C’est le parfait désamour et l’escalade verbale au sein de l’opposition. La crise de leadership a achevé de ruiner le semblant d’unité et de cohésion que l’opposition veut donner voir au public. On est en face d’une opposition écartelée par des intérêts personnels et des règlements de comptes. Les uns ne vont pas du dos de la cuillère pour dénoncer les autres et vice versa.
Amadou Boubacar Cissé, président de l’UDR Tabbat, revenu d’un exil volontaire à l’extérieur depuis la présidentielle de 2016, a forcé la porte en devenant président du FDR, le front qui fédère toute l’opposition et la société civile qui lui est favorable. Il brûle ainsi la politesse à l’ancien président de la République Mahamane Ousmane, son allié de toujours, celui-là même qui l’a fait Premier ministre en 1995 contre l’avis de son parti, le MNSD. Cissé était un éphémère Premier ministre, qui a été renversé par une motion de censure sans avoir eu à former un gouvernement.
Cissé déloge Ousmane de la présidence du FDR, et se déclare seul maitre à bord du navire Opposition en pleine tempête. Les contestations fusent. Les têtes de pont de l’opposition que sont MODEN Lumana et RDR Tchendji font grise mine, mais n’arrivent pas à démettre Cissé.
Ragaillardi par cet exploit…politique, il tente d’imposer son leadership et de déclarer la guerre aux chefs des grands partis. Il met en demeure ceux qu’il appelle leurs « garçons de course » et dénonce le « complot bien organisé contre le peuple du Niger » ourdi par ceux de l’opposition qui le contestent. Il sonne la fin de la récréation, mais aussi de cette époque idyllique où les dirigeants actuels de l’opposition n’ont eu de cesse de transformer les militants de leurs partis en « bétail électoral ».
Tout ça c’est fini, a-t-il décrété, en déniant tout leadership à Mahamane Ousmane et Hama Amadou tout en dénonçant leurs comportements qui ont conduit le Niger à être le dernier de la planète depuis la Conférence nationale souveraine.
Qui l’eut cru ! Un dirigeant de la majorité présidentielle ne fera pas un réquisitoire aussi retentissant comme celui-là où les principaux dirigeants de l’opposition sont cloués au pilori. C’est la preuve, s’il en faut, de la désintégration de l’opposition, de son immaturité, de son incapacité à servir d’alternative politique.
Plutôt que de proposer aux nigériens un projet de société alternatif à la gouvernance actuelle qu’ils vouent aux gémonies, les opposants préfèrent entretenir une foire d’empoigne autour d’une coalition qui n’existe que de nom. Quand des gens s’invectivent avec une rare violence tout juste pour un petit tabouret de président d’un front moribond, le risque est grand de leur confier la gestion d’un Etat. Ceux qui n’ont pas pu s’entendre pour gérer un petit front, comment peuvent-ils se mettre d’accord pour gérer un Etat ? Ils risquent de se bagarrer tout le temps jusqu’au terme du mandat.
Tiémogo Bizo