L’état sécuritaire dans le Sahel est préoccupant, en ce début 2020. Les attaques terroristes sont de plus en plus meurtrières, menées par des groupes djihadistes devenus des professionnels de l’art de la guerre. Le nombre de victimes, militaires et civiles, augmente. Les déplacés internes envahissent les grandes villes sahéliennes, fuyant les attaques et à la recherche d’une protection sécuritaire. Les États du G5 Sahel et leurs partenaires sont à la recherche de nouvelles approches pour contrer cette barbarie. Leurs opinions publiques se montrent hostiles à la présence des bases militaires françaises et américaines dans leurs pays. Les lueurs d’espoir résident, d’une part, dans l’entrée en action des drones américains, et dans l’aguerrissement des Forces de défense et de sécurité des pays les plus victimes des agressions terroristes : Burkina Faso, Mali et Niger
Les attaques terroristes ont causé des pertes importantes aux armées du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Par exemple, le Niger a perdu 174 soldats, en trois attaques et dans l’espace d’un mois, entre début décembre 2019 et début 2020. La force française Barkhane a également subi un choc, après la mort en opération de treize militaires au Mali, en décembre 2019. Les déplacés internes ont vu leur nombre grimper. La Force du G5 Sahel, qui regroupe, outre les trois premiers, la Mauritanie et le Tchad, peine à se déployer sur le terrain, faute de financement et d’équipements de standard adéquat. Les pays membres du G5, à savoir le Burkina Faso, le Mali, le Niger, la Mauritanie et le Tchad continuent de demander aux puissances de placer, sous le chapitre VII de la charte des Nations-Unies, cette Force conjointe du G5 Sahel. Ils ne cessent de plaider pour le renforcement du mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA). Ce renforcement concernerait, notamment, l’utilisation des moyens aussi bien politiques, policiers que militaires.
Quelques faits
Le chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’ouest et le sahel (UNOWAS), le Ghanéen Mohamed Ibn Chambas, a déclaré au Conseil de sécurité de l’ONU, le 8 janvier courant, que l’on a enregistré, en 2019, plus de 4000 morts de terrorisme, au Burkina Faso, au Mali et au Niger, contre 770 en 2016. Le nombre de déplacés internes, dans le seul Burkina Faso, dépasse un demi-million. Au Mali, ces victimes sont passées de 63 000, en juin 2019, à 120 000, en décembre 2019. Quant au Niger, ce chiffre était, en décembre 2019, de 254 000. À ce drame, s’ajoutent des milliers de personnes ayant quitté leurs terres pour trouver refuge dans les pays voisins.
On note, également, que les terroristes, lors d’attaques, saisissent des armes. Leurs divers butins s’accroissent. Pour leur résilience, ils se livrent aussi à des trafics de tous genres et à d’autres activités illicites, telle l’exploitation minière artisanale dans certaines zones qui soutiennent leurs réseaux, selon le diplomate. Pour un responsable du département américain de la Défense, « Les États sont désorganisés, je pense qu’ils sont justes dépassés. » Les terroristes, avec beaucoup de cynisme et machiavélisme, ont réussi aussi à soulever des communautés les unes contre les autres, au moyen de massacres ciblés. Ils auront pu mettre à mal la confiance entre populations sahéliennes et pays partenaires, tels la France et les États-Unis d’Amérique, qui disposent de bases militaires dans certains pays du G5, Burkina Faso, Mali et Niger, surtout. Une partie, très active, des opinions publiques de ces pays est remontée contre la Force française Barkhane, forte de 4 500 hommes. Une nervosité verbale est perceptible entre le président français, Emmanuel Macron, et lesdites opinions publiques, depuis la perte de treize soldats français au Mali. En France même, une partie de la classe politique, en particulier la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, appelle le gouvernement « à ouvrir une discussion sérieuse et rationnelle pour envisager les voies de sortie » de l’Opération Barkhane. Face à l’ampleur de la tâche, la France a réclamé un appui plus conséquent de l’Europe sur le terrain sahélien. En dépit de cet appel, la mise en place du Partenariat pour la sécurité et la stabilité du Sahel (P3S), promise par la Chancelière allemande, Angela Merkel, prend du temps, en raison du besoin de plus de concertations entre membres du Conseil européen. Le Burkina Faso et le Niger sont entrés en année électorale, le ventre noué par cette hypothèque sécuritaire. Beaucoup d’ingrédients sont réunis pour rendre difficile et long un retour éventuel à la paix au Sahel.
Des lueurs d’espoir
Cependant, une première lueur d’espoir pointe, avec l’entrée en scène, efficace, des drones armés américains, basés au Niger, grâce à la coopération entre les États-Unis, la France et les trois pays les plus touchés par l’insécurité. De fabrication américaine, Reaper, ces vecteurs aériens téléguidés et sans pilote à bord, ont commencé à frapper les terroristes. Lors de l’attaque du Poste militaire avancé de Chinégodar, un village nigérien à juste 10 km de la frontière malienne, dans la région de l’Ouest, Tillabéry, le 9 janvier courant, ces drones sont intervenus, effectuant des frappes qui ont contribué à forcer les terroristes à décrocher. Le bilan, donc la violence, des combats, soit 89 soldats tués, ne doit point masquer ce fait. Les drones étaient, bel et bien, là. On peut interpréter ce fait comme un signal à l’adresse des terroristes. Dans le même temps, de façon réaliste, on reconnait que l’attaque est survenue, environ deux mois après la menace officielle de l’utilisation de ces drones armés.
L’autre espoir émane des Forces de défense et de sécurité (FDS) des trois pays les plus touchés par l’insécurité. Les FDS concernées s’aguerrissent, s’arment de courage et d’ardeur. Malgré la violence des attaques, elles sont de moins en moins sur la défensive, et passent à l’offensive, avec l’appui de la Force Barkhane et de la base américaine d’Agadez, au Niger. Le soutien de la population se manifeste par la compassion en cas de décès de militaires, des marches et des déclarations, autant de signes qui montrent qu’elle souhaite des solutions africaines à ce fléau africain. Afin d’être plus opérationnelles et plus efficaces, les FDS auront, toutefois, à améliorer leur propre gouvernance, en matière de commande ainsi que de gestion d’armes et munitions, par exemple.
Dr André Marie POUYA
Journaliste et Consultant