposition aux armes conventionnelles.
Les présents développements portent exclusivement sur la Non- prolifération nucléaire.
CONTEXTE HISTORIQUE DU TRAITE DE NON PROLIFERATION NUCLEAIRE
La non-prolifération nucléaire constitue l’ambition qui a présidé à la création, en juillet 1957, de l’AIEA pour promouvoir l’utilisation de l’énergie nucléaire pacifique et veiller à ce que la technologie nucléaire ne soit pas détournée à des fins militaires.
Le point de départ constitue le projet de résolution relatif à la non-prolifération initié par la République d’Irlande à l’Assemblée Générale des Nations unies en 1958. A cet égard, l’ONU a adopté une série de résolutions puis a créé un comité de dix-huit puissances (comprenant des pays du bloc occidental, du bloc de l’Est et des pays Non Alignés) avec pour mandat d’élaborer des propositions de désarmement nucléaire.
En 1965 les USA et l’URSS proposent deux projets de texte différents de la proposition du Comité ad hoc puis, récupérant l’élan, ils parviennent en janvier 1968 à deux versions révisées identiques sur la non-prolifération en lieu et place du désarmement.
Les Etats non dotés d’armes nucléaires (ENDAN) réagissent et cherchent à obtenir des compensations et des garanties face à cet état de fait. L’ONU accorde ces garanties par la Résolution 255 du Conseil de Sécurité du 19 juin 1968, avant même l’adoption du TNP qui sera ouvert à signature à Moscou, Washington DC et Londres le 1er juillet 1968.
Le Traité de Non-prolifération nucléaire (TNP) entre en vigueur le 05 mars 1970 après sa ratification par les trois puissances dépositaires et 40 autres Etats signataires.
CONTENU DU TRAITE DE NON PROLIFERATION NUCLEAIRE
Le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) est un texte juridique contraignant de onze articles (11) consignant les interdictions et mesures de contrôles permettant d’aboutir à la non dissémination de l’arme nucléaire au-delà des puissances déjà détentrices de cette capacité de destruction massive.
Le TNP fonctionne sur la base de la distinction originelle entre deux catégories d’Etats : les Etats Dotés d’Armes Nucléaires (EDAN) et les Etats Non Dotés d’Armes Nucléaires (ENDAN)
Il repose sur trois piliers :
- La renonciation des ENDAN à se doter de l’arme nucléaire.
A ce titre l’article II du Traité dispose « les Etats non dotés d’armes nucléaires s’engagent à n’accepter de qui que ce soit, ni directement, ni indirectement le transfert d’armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires…à ne fabriquer ni acquérir de quelque autre manière…et à ne rechercher, ni recevoir une aide quelconque pour la fabrication d’armes nucléaires ou d’autres dispositifs nucléaires explosifs »
- Le désarmement à terme des EDAN
L’article VI engage les EDAN à « …poursuivre de bonne foi les négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace »
- La promotion des applications pacifiques du nucléaire
Les articles IV et V proclament les droits inaliénables à l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques.
BILAN CRITIQUE DU TRAITE DE NON PROLIFERATION
Au lendemain de la date prévue (avril 2020) pour la 10éme Conférence d’Examen du TNP et 50 ans après la ratification du TNP le bilan de sa mise en œuvre reste mitigé.
Au regard de la non-prolifération le bilan est positif dans la mesure où depuis 1970 date de son entrée en vigueur quatre (04) Etats seulement (Inde, Pakistan, Israël et Corée du Nord) sur les 193 membres de l’ONU se sont dotés de l’arme nucléaire ; les trois premiers n’ayant jamais ratifié le TNP et le quatrième s’y étant retiré.
En outre l’AIEA dénombre trente (30) Etats capables de développer des armes nucléaires et cinq Etats hébergeant (sans en avoir fabriqué) des sites d’armes nucléaires de par leur appartenance à l’OTAN (Belgique, RFA, Pays Bas, Italie et Turquie). L’on est donc loin du schéma de prévision des 20 à 25 puissances nucléaires envisagées par le Président Kennedy en 1963 ;
En revanche le bilan du 2ème pilier (désarmement) reste négatif.
Tous les cinq membres du Conseil de Sécurité (à l’exception de la Chine) ont réduit quantitativement leurs arsenaux nucléaires mais aucun qualitativement. Ils ont, au contraire, modernisé leur armement et pris des dispositions pour conserver leur capacité nucléaire indéfiniment.
Au demeurant, le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE ou TICEN) signé depuis 1996 n’est toujours pas en vigueur, n’ayant pas reçu le nombre de ratifications nécessaires.
Le bilan du 3éme pilier reste inégal même si l’on enregistre des acquis non négligeables. C’est le cas du Niger où l’on enregistre des avancées dans le domaine des applications du nucléaire au développement avec dans le secteur de :
- La Santé : projet de Centre de radiothérapie et de traitement du cancer à la Maternité Issaka Gazobi ; des études nucléaires sont également en cours en vue de la stérilisation du vecteur du paludisme.
- Hydraulique : études des aquifères dans le nord du Niger et des causes profondes de l’ensablement du fleuve Niger.
- Energie : projet de programme électronucléaire (pour produire l’électricité)
- Agriculture : l’AIEA expérimente des procédés de conservation des denrées agricoles à partir des techniques nucléaires.
La faiblesse du TNP demeure dans le déséquilibre persistant et croissant entre les succès enregistrés en matière de non-prolifération et la faiblesse des avancées en matière de désarmement. Le Traité consacre le monopole des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité (P5), EDAN, sur l’arme nucléaire, ce qui n’est acceptable par les ENDAN qu’en contrepartie de leurs engagements à poursuivre les négociations en vue d’aboutir au désarmement nucléaire.
Cette situation explique les réticences de certains Etats à renoncer définitivement à tout programme nucléaire. C’est le cas de l’Inde, le Pakistan, l’Israël, la Corée du Nord, l’Iran et dans une certaine mesure la Syrie.
Elle justifie par ailleurs qu’étant arrivés à la conclusion que les Etats Dotés d’Armes Nucléaires ne manifestent aucune volonté de bonne foi dans le sens du désarmement les Etats non dotés aient décidé d’engager une initiative forte qui aboutira à l’adoption par l’Assemblée Générale de l’ONU, en 2017 du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires(TIAN), non encore ratifié par le nombre d’Etats requis.
A cette fin notre pays, producteur majeur d’uranium, est soumis à de fortes pressions à la fois par les ENDAN pour ratifier le TIAN que par les EDAN pour ne pas ratifier ce Traité.
Il faut également signaler au chapitre de la non- prolifération l’adoption de la Résolution 1540 du Conseil de Sécurité du 28 février 2004 qui vise à parer la menace terroriste avec le risque de voir des acteurs non étatiques se procurer des armes nucléaires, chimiques et biologiques ou leurs vecteurs.
STATUT DU NIGER VIS-A-VIS DU TNP
Le NIGER a signé et ratifié le TNP ;
Dans le cadre des engagements avec l’AIEA, le NIGER a signé et ratifié les principaux textes à savoir l’Accord de Garanties et le Protocole Additionnel. Il a adhéré à plusieurs conventions encadrant la production, le transport, l’exportation et le contrôle des matières fissiles mais également celles relative à la mise en œuvre du programme électronucléaire du NIGER dont la lettre d’intention a été introduite auprès de l’AIEA en septembre 2010. La requête du Niger a été validée par l’Agence.
Au plan régional Le Niger a ratifié le Traité de Pélindaba pour une Afrique exempte d’armes nucléaires ;
Le NIGER figure en 2017 sur la liste des 4 Etats modèles (avec la Finlande, l’Australie et la Thaïlande) à passer avec succès l’examen du processus de mise en œuvre du protocole additionnel à l’Accord de garanties sur la non-prolifération ; le NIGER porte les espoirs des Pays les Moins Avancés (PMA) en vue de la mise œuvre par l’AIEA d’un programme de développement spécifique .Il assure un rôle de leadership dans le sens de l’universalisation de la non-prolifération en Afrique de l’Ouest.
Enfin le Niger héberge la station sismique PS 23 TOR de Torodi qui enregistre tous les essais nucléaires réalisés dans le monde ; en outre, il abrite la station radionucléide RN 48 à Agadez.
Ambassadeur Adani ILLO
Ancien Gouverneur du NIGER à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique
Membre de la Cellule Centrale d’Appui dans le cadre du mandat du NIGER au
Conseil de Sécurité de l’ONU